Interlude III

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Le Maître et moi étions dans le bureau du Vice-Maître. Yvan était assis sur sa chaise tandis que moi restait debout, face à lui. Keith, quant à lui, s'appuyait contre le meuble qui grinçait sous son poids.
Nous étions venus écouter les retours sur l'incident de la diligence déroulé il y a quelques temps déjà.

- " Alors ? Ils disent quoi ?"

- " Ne t'accoudes par sur mon bureau !" réprimanda le sous-chef avant de répondre à la question du Maître. " Ils déclinent toutes responsabilités. Nous porterons donc le chapeau et devront payer le prix fort."

Je poussai un petit cri de surprise. Keith faillit briser la table de bois en tapant de son poing sur cette dernière, scandalisé. Notre collègue continua pour calmer notre incompréhension :

- " Ne soyez pas si surpris. L'attaque des gobelins s'étant déroulée sur une zone sous notre protection, la cité de Ladsen a déclaré que si un rapt a eu lieu c'est uniquement parce que nous n'avons pas correctement sécurisé le passage pourtant très emprunté et ce, même si leurs employés n'étaient pas aptes à les vaincre."

Le Maître soupira d'un air agacé. Nous n'étions pas dupes ; notre ville dépendait de leurs exportations de machines industrielles. Les relations entre les différentes bourgades étant régies par les guildes ou, comme à Ladsen, par les empires commerciaux notre attitude envers eux est décisive pour tout échange avec l'endroit et les commerçants. Si nous refusions ou tentions de négocier, ils prendraient cela comme un affront et pourraient couper court à tout commerce entre nos villes respectives, même empêcher l'entrée aux citoyens de Rosran et aller jusqu'à déclarer une guerre.

Cela n'était pas envisageable, Ladsen était l'unique cité industrielle des environs et la plus importante du pays. Sans eux, Rosran resterait figée dans le temps, privée de tout progrès technologique.

Ils profitaient de cet avantage et de l'appui de la capitale qui les considérait comme d'importants alliés économiques contrairement à nous. Les autres villes n'avait rien à nous envier, si ce n'est notre bibliothèque qui égalait celle de la capitale autrefois.

- " De ce fait, nous devrons payer un surplus lors du règlement pour compenser la perte d'hommes et des véhicules." poursuivit notre trésorier sous l'œil boudeur de Keith.

J'entendis le sifflement désagréable de notre supérieur ; il avait très bien compris que nous allions payer l'intégralité des réparations en plus de devoir rembourser la livraison de marchandises que nous n'avions pas reçu. Une véritable arnaque si je puis le dire ainsi.

Après quelques plaintes de la part de tous, notre discussion vira sur le sujet de notre nouvelle recrue : Diane Eulet.

Elle était revenue il y a peu de sa mission plus remontée que jamais. Aussi, grâce à elle je perçus une petite somme due à ma victoire sur notre pari. Le trésorier avait misé sur la démission de la jeune fille, le Maître, lui, pensait qu'elle finirait par arracher les cheveux de notre cher Lash et moi, avait parié sur la réussite de sa mission et son envie de poursuivre son travail ici.

Aussi, le Vice-Maître avait envisagé d'utiliser cette dernière afin de ne pas payer une somme conséquente à la ville voisine. Étant elle-même une passagère de la diligence, nous en avions donc déduit qu'il s'agissait de sa ville d'origine et, son comportements suggérait de nombreuses choses. Elle avait une attitude irréprochable ; moi qui partageais son dîner pouvait affirmer sans aucun doute qu'elle connaissait l'art de la table comme un enfant connaît son prénom ; une éducation très bourgeoise. Cela laissait espérer son aide pour régler cette affaire mais, Keith, fidèle à lui-même, avait refusé cela.

Je quittais le bureau de mon collègue. Nous avions entendu depuis l'étage le rire de notre camarade : Seth.

Je songeais en rejoignant la rambarde de l'escalier combien la bâtisse vieillissait, elle-aussi à cause du craquement du parquet de bois terne sous mes souliers.

Je regardais la salle vivante et animée de la taverne de la guilde ; pas une table n'était dispensé de choppes d'alcools, les fêtards étaient aussi nombreux la journée que la nuit et l'agitation près des guichets de requête battait son plein.

En me penchant un peu plus en avant, j'observais notre général en train de faire un numéro de charme à Diane; je l'interpellais depuis l'étage :

- " Oh ! Seth, tu es rentré ! Cela tombe à pic, Yvan désirait te voir." appelais-je le garçon?

Il devait aller voir notre ami pour obtenir le récapitulatif de notre réunion et ainsi prendre connaissance de l'attaque de la diligence et ses dégâts. En constatant la mine boudeuse et épuisée psychologiquement parlant de mon invitée, un pique me vint à l'esprit : 

- " Tu es là Diane, toi aussi ! Tant mieux, j'ai pensé que tu devrais aller t'entraîner avec Lash !" poursuivis-je, un sourire étirant mes lèvres.

Je savais au combien cela n'enchantait pas cette dernière que nous avions mis de force en duo. C'était d'ailleurs la raison qui m'y avait poussé. La réaction toute aussi enjouée de Lash ne put que me ravir.

FlügelWhere stories live. Discover now