Chapitre XVIII

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Choc

La sentence solennelle était prête à recommencer l'assaut. De nouveau en garde, elle se poussa vers l'avant, ne foulant la terre que d'un pas et, tenta de frapper ma lame afin de faire jeu de puissance.

- " Pas cette fois, ma petite boîte de conserve..." murmurais-je en songeant que cette crevure de Lash avait déteint son habitude de donner des surnoms sur moi.

Mon buste se rapprochait dangereusement du sol à mesure que ma jambe arrière s'enfonçait progressivement dans le sable et s'écartait de ma jambe avant. Je portais mon bras à mon visage et couvrais mes lèvres et mon nez.

Soudain, quand la Paladin se retrouva à ma portée, ma jambe traça un arc de cercle vers l'avant. Tout le sable qui était au-dessus de mon pied auparavant fut propulsé vers le visage de la combattante tel un rideau de poussière. Décontenancée par l'épaisse cascade de sable qui s'abattait sur elle, sa vision fut troublée et sous la panique, son mouvement s'arrêta.

La guerrière tentait d'ouvrir les yeux mais à chaque fois qu'elle l'essayait, un panache sablonneux s'immisçait entre ses paupières. Machinalement, ses mains se portèrent à son visage mais, protégées sous des gantelets eux-aussi atteints par ma feinte, elle ne faisait qu'augmenter la quantité de sable présente dans ses yeux.

J'avais bien compris qu'utiliser la force serait une perte de temps face à pareille adversaire alors, autant la jouer lâche et remporter la victoire ! Je ne suis pas une sainte ni une chevalière, je me battrais avec mes propres moyens, songeais-je avec aplomb.

Arrosée sous le sable brûlant, Phoebe ne remarqua pas mes mouvements suspects autour d'elle et, ne vit d'ailleurs pas mon épée arriver derrière elle.

Je ne dirigeais pas le tranchant de ma lame vers son dos, son armure d'une qualité supérieure à ma lame l'aurait protégé et mes dégâts auraient été mince. C'est pourquoi, le plat de mon arme cogna brutalement dans sa colonne vertébrale. L'impact se propagea dans tout son corps à cause de son armure intégrale qui emprisonnait la douleur sur son corps.

Surprise son corps tomba lourdement sur la terre avant qu'elle ne crache tout le sable ingéré.

- " Alors, comme ça, tu te crois maligne ?" tonna la voix étrangement douce de Phoebe Lancelot.

Encore à terre, son visage s'était retourné pour désormais me faire face. Son regard démentiel me tétanisa un instant. Comment pouvait-elle garder les yeux si grands ouverts alors que tout leur blanc était devenu rouge écarlate et devait la brûler de l'intérieur ? Elle n'est pas humaine, soufflais-je d'admiration.

Je serrais le poing. Ce n'est pas le moment d'être impressionnée !

Je reprenais ma course en prenant garde à frôler son armure d'acier. Dans mon dos, son espadon s'abattit sur moi. L'adrénaline avait pris possession de mon corps et, muée par cette énergie incontrôlable, je m'étais retournée et avait intercepté le coup.

J'avais beau avoir réussi à me protéger du tranchant, la puissance qu'elle avait insufflée à son coup suffit à me projeter une nouvelle fois en arrière. Retombant lourdement contre la paroi du Colisée une nouvelle fois, tressaillante, je sentais la douleur sillonner entre mes os.

La sous-fifre de la Colère semblait aussi énervée que son affiliation l'indiquait et, laissant ses sentiments prendre le dessus sur son calme apparent, elle rebondit vers moi. A la fin de sa course, alors que sa lame aurait dû se ficher dans ma poitrine, toujours entraînée par l'adrénaline, je pus rouler sur le côté et éviter le coup.

Je comprenais bien qu'elle ne s'arrêterait pas là alors je me ressaisis, prenant de l'élan et courant vers la direction opposée à celle de la combattante.

Durant ce court laps de temps, Phoebe se retourna. Légèrement de profil, elle tenait désormais sa lourde épée en position d'estoc, clairement tournée vers moi. Une nouvelle charge s'en suivit.

J'avais compris que sa technique avait changé ; nos méthodes habituelles se révélant inutiles, il fallait changer la donne.

Au dernier moment, quand la pointe vint érafler mes côtes, je glissais dans son dos. Mon corps était bien trop bas pour être touché par une personne aussi grande qu'elle, j'étais en sécurité. J'allais enfoncer mon épée, telle un poignard, dans sa cuisse. Ses bottes, remontant jusque là, étaient certes faites d'acier mais, pour ne pas entraver ses mouvements en étant aussi près de sa peau, il fallait bien qu'elles soient la partie la moins solide de son armure. Autrement dit, c'était le seul endroit où je pouvais espérer la blesser franchement.

Je pensais y arriver cependant, sans que je m'en aperçoive, le bras de mon opposante avait fait volte-face. Traçant un arc dans le ciel, son poignet plongeait dangereusement vers moi et, la trajectoire modifiée du coup, allait s'abattre droit sur mon dos à découvert.

Je ne m'attendais certainement pas à cela. Prise de cours, un cri aiguë m'avait échappé. L'estoc n'était qu'un leurre, une feinte pour s'approcher au plus près de moi. Ayant deviné le moindre de mes geste, en une fraction de seconde, elle avait repensé sa charge de sorte de me prendre à revers.

Complètement abasourdie, je ne ressentie pas tout de suite que les effets de l'adrénaline s'était évanouie à cet instant. Mes forces épuisées laissèrent mes jambes se dérober sous mon poids.

Ce fut ce pur hasard qui me sauva la vie. Chutant comme une poupée de chiffon, ma tête bascula en avant et permit à mon cou d'éviter de recevoir le coup de grâce du bourreau. Une mèche de cheveux fut tranchée sur le vif. Étalée au sol, ma respiration parvenait en écho à mon esprit.

 Ma tête est-elle toujours accrochée à ma gorge ? Suis-je vivante ? Suis-je vraiment vivante, haletais-je dans mon for intérieur.

Je tremblais. Mon corps tout entier frémissait de peur et des larmes avaient coulé sous la pression imminente.

Remarquant qu'elle avait manqué son coup de peu, la Paladin comptait réitéré son attaque cependant, dans un nouvel élan d'adrénaline, je bondis en arrière dans le même genre genre de réflexe animal qui avait animé Rostang au premier challenge.

La Paladin perdait patience.

- " T'es loin d'être sortie d'affaire, Eulet !" hurla-t-elle, folle de rage.

FlügelWhere stories live. Discover now