Chapitre XVII

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A terre

Mon esprit se noyait peu à peu. Comme si une marée salée avait inondé mon visage, je ne percevais plus que des sons lointains sans pouvoir les comprendre. Mes paupières s'ouvraient et s'affaissaient aussitôt, ne distinguant même plus la silhouette marchant derrière le brouillard dans mes pupilles.

Mes membres me faisaient affreusement mal et subissaient encore le contrecoup. Des plaques rouges se formaient sur ma peau brûlée par le sable de l'arène, encore chaud depuis le combat de Hel.

J'essayais de me relever, y mettant toutes les forces qui permettaient à mon cœur de battre et pourtant, seuls mes doigts remuèrent brièvement.

C'était trop injuste. Pourquoi, après tous les efforts que j'ai fournis, me retrouvais-je en cette posture ? Je commençais seulement à comprendre la frustration qui animait Rostang lors de son duel face à Celian. C'était tellement difficile d'admettre la vérité... Mon entraînement était vain...

Un rideau de larmes voila de nouveau mes prunelles et cascada jusqu'au sol, s'évaporant avant même de le frôler.

Qu'est-ce que j'espérais ? Ces Paladins sont des surhommes. Ils s'entraînent sans cesse, depuis leur enfance pour certains alors, comment un entraînement d'à peine quelques mois aurait-il bien pu changer quoi que ce soit à mon niveau ? Je suis toujours la même petite sotte incapable de se défendre seule...

Muées par une rage sourde, mes mains se crispèrent d'elles-mêmes et empoignèrent du sable chaud, le serrant jusqu'à ce qu'il strie mes paumes. Mon front s'avachissait avec une vigueur surprenante contre l'arène et se renfrognait vers moi pour ne pas montrer davantage la honte qui s'emparait de mon corps.

- " Hé ! Tu te fous de moi, là ? C'est vraiment à cause d'une gamine aussi médiocre que toi que j'ai du subir cette foutue sanction ?" tonna soudainement la voix grondante de Phoebe.


Encore embrumée, j'avais du mal à percevoir ses paroles toutefois, leur émettrice ne semblait pas s'en intéresser. Elle ne cherchait qu'à exprimer, elle-aussi, la colère qui envenimait son corps :

- " Réponds quand je te parle ! Tu te rends compte qu'à cause de l'échec de ma mission d'infiltration, j'ai du subir le bon-vouloir de mon maître ; la Colère ? Sauf que, étant complètement asservie par sa sœur adorée et adepte de la torture, ce fut cette dernière qui me sanctionna ? Connais-tu la jouissance que procure la torture à sa cadette, la Gourmandise nommée Hel ? Tu sais ce que ça fait de cramer pendant des jours entiers à l'intérieur d'une marmite brûlante, affamée et déshydratée devant une gosse qui rit à ta douleur ?" s'énerva la combattante.

La colère déformait son visage pourtant si parfait. Ses pupilles recouvraient ses iris sous sa rage montante. Une telle force émanait de son corps alors que moi...

J'en venais à trembler de peur, j'étais si pathétique. Mes pleurs s'intensifiaient et la culpabilité rejoignait ma honte. Pour qui m'étais-je prise en la licenciant ? Je ne suis qu'une gamine, après tout...

Soudain, un crachat s'abattit sur moi, suivi d'un caillou. Et puis, peu à peu, les pierres pleuvaient au dessus de moi. Des huées s'élevaient dans le Colisée et hurlaient leur déception à mon égard.

Je savais qu'ils avaient raison, moi-même je l'admettais cependant... Je n'avais pas envie qu'on me le crache au visage de la sorte, je ne voulais pas être la cible de leurs pouces baissés.

- " Taisez-vous... Ça suffit maintenant..." murmurais-je à demi-mot.

Les pierres étaient chaque fois plus grosses et les spectateurs les lançaient chaque fois plus fort. La Paladin se joignit à eux et balaya le sol du pied, projetant sur moi un rideau de poussières et de sable.

Je haletais. Mes sourcils se fronçaient en dépit de ma responsabilité. Si j'étais dans cette situation, c'était entièrement ma faute. C'est moi qui ai décidé de participer à cette compétition, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même mais... C'est aussi à moi de m'en sortir.

Rassemblant le peu de forces qui me maintenaient en vie, je rapprochais mes coudes de mon corps et tentais de me relever. Retenant de me mordre les lèvres, je criais mes sentiments au public :

- " Fermez-la !"

Étrangement, la foule se tut un instant. Elle ne s'attendait sûrement pas qu'en ma position, je puisse proférer de telles paroles. Des murmures parcouraient les gradins cependant, aucun ne répondit à mon ordre et ne désobéit.

Mes muscles souffraient de martyr en cherchant à soulever mon corps et, grâce à je ne sais quel prodige, je parvins finalement à appuyer mes pieds au sol et à hisser le reste de mon buste.

Je n'avais pas fière allure. Traînant ma lourde épée au sol, je ressemblais davantage à une faon venant de naître en train de chercher son équilibre pour se tenir debout plutôt qu'à une combattante marchant dans cette arène mais... ma haine et ma rancune d'avoir été humiliée étaient là pour me faire avancer !

- " Alors, ça t'a fait bobo de devoir faire un bain d'eau chaude ? C'est pas mon problème... Si t'as subi ça, t'as qu'à t'en prendre qu'à toi-même... C'est toi qui as échoué, c'est toi qui t'es fait avoir par une simple plaisanterie d'enfance... Alors maintenant.... Boucle-là !" soufflais-je en commençant ma course grâce à l'adrénaline parcourant mon corps.

Phoebe Lancelot était bouche-bée. Ne réagissant pas devant ce qui se déroulait sous ses yeux, elle ne parvint qu'au dernier moment à stopper ma course. Ayant sorti son arme et porté à son visage d'instinct, nos épées étaient les seules choses qui sui séparaient mon visage haineux et vengeur de sa mine ahurie, quelque peu stupide avec du recul. Les lames tressaillaient puis se repoussèrent.

En voyant cela, la Paladin rit :

- " Ha ha ha... C'est tout ? Ça y est, tu as piqué ta crise ? Tu le vois bien, tu es incapable de surpasser ma force ! J'ai travaillé des années entières pour devenir ce que je suis aujourd'hui, mes muscles sont si bien dessinés sous cette armure que l'on pourrait facilement faire cuir un steak bestial sur mes abdominaux ! Le résultat sera exactement le même, que tu te relèves ou non !" affirma-t-elle d'une voix débordant de confiance, le torse en avant, fière de ses atouts.

- " Oh ça, je n'en serais pas si sûre, si j'étais toi..." souriais-je discrètement, prête à continuer l'assaut.

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