Interlude I

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                                                     Rien de plus

Je venais d'accompagner les victimes de l'attaque, tous terrorisés jusqu'à l'église et j'allais désormais écouter le rapport d'un des hommes afin de le transmettre à la ville de Ladsen. Le travail de fondateur de la guilde n'était pas de tout repos...

— Qui est-ce, s'enquit une voix d'homme après que j'eus toqué à sa porte.

J'ouvris avant de répondre. La personne installée à son bureau m'accusa d'un regard réprobateur, sans doute parce que j'avais eu l'impolitesse d'entrer sans y être invitée. Il ne releva simplement pas, se contentant de me demander ce qu'il y avait d'un geste de la tête.

— C'est moi, tu as entendu, je suppose. La diligence de Ladsen a été attaquée.

Il souhaita simplement confirmer si les auteurs de ce méfait étaient bel et bien des gobelins, nettoyant le verre de ses lunettes d'un air désintéressé. Je confirmais ses dires en passant derrière sa chaise, observant le ciel avec inquiétude :

— Cela devient vraiment problématique... Comment aurions-nous pu un jour penser que les gobelins, des monstres parmi les plus faibles du bestiaire puissent causer autant de soucis, demandai-je d'une voix lassée.

 — Ils sont comme nous. Nous survivons et devenons plus forts pour parer les prochaines attaques, c'est tout. Ils ont été attaqués durant des années par les jeunes aventuriers et ceux qui y ont survécu ont tout fait pour ne pas reperdre de nouveau, répondit-il.

Je hochais la tête à sa remarque. Je n'attendais pas spécialement qu'il me donne son avis cependant il poursuivit malgré tout :

— Ce n'est pas tout, nous sommes aussi à une autre époque. Avant, on voulait devenir fort pour battre un dragon maintenant c'est une question de survie, les jeunes qui s'engagent pensent y arriver facilement mais ce qu'ils ne savent pas c'est que le monde entier progresse mais pas le pouvoir d'un homme. Rien de plus.

Je comprenais son raisonnement, nous, nous avions des rêves alors nous sommes venus forts mais maintenant cela ne se passe plus ainsi. A cause du progrès des armes et de l'augmentation du nombre de guildes même les guerres et les monstres n'impressionnent plus comme avant. Chacun croit qu'avec une épée ou une hache il serait invincible et pourrait conquérir le monde. Ce n'est pas ça la réalité.

Je quittais la pièce pour retourner chez moi, voir les visages déshumanisés des victimes m'a fait perdre le moral.

— Tu t'en vas déjà, demanda le maître qui était à deux doigts de danser sur la table.

En voilà un qui ne se laisse pas abattre, songeais-je en sortant sans même répondre, mon départ parlant pour moi. Une violente bourrasque souffla quand je quittais le bâtiment. La pluie avait cessé mais l'air orageux était encore présent.

Je n'y prêtai pas plus attention et partis me coucher. J'avais décidé que le lendemain je retournerais à l'église voir les victimes, si on peut en engager un ou deux, on ne sait jamais. Dans le pire des cas, cela m'évitera de subir les plaintes des hommes qui ne supportent pas les gueules de bois.

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