Chapitre X

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                            Entre confiance et méfiance

"Ils ne passeront pas la nuit."

Depuis que ce fou de Klaus avait proclamé ces mots, je en pouvais m'empêcher de réfléchir. Je  ne pouvais pas arrêter de m'inquiéter pour mon ancienne guilde.

En tant que commerçant, je savais qu'il avait une grande influence mais de là à pouvoir prendre des décisions au niveau des guildes, cela prenait bien trop de proportions. Enfin, il voulait prendre le pouvoir ; les proportions étaient déjà énormes. Le plus juste serait de dire que cela impliquait trop de personnes innocentes.

Depuis mon retour, Ziege me brossais les cheveux. C'est étrange mais j'ai toujours trouvé cela apaisant ; voir les crins de la brosse longer ma chevelure en faisant plier tout obstacle m'a toujours fasciné. Moi aussi, j'aurais voulu être aussi forte et pouvoir me débarrasser de tous mes soucis mais, malheureusement ou heureusement plutôt ; je ne suis pas une brosse.

- " Ma-Mademoiselle ? Vous avez le regard dans le vague depuis un moment, quelque chose ne va pas ? Monsieur vo-votre époux vous manque-t-il ?" s'inquiéta la jeune domestique.

Je me redressais vivement. Je ne devais pas me laisser abattre. Cette fois, je ne dois pas compter sur autrui pour me sortir des situations dans lesquelles je me mets.

Surtout que j'avais déjà une idée sur ce que je devais faire.

- " Tout va bien, Ziege ! Mais... cela te tenterait-il de, disons, visiter le manoir ?"

Cette dernière laissa s'échapper sa brosse de ses mains tant elle fut surprise de ma soudaine demande. Elle bégaya quelques bribes de mots puis, déconcertée par ma mine enthousiaste, accepta.

Entraînée par une maîtresse peut-être un peu trop marginale, mon employée me suivait. Elle peinait à suivre le rythme que j'imposais mais je ne m'en souciais peu. Je scrutais les couloirs, les portes, les fenêtres, les rideaux, les étagères jusqu'aux bibelots .

- " Enfin, Ma-Mademoiselle ! Pou-Pourquoi vous pressez-vous ? Et que faites-vous donc par ici ?" haletait la petite essoufflée.

Je riais de manière aiguë en lui répondant que je me divertissais simplement toutefois, je cherchais quelque chose de bien précis. Je n'avais pas le droit à l'erreur.

Ma méthode était certes trop suspecte mais je n'avais pas le temps de chercher à faire autrement. Une semaine. C'est le temps qu'il me restait avant que le sort du pays soit scellé, je devais l'arrêter coûte que coûte. Peu en importait le prix.

Je ne revenais déjà pas que le roi risque sa vie à cause d'une petite bourgeoise isolée de la capitale.

Sortant de la demeure par la grande porte, j'observais désormais les allées, les coins, les murets, les buissons, les serres, les jardins ; tout ce qui aurait pu s'avérer détenteur d'intérêt. J'en venais même à examiner les interstices entre les plaques d'acier qui composaient l'endroit.

- " J-Je peux peut-être vous aidez, Ma-Mademoiselle ? C'est le dortoir des employées, ici."

Sa proposition était ce dont j'avais besoin, elle avait fait germé en moi une idée bien plus certaine que toutes les autres auxquelles j'avais songé jusqu'à présent. Décidément, les conseils de ces types sont vraiment utiles ; ce que l'on cherche est toujours devant soi, n'est-ce-pas Lash ?

- " Oui ! J'aimerais beaucoup savoir qui sont tes camarades ! Je crois qu'avoir perdu les miens, même s'ils ne l'étaient que quelques semaines, m'a transmit le besoin de m'intéresser à ceux de mes proches !"

Ses joues rosirent de voir sa maîtresse et surtout ancienne amie prêter attention à la simple servante qu'elle était. Son innocence était adorable, je crois que je l'ai toujours adorée pour cette honnêteté et sa mine enfantine qu'elle possédait.Dire que je ne m'étais pas rendue compte à quel point elle comptait pour moi.

Elle ne put empêcher ses lèvres de dessiner un grand sourire béat sur son visage. Ses yeux pétillaient et reluisaient d'un éclat si beau et si vivant qu'on ne croirait pas faire face à une esclave abandonnée de ses parents en la voyant ainsi. Je n'aurais pas du la laisser s'éloigner, j'aurais du continuer à lui parler comme à une amie. Je ne veux plus la revoir si distante, je veux la rendre aussi heureuse qu'elle m'aide et me comble. Et ce, peu importe nos rangs.

Ainsi, pendant plusieurs heures elle énuméra la liste des employées, esclaves ou simples travailleurs, et me parlait d'eux. Toujours dehors, le froid tombé en même temps que la nuit nous faisait grelotter. Nous poursuivîmes cette discussion au chaud dans ma chambre.

Mais, malgré mon honnête intérêt pour sa vie, j'avais d'autres intentions derrière la tête. Je réfléchissais de concert à ce qu'elle disait et à ce que je cherchais. Je commençais à trouver plusieurs pistes en buvant mon thé fumant mais un bruit vint troubler ma réflexion.

Trois coups furent portés à ma porte et, après être invité, un battant de la porte s'ouvrit. Apercevant dans l'entr-ouverture une femme debout, Hündin, je lui demandais la raison de sa venue et, après s'être inclinée elle s'expliqua :

- "Des visiteurs demandent audience auprès de vous, Mademoiselle. Devons-nous les faire entrer ?" Devant mon affirmation pleine de curiosité et d'inquiétude, elle poursuivit. " Très bien, nous allons les conduire au petit salon. Rejoignez-les dès que vous serez prête. Si vous voulez bien m'excuser."

Sur ce dire, elle quitta la pièce. Je ne savais pas qu'il viendrait. Il me paraissait évident qu'il s'agirait de Klaus ou son majordome mais cela ne me disais pas ce qu'ils venaient faire ici. J'avais même prévu leur venue en demandant à tous les servants de nous laisser seuls.

Mais, en descendant des escaliers, je compris que je me trompais en observant les empruntes de pas boueuses qui parsemaient le tapis de velours pourpre de l'entrée. Des personnes de leur calibre ne porteraient pas de chaussures sales, cela allait de soi.

En entrant dans le petit salon, un cri de stupeur sortit de ma gorge en apercevant le visage de Lash et de Sasha qui sirotaient tranquillement la boisson servie par mes domestiques. Je savais qu'ils seraient vivants, je n'en ai jamais douté. J'avais une confiance absolue quant à leur talent loufoque de s'échapper des problèmes qu'ils attiraient avec la bande d'ivrogne qu'ils fréquentent mais, je n'imaginais pas les revoir de sitôt.

Me toisant tout en tenant sa tasse de thé bouillant, Lash rompit le silence :

- " T'as des petites explications à nous donner, tu ne crois pas, Crevette ? "

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