Chapitre IV

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                                                   Les barreaux de la cage

J'ouvrais l'un des battants de la porte débouchant sur ma chambre. La lueur du jour se déversa dans mes pupilles et je dus m'y accoutumer après avoir traverser un couloir assombri.

Une jeune femme vêtue d'un tablier blanc se tenait à côté de mon lit ; aussitôt qu'elle eue remarqué ma présence, cette dernière baissa la tête en bonne domestique.

- " Bienvenue, Mademoiselle ! Je vous en prie, laissez-moi vous aider !" se pressa-t-elle tout en gardant son front dirigé vers le sol.

Ziege. Une fillette adorable. Elle est devenue notre employée il y a plusieurs années ; elle n'était qu'une enfant à l'époque, à peine plus jeune que moi. Ses parents n'étaient que de pauvres miniers de Talùrmin qui n'avaient pas les moyens d'élever leur progéniture et, c'est ainsi qu'ils ont été amené à la vendre comme esclave à ma famille. Activité répandue dans la bourgeoisie et la noblesse.

Je me souviens de combien je l'ai apprécié, la considérant comme une petite sœur quand nous étions jeunes. Aujourd'hui, elle ne me parle plus de la même façon ; elle s'est rendu compte que son devoir l'oblige à tenir une distance raisonnable avec sa maîtresse.

- " Tu peux lever la tête." dis-je en m'avançant vers la fenêtre au fond de la pièce sans la regarder.

La vitre était opaque ; on distinguait au travers de vagues silhouettes sans plus. C'était étrange mais revoir l'endroit dans lequel j'ai étais enfermé durant des années fut sans intérêt pour moi. J'observais la ville d'un œil lassé.

- " Vous savez, Mademoiselle, Madame votre Mère et Monsieur votre Père étaient très inquiets !I-Ils ne vous le montre pas mais... Vous étiez au centre de leurs discussions depuis votre départ ! V-Votre absence les a éprouvés ! Nous aussi ! Nous nous faisions du souci pour vous ! Je vous le jure !" affirma Ziege, tentant de se montrer convaincante en évitant ses bégaiements intempestifs.

- " Je vous crois." lui souriais-je avant de laisser de nouveau ses tremblements combler la grandeur de la pièce.

- " S-S'il vous plaît, Mademoiselle ! Laissez-moi vous aider à vous changer ! Je vais vous préparer un bain chaud de ce pas ! Rester dans ces haillons n'est pas digne de vous !" balbutia ma servante après de longues minutes d'hésitation devant mon silence.

La laissant faire, je finis au fond d'une baignoire de porcelaine blanche. L'eau parfumée coulait le long de ma peau. Le liquide chaud chassait petit à petit les frissons qui me parcouraient depuis mon arrivée. Une douce odeur florale flottait dans l'air, m'apaisant un peu plus.

Après cette toilette achevée, je me retrouvais finalement vêtue d'une robe de soie, sa qualité surpassait de loin les guenilles que portais les simples paysans. Un corset de dentelle rehaussait ma taille et des pantoufles à talons me redonnait quelques centimètres. Devant ma coiffeuse, Ziege rattacha ma chevelure en un chignon d'où aucune mèche ne s'échappait, comme j'en avais l'habitude avant de les détacher à Rosran.

J'étais redevenue Diane Eulet ; la fille du conglomérat Eulet.

Je ressentais ce sentiments d'étranger, de mal du pays. J'avais l'impression de n'être à ma place nulle part. La vie aisée ne me satisfaisait pas mais, au milieu des aventuriers je n'étais pas chez moi pour autant. Je ne viens pas du même monde, ma vision des choses est celle d'un oiseau dans une cage dorée ; ignorant tout de la cruelle réalité qui nous entoure.

- " Excusez-moi, Mademoiselle ! M-Mais en fait, vous tenez depuis tout à l'heure un livre ! Souhaitez-vous que je le mette dans votre bibliothèque ?" m'interrogea ma domestique qui s'occupait à rajuster mon habit qui baillait par endroit à cause de ma prise de muscle des dernières semaines.

Je rendis enfin compte que, depuis le trajet de Rosran à Ladsen et jusqu'ici, je portais un gros livre entre les mains. Il s'agissait en réalité du bestiaire que j'avais emprunté à la grande bibliothèque centrale de Rosran. Il n'avait pas quitté mes mains depuis tout ce temps et à force de réfléchir j'avais finis par oublié d'être en sa possession. J'imagine que je ne pourrais jamais le rendre.

- " M-Mademoiselle ?"

- " Ce n'est rien. Je vais le lire."

Je m'assis sur le tabouret et m'approchais de ma coiffeuse où je posais le livre. Feuilletant les pages, je remarquais au bout d'un moment le regard interloqué de Ziege qui tentait de réfréner sa curiosité.

- " Viens, je vais te le lire." l'invitais-je. " Ne te fais pas prier. Ça me ferait plaisir de partager ce livre, mes aventures de ces quelques semaines." dus-je rajouter devant le professionnalisme de mon employée.

Ziege s'était timidement installé à côté de moi et dévorait les dessins du regard. Cette dernière ne sachant lire, je dus lui expliquer mot à mot chaque phrase et image du bestiaire. Je me surpris même à prendre du plaisir de parler de toute cette faune à ma cadette.

Arrivée sur l'article concernant la Virace, une profonde nostalgie m'assaillit. Non pas que cet incident fut appréciable, c'était tout de même une bonne expérience. Il a contribué à mon esprit muri durant ce court laps de temps.

- " Oooooh !" s'émerveilla Ziege devant un croquis.

Celui-ci semblait représenter une femme mais ses antérieurs avaient la forme d'une queue de poisson et elle semblait constituée d'un liquide bleuté ; comme faite d'eau. Elle reposait sur un trône de pierre en balayant sa longue chevelure de tentacules aqueuses couronnée d'un tiare de la même constitution : l'appellation "Aquaène Queen" légendait le dessin.

Aussitôt que j'eus dirigé mon attention vers le cette accompagnant l'image qu'une inscription déroba toute autre pensée de mon esprit. L'auteure de cette étude était une dénommée Sasha Aggran ; mon ancienne hôte et amie de la guilde.

- " M-Mademoiselle ? Vous semblez perdue ? Vous connaissez ça, cette bestiole bleue ?" s'inquiéta ma domestique face à mon soudain silence.

Je la rassurais d'un sourire bienveillant. Voir que ma collègue scientifique avait fait cette brillante découverte quant à ce monstre dominant la hiérarchie d'une société sous-marine eut l'effet d'une décharge. Affronter mon avenir ici ne m'effrayait plus ; je suis une aventurière et à ce titre je ne peux abandonner mon esprit dans la tristesse. Comme une reine, je dois agir et non pleurer.

Je refermais le livre et le tendait à Ziege.

- " S'il-te-plaît, va le ranger dans ma bibliothèque. Mets-le à côté des romans de Bobin Etzel Oden, cela suffira."

Alors que j'allais me lever, trois coups portés sur la porte de bois m'interrompirent.

FlügelWhere stories live. Discover now