Chapitre 6

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                                   Un énorme sifflement assourdissant retentit. Ou du moins ce fut l'impression qu'eut Lucie à ce moment-là. Elle était étalée à moitié sur l'immense sofa du salon, une jambe dessus et une jambe par terre, et avait mal partout. La jeune fille avait l'impression d'avoir couru un marathon et pourtant elle avait juste... passé son temps à fuir des fanatiques déguisés en animaux et cherchant désespérément leur idole.
Ses cheveux qu'elle avait mis un temps fou à soigner étaient devenus une nouvelle forêt amazonienne, et tous les membres de son corps semblaient refuser d'obéir à ses ordres. Elle avait froid, ses yeux la brûlaient et malgré toute cette fatigue elle ressentait encore cette incroyable énergie que procurait l'adrénaline.
Le sifflement se fit de nouveau entendre.
Lucie se frotta les yeux et fit un incroyable effort pour lever la tête. Le téléphone sonnait et ne s'arrêtait plus.
Elle dut alors prendre une grande décision : ou laisser le téléphone sonner et attendre le message du répondeur, ou perdre le reste de son énergie en fracassant ce même téléphone par terre.
Elle opta d'abord pour la première solution, mais la sonnerie assourdissante lui perçait les tympans. Elle perdit donc sa dernière trace d'énergie et tendit désespérément la main vers l'objet maudit. Quand elle réussit enfin à l'attraper, Lucie n'avait plus la force de le fracasser par terre.
Elle décrocha.
- Allô ma puce ? demanda une voix féminine à l'autre bout du fil.
- Maman ? demanda Lucie en retour.
- Qu'est-ce qui t'arrives ? Tu es malade ? Oh mon dieu, ma petite fille est malade et je ne peux même pas lui apporter un chocolat chaud, je suis tellement désolée, ...
Sa mère jacassait au téléphone et Lucie se retint de hurler. Elle était toujours inquiète pour elle, et pourtant elle n'était jamais là, ce qui la faisait culpabiliser encore plus.
- Maman, ... maman ! coupa-t-elle. Je ne suis pas malade, je suis juste fatiguée d'avoir couru. Comment va papa ?
- Oh, tu me rassures mon enfant ! Ton père et moi allons très bien. Nous allons bientôt faire le vol Paris/ Moscou et nous nous occupons des derniers plateaux pour les passagers. On te ramènera un souvenir !
- Ah... chouette.
- Ma puce je sais que ce n'est pas facile pour toi, mais je te promets...
- Ne t'en fais pas maman, je vis ça très bien, embrasse papa pour moi. Je t'aime.
Et elle raccrocha.

Lucie ne redéposa même pas le téléphone et se remit à somnoler paisiblement lorsque quelqu'un sonna à la porte. Elle voulut émir un juron, mais ne le fit pas.
Ne pas gaspiller ses forces : premier objectif.
Elle glissa hors du sofa et se traina jusqu'à la porte. Elle ne se trainait pas, elle rampait. Vint le moment où elle arriva devant la porte. Il fallait qu'elle se lève.
L'individu devant la porte n'arrêtait pas de sonner et elle grogna qu'elle arrivait et pria d'arrêter de sonner. En vain, il sonnait toujours. Elle prit la poignée, s'y accrocha et se releva.
- Luciiiiiiiiiiiiiie, pleura Denis quand elle ouvrit la porte.
Avant qu'elle n'ait pu rajouter quoi que ce soit, son meilleur ami se précipita à l'intérieur, vit la couverture sur le sofa et s'enroula à l'intérieur. La jeune fille le suivait du regard et sentit une vague de fatigue s'emparer de nouveau d'elle.
Il fallait qu'elle s'asseye.
Elle se dirigea en traînant des pieds vers le sofa et s'installa aux côtés de Denis. Elle le regardait jalousement : il pleurait, certes, mais il semblait plein d'énergie et se trouvait dans la plus confortable de ses couvertures.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-elle.
En fait cela avait plutôt ressemblé à un « qu'est-che- qu'iache pache ? » car elle avait baillée au même moment.
Denis releva la tête d'un air furibond et déterminé.
- C'est Marc, pleurnicha-t-il.
Marc était le colocataire de Denis. Il avait tous les aspects nécessaires pour être un véritable dieu de la beauté : grand et musclé, brun avec des yeux bleus éclatants, un sourire ravageur et une beauté extrême. La seule fausse note c'est que c'était un abruti de première.
Denis était tout de suite tombé sous le charme.
- Aujourd'hui était un grand jour pour moi, je m'apprêtais à lui déclarer ma flamme lorsqu'il a compris que j'étais gay !
- Noooon, dit théâtralement Lucie.
- Si ! Et tu sais ce qu'il a fait ? Il m'a jeté dehors, dehors Lucie ! Il a pris toutes mes affaires et les a balancés dans la porte.
- Tu ne t'es pas laissé faire ?
- Bien sûr que non, je commençais à me défendre quand soudain devine qui est arrivé !
Lucie n'eut même pas le temps de proposer un nom qu'il disait déjà :
- La poule de basse-cour !
- Amélie ?! s'exclama Lucie.
- Tout à fait, elle a sorti qu'elle sortait dorénavant avec Marc et que les gays comme moi n'avaient rien à faire ici. Et ils m'ont jeté dehors tous les deux.
Amélie avait donc un nouveau petit copain : Marc Homes. L'animal de basse-cour ne sortait qu'avec les garçons les plus populaires du moment et Marc l'était depuis un petit moment. Les garçons prenaient ça pour un véritable honneur et s'ils avaient de la chance cela pouvait aller... un peu plus loin.
- T'en fais pas, le rassura Lucie, on ne va pas la laisser faire. Et puis Marc va vite se rendre compte que c'est une poule et s'en passera vite. Je suis sûr qu'il finira par s'excuser.
- Tu crois ? couina Denis.
Elle hocha la tête.
- Dis Lucie, vu que je n'ai plus de toit est-ce que tu pourrais m'héberger cette nuit s'il te plait ?
La jeune fille regarda vers la porte d'entrée. Des valises, elle n'y avait même pas fait attention. Lucie lui sourit tendrement et acquiesça. La voix de son ami désespéré était si mignonne et pitoyable.
- Par contre, voilà les conditions : tu arrêtes de pleurer et tu commandes une pizza !

AméthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant