Chapitre 4

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                                            Ian avait réagi au quart de tour et lui avait attrapé la main, l'entrainant dans une course folle. Ils tournaient précipitamment, esquivaient les obstacles, et balayaient les gens sans jamais s'arrêter de courir. Ils couraient même très vite, ... trop vite. Lucie avait l'impression que si elle lâchait sa main il irait cinq fois plus vite mais il n'avait pas l'air d'avoir l'intention de lâcher sa main et on sentait qu'il se retenait de ne pas accélérer.
Elle était à bout de souffle et sentait que la douleur d'une pointe de côté allait bientôt lui rendre visite. Les centaines de personnes à leurs trousses n'étaient pas facile à semer, et leurs cris résonnaient dans toutes les rues de la ville. Etaient-ils de plus en plus nombreux ?
Ils rentrèrent alors dans un immense immeuble –probablement une entreprise de pub- et Lucie faillit exploser de rire en voyant le regard des employés qui étaient ébahis devant un tel spectacle. Lorsqu'un des poursuivants rentra avec un déguisement de licorne verte fluo, les agents de sécurité réagirent enfin. Ils étaient plutôt longs à la détente, mais la licorne les avait réveillés, si bien que Lucie vit par le miroir un admirable plaquage. L'animal était neutralisé, mais pas ses deux amis lions qui rentrèrent dans la bagarre.
Les deux jeunes gens montèrent les escaliers quatre par quatre jusqu'au troisième étage et prirent un virage serré à droite pour rentrer discrètement mais rapidement dans une salle... qui était remplie par des employés, bouches grandes ouvertes, et en pleine réunion marketing.
Ian et Lucie étaient plaqués contre la porte, le jeune homme faisant signe de ne faire aucun bruit aux employés sous le choc, et laissant passer la foule en délire. Ian tira la capuche de Lucie et lui dit de la mettre tout en faisant de même.

Après qu'ils se soient un peu éloignés, ils sortirent –laissant des personnes aux bords de l'évanouissement- et prirent l'ascenseur. Qui était lui aussi remplit.
Par une licorne verte fluo et deux lions.
La jeune fille s'enfonça la tête dans sa capuche et laissa Ian appuyer sur le bouton. L'ascenseur se mit en route, direction quinzième et dernier étage. Les trois bêtes étaient dans leur dos et on sentait une légère tension. Légère tension accompagnée d'un magnifique et léger mambo offrant une musique d'ambiance.
Elle jeta un coup d'œil à Ian, qui portait un sourire narquois aux lèvres. Il avait l'air d'extrêmement s'amuser, et bizarrement elle aussi.
L'ascenseur s'arrêta brusquement au treizième étage et la licorne, suivit de ses deux acolytes, sortirent. Lucie émit un soupir de soulagement, jusqu'à ce que Ian appelle les trois peluches ambulantes en leur tirant la langue et en retirant sa capuche.
Les portes se refermèrent sous leur nez et la jeune starlette remis sa capuche en ricanant. Lucie, elle, ne riait pas du tout et aurait bien voulu frapper à nouveau le jeune homme. L'ascenseur reprit la montée.
- Non mais t'es malade ? s'exclama-t-elle. Ils t'auraient fichu la paix si t'avais rien fait !
- « t'aurais » ? Je dirais plus « nous airaient » ma belle, ronronna-t-il, d'ailleurs prépare toi à courir.
Et avant qu'elle n'ait pu rajouter un mot, les portes s'ouvrirent à nouveau et Ian l'entraîna à l'extérieur.
Il n'avait pas lâché sa main.
La licorne et les deux lions arrivèrent – essoufflés tout de même – et reprirent leur chasse en criant de toute leur force. Ian, lui, rigolait d'un rire qui faisait froid dans le dos. Trop occupée à courir, Lucie n'avait pas réellement fait attention à la direction qu'ils prenaient et quand elle s'en rendit compte, elle crut (encore une fois) qu'elle allait mourir.
D'une chute vertigineuse.
Mais Ian ne paraissait pas prêt à s'arrêter.
- Ian, hurla-t-elle, s'il te plait arrêtes-toi ! On va tomber de quinze étages, à moins que tu sois un chat...
- Est-ce que tu me fais confiance ? lui demanda-t-il en la coupant.
- J'ai vraiment besoin de répondre ? dit-elle paniquée.
Non, elle n'avait pas besoin. Cela faisait quelques heures qu'ils se connaissaient, une bonne demi-heure de course poursuite, et depuis qu'elle l'avait rencontré sa journée avait basculé dans un délire total.
Soudain il la prit dans ses bras, attrapant ses jambes si rapidement qu'elle crut qu'ils allaient se casser la figure. Il continua à courir et accéléra. Lucie n'y croyait pas elle-même, on aurait dit qu'elle ne pesait rien ou était aussi légère qu'une plume. Ian courrait avec une agilité incroyable.
Puis ils sautèrent.
Lucie n'eut pas assez de souffle pour crier tellement elle fut effrayée. La chute se passa au ralentit, le vent soufflant dans leurs cheveux, et elle retint sa capuche, s'y agrippant comme si sa vie en dépendait. Ian, quant à lui, riait à cœur joie.
Il était complètement fou !
Ils atterrirent avec une étrange douceur, sans dommage sur l'immeuble d'en face qui devait avoir au moins quatre étages de moins que le précédent. Ian la fit descendre délicatement et se retourna de façon théâtrale vers ses trois fans et fit sa plus belle révérence.
Les trois bestioles qui auraient dût se sentir furax, étaient au contraire euphoriques et applaudissaient à s'en briser les mains.
Ils étaient tous complètements fous.

Ian lui reprit la main, il avait dû remarquer son état proche du traumatisme. Ils coururent encore une bonne demi-heure et s'arrêtèrent enfin près d'un café. Lucie regarda sa montre : il était dix-huit heures passé et la nuit commençait déjà à tomber. De plus il commençait à faire froid, on était en novembre et on se doutait qu'il neigerait dans les semaines à venir. Ils marchèrent encore un peu, main dans la main, le temps que Lucie se calme et fasse retomber la pression ainsi que son adrénaline. Elle se mit peu à peu à frissonner.
- Il faut que je rentre chez moi, déclara la jeune fille.
- Oh pauvre enfant, ricana Ian, tes parents t'attendent et tu dois vite partir avant qu'ils ne s'inquiètent ?
Ses yeux devinrent sombres et elle ne répondit pas. Elle lâcha sa main sèchement et s'arrêta pour remettre en place son sac et vérifier que son appareil photo n'avait reçu de chocs.
La réalité reprenait sa place : elle ne connaissait pas ce jeune homme.
Ian se rapprocha d'elle, tout en replaçant comme il faut sa capuche, histoire qu'ils n'aient pas de nouveau à prendre la fuite. Il ne refit plus de remarques et la laissa fouiller dans son sac nerveusement.
Une énorme voiture noire, sortit de nulle part et s'arrêta devant eux. L'une des fenêtres tintées s'ouvrit, et la tête de l'un des jumeaux sortie. Il s'agissait d'Aron.
- C'est pas bien de flirter avec une serveuse, ronronna-t-il, il parait qu'elles sont dangereuses.
- Flirter non merci, mais dangereuse oui sans doute, approuva Ian avec un sourire ironique aux lèvres.
Lucie commençait à en avoir marre d'être fatiguée. Elle avait eu l'impression de passer sa journée à courir –ce qui n'était pas tout à fait faux- et qui plus est une mauvaise journée.
- Tu veux qu'on te ramène ? demanda Aron.
- Non.
Ian avait répondu vite, sèchement, surprenant presque la jeune fille. Elle aurait forcément refusé, mais elle se sentie contrariée. Il lui avait fait vivre un après-midi torride, non désiré, d'une mesquinerie euphorique et voilà qu'il redevenait quelqu'un de froid, hautain, malaisant.
Lucie tourna brusquement les talons, tournant la tête en entendant un klaxon : un bus arriva au moment même.
Son bus.
La jeune fille rentra rapidement à l'intérieur et s'asseya sans un regard pour Ian et ses amis. C'était la dernière fois qu'elle aurait affaire à des stars du rock ! Enfin elle l'espérait. Ian avait pu paraître drôle pendant un moment, mais il restait quelqu'un de froid au final, sorte d'étrange dangereux prédateur caché. Une chose était sûre : quelque chose de malaisant dégageait de ses quatre personnages.


AméthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant