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Alison mit un pieds à terre et Mathias apparut devant elle.
_Prête ? Lui dit-il.
_Et toi ? Répliqua-t-elle en claquant la portière.
Il lui sourit.
_Plus que jamais.
Marie et Lucas apparurent et le garçon tendit sa valise à Alison, qui lui effleura la main en la prenant.
Tel un éclair, une image lui traversa l’esprit et s’effaça aussitôt, lui électrisant tout le corps. Elle frissonna et dévisagea Lucas. Elle l’avait vu au bord d’une falaise avec une expression vide, presque malsaine. Il avait les poings serrés et semblait contrôler la tempête qui faisait rage autour de lui. La dernière chose qu’elle avait pu voir avant que l’image ne s’efface était la colère qui brillait dans ses yeux malgré son visage fermé.
Alison enleva prestement sa main et Lucas fronça les sourcils. Mathias et Marie les regardèrent, se demandant ce qu’il se passait.
Ils n’eurent pas le temps de poser de questions car un cri s’éleva derrière eux.
_Mathias !
Alison se retourna et vit une belle femme d’une quarantaine d’année accourir vers eux.
_C’est Lucille, notre mère, murmura Lucas à l’oreille de la jeune fille.
Mathias courut à sa rencontre et se jeta dans les bras de sa mère. Lucille éclata en sanglot et serra son fils dans ses bras. Les larmes inondaient son visage et ses yeux noisettes. Elle était une copie conforme de Lucas avec ses cheveux blonds qui tombaient dans le dos de Mathias. Ce dernier embrassa sa mère avant de s’écarter d’elle. Il lui sourit et lui prit la main.
_Je vais te présenter Alison et Marie, lui dit-il, ce sont elles qui m’ont aidé à m’échapper.
Lucille acquiesça et suivit son fils jusqu’aux filles. Alison regardait ses pieds, soudainement gênée, mais Marie prit l’initiative de lui serrer la main.
Lucille la regarda, interloquée, et dit :
_Pas de ça entre nous, ma chère. Vous avez sauvé la vie de mon fils.
Elle s’approcha et prit la jeune femme dans ses bras avant de lui faire la bise. Marie fut surprise par ce rapprochement et Alison ne put s’empêcher de se dire qu’entre Lucille et Lucas il n’y avait pas que la ressemblance physique.
_Tu dois être Alison, lui dit Lucille en se tournant vers elle. Lucas m’a dit que c’est grâce à toi que mon fils a eu l’occasion de s’enfuir. Merci.
Elle s’approcha d’elle et la prit dans ses bras à son tour. Alison ne put bredouiller qu’un « Heureuse de vous rencontrer » avant que des images de sa propre mère ne surviennent. Cette femme lui faisait tellement penser à elle, enfin, avant sa dépression...
La jeune fille dut serrer les dents pour ne pas se mettre à pleurer. Pour la première fois depuis un an, elle avait l’impression d’être dans les bras d’une mère aimante.
Lucille la relâcha et sourit.
_William est à l’intérieur, venez !
Marie regarda Alison et lui fit un signe d’encouragement. La jeune femme avait compris ce qui avait troublé la jeune fille et elle prit les devants tandis que Lucas lui prenait une de ses deux valises. Elle le remercia d’un signe de tête et suivit Lucille qui était déjà devant la porte d’entrée de la villa.
Mathias se tourna vers Alison, qui n’avait pas encore bougé.
_Ça va ? Demanda-t-il.
La jeune fille se tourna vers lui et tenta de sourire.
_Ta mère me fait beaucoup penser à la mienne, répondit-elle. Lucille est une femme aimante et attentionnée, comme ma mère l’était avant que mon père ne...
Alison déglutit.
_Je n’ai plus l’habitude qu’une mère me prenne dans ses bras, c’est tout.
Mathias se mordit nerveusement l’intérieur des joues.
_Je comprends.
D’une main hésitante, il rangea une mèche de cheveux derrière l’oreille de la jeune fille. Alison le regarda dans les yeux, troublée par ce geste.
_Je suis vraiment désolé, si ma mère te met mal à l’aise, je pourrais aller lui parler...
La jeune fille le coupa et mit sa main sur la sienne.
_Ne t’en fais pas, je crois que ça me fait du bien de reprendre contact avec l’amour maternel. Il faut juste que je m’y habitue.
Leur mains restèrent en suspens à quelques millimètres de sa joue pendant quelques secondes, puis Mathias retira doucement sa paume.
_Comme tu veux, mais si tu changes d’avis tu n’as qu’à me le dire.
Il sourit et se dirigea vers la villa. Alison respira un grand coup, attendit qu’il fasse quelques pas, et le suivit la main toujours serrée sur sa valise.
Lucas, qui était resté adossé à la porte d’entrée, lança un regard curieux à son frère et à Alison qui approchaient. Il avait bien remarqué qu’une tension régnait entre elle et son frère, mais ils semblaient aussi assez proche. De plus, il s’était passé quelque chose lorsqu’il avait touché la main de la jeune fille. Une petite décharge lui avait secoué le bout du doigt et Alison avait rapidement retiré sa main.
Lucas l’observa intensément, cherchant à savoir si elle cachait quelque chose. Sa contemplation fut de courte de durée car son champs de vision fut bloqué par Mathias.
_Tu rentres ? Lui demanda-t-il en haussant un sourcil et en redressant son sac.
Lucas sourit de toute ses dents et lui mit une bonne claque sur l’épaule.
_Après toi, frangin.
Les deux jeunes hommes franchirent le pas de la porte ensemble, et Alison attendit quelques secondes avant de faire de même. Elle se planta devant la porte massif et noire avec quelques touches de doré, comme la poignée. À mi-hauteur, le nom Pierce était inscrit en lettres d’or.
_Que fais-tu ? Entre !
Lucille, plantée devant elle, arborait un sourire sincère. Alison s’empressa de faire de même et entra d’un pas hésitant. L’entrée était spacieuse et très lumineuse. Elle débouchait sur un grand couloir menant au salon tout aussi sophistiqué, avec plusieurs autres embouchures qu’Alison ne pouvait encore voir.
_Comment te sens-tu ? La questionna Lucille en referment la porte derrière elle.
_Je suis un peu fatiguée, mais tout va bien, assura la jeune fille d’une voix hésitante.
Lucille remarqua aussitôt sa timidité et lui dit gentiment :
_Tu n’as pas à te sentir intimidée, ma chérie. Tu es ici chez toi et nous t’accueillons avec le plus grand plaisir.
La jeune fille n’eut pas le temps de répondre que Mathias apparut juste à côté d’elle.
_Papa est dehors et il est impatient de faire ta connaissance ! S’exclama-t-il.
_Mathias, pas de rapidité surnaturelle dans la maison ! Lui reprocha sa mère en croisant les bras.
Le garçon lui prit la taille et l’embrassa sur la joue.
_Pardonne-moi, il faut que je reprenne les bonnes habitudes.
La tristesse voila le regard de Lucille et la culpabilité emplit ses yeux. Elle se reprit avant que Mathias ne s’en aperçoive, mais Alison n’avait rien raté de ce moment.
Elle se rend responsable de l’enlèvement de son fils, comprit la jeune fille avec peine.
Ne souhaitant pas trop faire attendre le père de Mathias, elle regarda ce dernier pour lui faire comprendre qu’ils pouvaient y aller. Le garçon relâcha sa mère et lui prit sa valise des mains pour la déposer à côté.
_William est quelqu’un de très imposant, dit Lucille alors qu’ils se dirigeaient vers le salon. Mathias et lui se ressemble comme deux gouttes d’eau...
_Tandis que Lucas et toi vous vous ressemblez aussi, compléta Mathias en souriant.
Alison hocha la tête. Lucille lui fit une description de son mari et Mathias rajoutait des détails en tant que fils. La jeune fille les écoutait d’une oreille distraite et contempla plutôt le salon. Une grande table basse en verre transparente ornait le centre et deux sofas l’entourait, tandis qu’un tapis en peau d’animal – certainement synthétique – était disposé par terre. Le tout était extrêmement moderne et luxueux, ainsi une fausse cheminée noire réchauffait l’ambiance un peu trop rigide de la pièce contre le mur du fond.
_Ça vous plaît ? Demanda Lucille en se dirigeant vers la grande baie vitrée grande baie vitrée.
_C’est magnifique ! Répondirent les adolescents en chœur.
Ils échangèrent un bref regard et se sourirent. Alison avait oublié que c’était aussi les premiers pas de Mathias dans cette immense villa.
_Marie et Lucas doivent discuter au bord de la piscine avec William, allons les rejoindre.
Lucille ouvrit la baie vitrée en grand et laissa Mathias prendre les devants. Il prit le bras d’Alison et lui fit longer la terrasse sur la gauche.
L’adolescente s’émerveillait de plus en plus à chaque seconde. L’océan n’était qu’à une centaines de mètres et le paysage était magnifique. La plage était déserte car elle devait être privée et la jeune fille se réjouit.
Bientôt, elle aperçut une grande piscine avec une dizaine de transats et de parasols autour. Non loin, une femme et deux hommes semblaient être en grande discussion et les adolescents s’approchèrent d’eux. L’un des deux hommes était très grand et très large. Alison devina aisément que c’était William, le grand Chef des Pierce. Il portait un costard blanc très classe avec une cravate noire et bavardait tranquillement avec Marie,une main dans une poche et un verre dans l’autre.
Lucas fut le premier à les apercevoir et il fit signe à Marie et son père. Tous se tournèrent vers eux et Alison ne put s’empêcher de rougir. William était un homme grand et costaud, mais aussi le portrait de son fils. Leur ressemblance était tout aussi frappante que celle de Lucille et Lucas.
_La voilà ! S’exclama William lorsqu’ils furent suffisamment proches.
Marie lança un regard d’encouragement à la jeune fille. Mathias prit son père dans ses bras et dit :
_Papa, je te présente Alison. Sans elle, nous ne serions pas là aujourd’hui.
Les yeux bleus du Chef des Pierce inspectèrent l’adolescente, cherchant certainement à en tirer une première conclusion. Finalement, un sourire arbora fièrement son visage et il s’approcha d’elle pour lui faire la bise.
_Je suis William, le Chef des Pierce. Au nom de notre famille, je te remercie d’avoir aidé mon fils et te souhaite la bienvenue dans notre demeure. Tu peux y séjourner autant de temps que tu le souhaites.
Il prit Alison par les épaules et la regarda d’un air solennel. La jeune fille devait être cramoisie et elle se mordit la lèvre pour ne pas s’enfuir en courant.
_Je vous remercie, articula-t-elle en retenant son souffle.
_Papa, je crois que tu mets notre invité mal à l’aise, intervient Lucas en riant doucement. Elle est un peu timide.
_Oh ! Fit simplement William en la relâchant.
Alison put reprendre sa respiration. Elle jeta un coup d’œil nerveux à Mathias.
_Quoi qu’il en soit, continua William avec entrain, bienvenue !
_Et si nous passions à table ? Proposa Lucille ne tapant des mains. J’ai préparé de bons petits plats pour vous remettre de votre vol !
Mathias lança un coup d’œil à Alison. Trop polie, elle n’oserait jamais refuser cette proposition, mais la jeune fille ne rêvait que d’une chose : aller dormir.
Marie semblait penser la même chose car ses jambes vacillèrent légèrement. Ses traits étaient tirés par le manque de sommeil, tout comme ceux d’Alison.
Mathias s’en aperçut et se tourna vers sa mère.
_Je crois qu’on est trop épuisé pour quoi que ce soit, maman. Il vaut mieux qu’on aille se reposer.
Lucille ne cacha pas sa mine déçue et Alison faillit contredire le jeune homme pour faire plaisir à sa mère.
_Ces derniers jours ont été difficiles pour eux, dit William, laissons-les un peu tranquille ma chérie.
Il prit sa femme par la taille pour la rassurer.
_Tu as raison, soupira Lucille.
Elle se tourna vers Lucas.
_Aide-les à monter leur bagages, lui demanda-t-elle.
Lucas ne broncha pas et acquiesça. Il conduisit ses hôtes jusqu’au salon où ils récupérèrent leurs bagages, puis ils montèrent à l’étage. Lucas indiqua sa chambre à Marie et la jeune femme disparut à l’intérieur. Il emmena ensuite Alison un peu plus loin. La jeune fille avait du mal à se repérer avec toutes ces portes qui défilaient. Lucas s’arrêta devant l’une d’elle et l’ouvrit.
_C’est la meilleure chambre ! Lui dit-il tout fier.
Comme il portait sa valise, il la déposa à côté d’un grand dressing dont les portes étaient des miroirs géant. Alison entra doucement dans la pièce – sa chambre – suivit par Mathias. Elle admira d’un regard ébahis qu’une grande baie vitrée coulissante donnait sur un petit balcon en bois qui donnait lui-même sur l’océan.
_Je comprends pourquoi ça l’est, sourit la jeune fille conquise par la beauté du paysage.
_En plus ma chambre est juste à côté, fit Lucas avec un clin d’œil.
Alison ne put s’empêcher de piquer un fard. Mathias passa devant elle et demanda à son frère :
_Et ma chambre ?
_À l’autre bout, fit Lucas. Je vais t’y emmener.
Il fit un mouvement vers la sortie mais Mathias le stoppa d’un geste.
_Je préférerais être à côté. Ça ne te dérange pas, fréro ?
Cette fois, le visage d’Alison se décomposa. Encore une fois, Mathias la surprenait et elle ne comprenait pas pourquoi il voulait tant se trouver à proximité.
Lucas parut réfléchir intensément pendant quelques secondes, puis retrouva son sourire en coin habituel.
_C’est ma chambre, frangin. Mais allons finir cette discussion dehors, je crois qu’Alison tombe de fatigue.
Mathias fronça les sourcils, songeur, mais finit par acquiescer.
_À plus tard, dit-il à la jeune fille.
Lucas se contenta de lui faire un clin d’œil et les jumeaux sortirent, la laissant les bras ballants. Elle se fichait de qui allait dormir dans la pièce d’à côté tant qu’on ne l’embêtait pas.
La jeune fille ne bougea pas pendant quelques secondes, puis inspecta de nouveau la pièce. Un grand lit double à baldaquin reposait près de la baie vitrée.
_J’ai l’impression d’être dans un conte de fée, murmura Alison en s’approchant.
Ses doigts effleurèrent les draps de soie et ses paupières s’alourdirent subitement. Elle secoua la tête et détourna le regard du lit qui semblait l’appeler. Son attention se porta à une porte à l’opposer et elle fit quelques pas pour l’atteindre.
Alison appuya sur la poignée et ses yeux s’agrandirent à nouveau en s’apercevant qu’elle se trouvait dans une salle de bain privée. Elle était petite, mais très belle et lumineuse. Une autre porte était au fond de la pièce et la jeune fille sentit son estomac se retourner.
Ce n’est quand même pas... Pensa-t-elle.
Elle n’eut pas besoin de terminer de formuler sa pensée car sa crainte se confirma en ouvrant la porte. Elle donnait sur un plus grand espace avec un lit au milieu. Des affaires traînaient de partout et elle se dépêcha de refermer la porte, craignant de se faire surprendre. C’était bien la chambre de Lucas, et ils partageaient maintenant la même salle de bain.
Finalement, je préfère que ce soit Mathias qui vienne dormir là, se dit Alison en se mordant la lèvre.
Étrangement, elle se sentait plus en sécurité s’il se trouvait dans la pièce d’à côté plutôt que Lucas. De plus, la vision qu’elle avait eu en lui frôlant la main restait encore gravée dans sa mémoire.
Alison frissonna et serra les poings. Elle était épuisée. La jeune fille s’appuya sur le lavabo et releva la tête pour se regarder dans le miroir. Sa queue de cheval laissait échapper pleins de mèches de cheveux et ses traits étaient tirés par la fatigue. Ses lèvres étaient sèches, ses joues légèrement creuses, son teint pâle et ses yeux secs.
Alison soupira et releva son débardeur pour regarder la petite cicatrice qu’avait fait son collier lorsqu’il l’avait brûlé. Elle était moins voyante et allait bientôt disparaître. Soulagée, la jeune fille laissa retomber le tissu et prit son collier dans ses mains. Dorénavant, il ne la quitterait plus. Elle le remit en place et sortit de la salle de bain.
L’esprit embrumé, Alison se traîna jusqu’à son lit pour y défaire ses chaussure et se laisser tomber dans ses draps de soie. Elle se roula en boule et sa dernière pensée alla vers les jumeaux en se demandant lequel des deux allait bien pouvoir dormir dans la chambre voisine.

Five 💫Where stories live. Discover now