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Dès qu’elle fut dans sa chambre, Alison relâcha la tension de ses épaules. Mathias ne l’avait pas quitté des yeux, et elle avait dû faire appel à toute sa volonté pour l’ignorer. Elle ne devait pas se laisser impressionner.
Alison laissa tomber ses habits par terre et s’affala sur son lit. Étrangement, le fait que Mathias ne l’ait pas quitté des yeux la rassurait. Elle sourit en y repensant, cela voulait au moins dire qu’elle ne l’avait pas laissé indifférent, même s’il s’était moqué d’elle.
Arrête ! Se reprocha-t-elle. Ce n’est qu’un abruti qui voulait voir si sa moquerie t’a touché !
Son sourire disparut lentement, elle devait se faire une raison. Cet instant sous la douche ne signifiait rien pour lui, ni pour elle. C’était une erreur qu’elle avait commise et qu’il l’avait fait commettre. Le mieux qu’elle pouvait lui donner, c’était son ignorance. S’il voyait qu’elle était en colère, il aurait gagné et elle ne pourrait pas le supporter.
Un bruit de porte la fit sursauter et elle se leva avec rapidité. En moins d’une seconde, elle se trouva devant la porte d’entrée, face à Carol les bras chargés de sacs.
La pauvre femme poussa un cri en voyant l’adolescente surgir de nul part et laissa tomber ses sacs.
_Comment as-tu fait pour arriver si vite ? S’exclama Carol, les mains sur la poitrine.
_En courant ? Répondit Alison en se baissant pour ramasser les affaires au sol.
Elle se releva les bras chargés. Alison ne comprenait pas comment elle avait pu être aussi surprise de son arrivée, et haussa les épaules.
_Je dois être fatiguée, soupira Carol.
Elle secoua la tête et sourit.
_Je vous ai acheté quelques affaires ! Dit-elle fièrement. Allons dans le salon !
Alison lui emboîta le pas avec nonchalance. Elles s’installèrent sur le canapé et Carol déballa un sac.
_Où est Mathias ? Demanda-t-elle en stoppant son geste.
Alison tiqua, mais retrouva vite ses esprits en disant :
_Marie s’est coupée, elle et Mathias sont dans la salle de bain pour nettoyer ça.
En voyant Carol se lever pour aller retrouver son amie, elle se dépêcha d’ajouter :
_Mais ce n’est pas grave, ils devraient avoir bientôt fini !
Alison sourit en essayant d’être la plus convaincante possible. Elle se reprocha de ne pas avoir porté plus d’attention à Marie alors que celle-ci avait frôlé la mort, et elle en était la cause, même indirectement. Elle eut honte et culpabilisa. La jeune fille était bien trop obnubilé par Mathias et cela la rendait folle.
_D’accord, acquiesça Carol en se rasseyant. Regarde ce que je t’ai acheté !
Elle sortit un ensemble de lingerie en dentelle d’un petit sac en souriant. Alison faillit s’étrangler en le voyant, mais se retint pour ne pas vexer la jeune femme.
_Je… n’ai pas l’habitude de porter ce genre de chose, bégaya-t-elle en prenant l’ensemble d’une main hésitante.
C’était une fine dentelle noire, avec quelques pointes de blanc et quelques petits nœuds.
Carol trépignait et semblait contente d’elle. Au même moment, Marie sortit de la salle de bain avec Mathias juste derrière elle. L’adolescente n’eut pas le temps de cacher l’ensemble avant que Mathias ne le voit. Ce dernier pouffa en voyant ce qu’elle tenait et Alison rougit instantanément. Le jeune homme se mordit la lèvre, les joues rouges.
Quel goujat ! Pensa Alison, hors d’elle, en rangeant précipitamment la lingerie dans son sac.
Elle avait terriblement chaud, et son visage devait plus ressembler à un piment qu’à autre chose. Marie se rendit vite compte du malaise et fit les gros yeux à Carol, qui se retenait de rire de la situation. Alison lui lança un regard noir avant de prendre un autre sac et d’en sortir son contenu comme s’il ne s’était rien passé.
Marie vint s’installer à côté de Carol en lui donnant un coup de coude et Mathias prit place à côté d’Alison. Il cherchait à capter son attention, mais l’adolescente l’ignorait toujours, têtue. Elle sortit deux trousses de toilette et lui en tendit une sans même lui accorder un regard.
Pendant que les deux adolescents déballaient leurs sacs, Carol se tourna vers Marie.
_Comment va ta coupure ? Demanda-t-elle, inquiète.
Marie fronça légèrement les sourcils et répondit d’un ton qui se voulait léger :
_Oh ! Il fallait seulement la nettoyer à nouveau et changer le bandage.
Carol pencha la tête et regarda l’avant-bras de son amie.
_C’est celle que Pierrick t’a désinfecté ? Fit-elle, surprise. Alison m’a dit que…
_Elle ne savait pas que je ne me l’étais pas faite récemment, la coupa Marie en souriant.
Carol plissa les yeux avec méfiance, ne sachant pas si elle devait la croire. Elle savait que Marie ne lui disait pas tout, mais elle n’insista pas, comprenant que son amie n’en dirait pas plus.
La jeune femme soupira et se tourna vers Alison et Mathias, qui avaient fini de fouiller les sacs.
_Vos vêtements vous plaisent ? S’enquit-elle. Ils sont à la bonne taille ?
Alison hocha la tête en remerciant Carol, mais Mathias grimaça.
_Les miens ont une taille en dessous, dit-il.
_Oh ! Fit Carol, désappointée.
_Mais ils me plaisent quand même, s’empressa-t-il d’ajouter.
Alison pouffa devant sa mine déconfite. Carol retrouva le sourire et se leva.
_Je vais préparer de quoi manger ! S’exclama-t-elle. Alison, tu viens m’aider.
_Je suis un danger dans une cuisine, objecta la jeune fille.
_C’est ce que nous verrons !
_Mathias, tu vas aider aussi ! Ordonna Marie.
Il ne protesta pas et se contenta de lever les yeux au ciel.
_Ça va mal finir tout ça, marmonna Alison en suivant Carol dans la cuisine.
C’était une petite cuisine moderne et design.
_Je suis d’accord, lui murmura Mathias derrière elle.
La jeune fille lui jeta un regard mauvais et se détourna.
Mathias réprima un sourire victorieux. Elle avait enfin daigné le regarder.
_On va commencer par un lavage de main ! Dit Carol.
D’un même geste, ils firent ce qu’elle demandait sans grand enthousiasme.
Durant la demi-heure qui suivit, Alison enchaîna les bêtises. Elle cassa un verre, fit tomber un pot de moutarde, renversa le sel et se serait brûlée avec une casserole d’eau bouillante si Mathias ne l’avait détournée avant. La jeune fille était tellement maladroite que même Carol reconnut qu’il valait mieux qu’elle sorte de la pièce.
Avec un soupir de soulagement, Alison rejoignit Marie sur le canapé.
_C’est toi qui provoques tous ces cris depuis tout à l’heure ? Demanda Marie sans détourner les yeux du téléviseur.
_Oui, répondit la jeune fille qui s’avachit à côté d’elle.
Marie éclata de rire et n’osa même pas demander ce qu’elle avait bien pu faire, car l’imaginer était beaucoup plus drôle.
Alison maugréa un reproche et se tassa sur elle-même. Elle ronchonna devant le reportage que Marie regardait.
_Tu regarde toujours des trucs aussi nuls ?
Marie leva les yeux aux ciels.
_Ce n’est pas nul, comme tu dis. Les phoques sont très intéressants.
Alison pouffa et lui jeta un regard remplit de sous-entendus. Marie le lui rendit avec un sourire en coin, puis se concentra à nouveau sur l’écran.
Alison se pinça les lèvres, se demandant si c’était le bon moment pour la remercier. Elle lui jeta un regard de travers et finit par se lancer :
_Merci.
Marie se retourna vers elle, les sourcils froncés et le regard interrogateur.
Une boule se forma dans sa gorge et la jeune fille ravala sa salive. Elle était infiniment reconnaissante envers Marie pour tout ce qu’elle avait fait pour elle, mais devoir le formuler à voix haute la mettait mal à l’aise et ce n’était pas dans ses habitudes. Elle avait pensé qu’un simple « merci » lui suffirait, mais apparemment, non. Alison ferma les yeux et prit une grande inspiration.
_Je te suis vraiment reconnaissante de m’avoir aidée, sans toi je serais encore là-bas à l’heure qu’il est. Merci de ne pas me ramener à l’hôpital, de ne pas faire confiance à Marshall, d’être quand même venue me chercher malgré ton cauchemar et les événements qui ont suivi… Merci de ne pas m’avoir laissé tomber, et… de me faire confiance, de me croire et de m’aider encore.
Le souffle court, Alison se tut. Elle n’osait pas lever le regard sur Marie, qui arborait un grand sourire devant son discours.
La jeune femme s’apprêtait à répondre quelque chose, mais elle fut devancée par un appel de Carol depuis la cuisine :
_Marie ! Alison ! C’est l’heure de passer à table !
La jeune femme soupira et se redressa.
_Ne t’en fais pas, dit-elle, je tiens à toi et je suis heureuse de pouvoir t’aider.
Alison se leva et Marie fit de même. Avec hésitation, Marie s’approcha pour la prendre dans ses bras. Tout d’abord déstabilisée, Alison répondit à son étreinte avec timidité.
Marie rompit l’instant en souriant de toutes ses dents, heureuse que la jeune fille n’ait pas réagit comme elle l’avait fait devant Chantal, c’est-à-dire en restant de marbre. Alison détourna le regard, gênée, avant de se retourner et d’aller dans la cuisine.
_Peux-tu mettre la table avec Mathias ? Demanda Carol lorsqu’elle la vit.
_Bien sûr, acquiesça Alison.
Mathias la frôla pour sortir de la cuisine, des assiettes à la main. Alison plissa les yeux et se mit à chercher les couverts, tandis que Carol partait installer les verres. Elle tira un tiroir et tomba dessus du premier coup.
Sans plus attendre, elle prit ce qu’il fallait et se retourna. Sa poitrine cogna contre l’imposant torse de Mathias, qui était planté juste devant elle.
_Pousse-toi, lui dit-elle en essayant de garder son calme.
Elle serra les fourchettes et les couteaux qu’elle tenait dans les mains. Ses phalanges blanchirent et son corps commença à chauffer.
Doucement, Mathias se rapprocha d’elle et appuya chacune de ses mains sur le rebord de l’évier, de sorte à l’emprisonner entre ses bras.
Alison allait le repousser avec violence, mais elle eut peur de le blesser avec les couteaux qu’elle tenait.
Depuis quand j’ai peur de le blesser ? Se reprocha-t-elle.
_Il faut qu’on parle ce soir, dit Mathias. C’est important.
_Dans tes rêves ! Répliqua Alison en le repoussant avec sa main pleine de fourchettes.
Il la laissa partir, à sa grande surprise. Marie et Carol étaient en grande discussion sur le canapé, et elles n’avaient rien remarqué.
Alison installa les couverts sur la table déjà occupée par les verres et les assiettes, puis partit rejoindre les deux femmes.
_On mange ? Demanda-t-elle.
Elles se tournèrent vers la jeune fille d’un même mouvement.
_J’arrive ! Dit Carol. Installez-vous.
Alison fit ce qu’elle lui dit et vit que Mathias était déjà installé. Elle avait le choix entre se mettre en face de lui ou à côté de lui. Évidemment, elle ne voulait pas croiser son regard pendant tout le repas.
Sans hésitation, elle se plaça à sa droite. Mathias secoua la tête en soupirant. Il réprimait un rire, et Alison en fut profondément exaspérée.
Marie se mit en face d’elle en souriant, et elle lui rendit son sourire. Carol arriva avec une petite marmite remplie de bœuf bourguignon et ils commencèrent à se servir.
Alison ne participait pas beaucoup aux discussions animées, mais Mathias ne se privait pas. Malgré la tournure des derniers événements, une bonne ambiance régnait autour de la table.
C’est lorsque Carol demanda à Mathias d’où il venait qu’Alison tendit l’oreille. Il hésita une seconde puis révéla qu’il était américain et donc bilingue, tout comme elle. Il expliqua que le français était sa langue maternelle et l’américain sa langue paternelle.
Comme moi, pensa Alison, étonnée.
Elle ne montra pas sa surprise et fit comme si elle n’écoutait pas. Elle apprit que sa famille habitait en Californie, mais qu’il ne savait pas exactement où, puisqu’elle déménageait constamment. De plus, il avait été séquestré pendant plus d’un an et n’avait donc aucune nouvelle.
Moi aussi je déménageais souvent, songea la jeune fille.
Mathias ne fit aucune référence sur ses pouvoirs et parlait de lui et sa famille comme s’ils étaient normaux. Après tout, Alison aussi avait eu une enfance normale, même si elle n’avait jamais été mise au courant de l’existence de ses pouvoirs.
Le dîner se termina sans que Mathias n’en dise plus sur lui, malgré les montagnes de questions que lui posaient Marie et Carol. Marie se montrait plus réservée que son amie, mais elle était aussi très curieuse.
Ils se levèrent et débarrassèrent la table tous ensemble, puis Alison leur souhaita une bonne nuit. Elle prit les sacs remplit de ses nouvelles affaires avant d’aller se réfugier dans sa chambre, sous l’œil attentif de Mathias et inquiet de Marie.
Alison se jeta sur son lit en soupirant. Qu’est-ce que Mathias pouvait bien vouloir lui dire de si important ? Peut-être était-ce des révélations sur ses dons ? Ou des informations sur sa famille ?
Elle soupira avec lassitude. La jeune fille se demanda une nouvelle fois comment elle avait fait pour en arriver là. Tout avait démarré de son collier, et il ne s’était pas manifesté depuis des heures. La cicatrice qu’il lui avait faite était toujours présente, et c’était même obscurcie. Ce phénomène la laissait perplexe, et elle se demandait si elle ne devait pas en parler à Mathias.
Après tout, c’est le mieux placé pour répondre à mes questions... Se dit Alison.
La jeune fille devait se faire une raison. Pour avancer, elle allait devoir lui parler. Même si sa principale occupation était de se moquer d’elle, elle devait ne pas y prêter  attention et faire en sorte d’en apprendre le plus possible sur ses pouvoirs et d’où ils venaient. Elle n’avait plus qu’à le laisser lui parler.
_De tout façon je suis certaine qu’il viendra me voir avant de dormir, soupira Alison.
Ils ne se connaissaient que depuis deux jours, mais elle avait l’impression de le connaître depuis bien plus longtemps. C’était une sensation étrange et elle ne voulait pas la quitter. C’était comme si elle le connaissait assez pour savoir qu’’il n’était pas du genre à renoncer face à un refus ou autre chose.
Sans s’en rendre compte, la jeune fille sourit.
Peut-être qu’avec un peu de chance, pensa-t-elle, nous pourrions arriver à un terrain d’entente.
Alison se donna une claque mentalement. Elle ne devait pas oublier que Mathias venait de l’humilier il y a quelques heures à peine. Cette simple pensée ranima sa colère et elle serra les poings, s’’enfonçant les ongles dans sa chair.
_Respire, s’’ordonna-t-elle.
Qu’elle le veuille ou non, elle allait devoir faire une trêve pour en savoir plus sur lui, mais aussi sur elle. Elle était certaine qu’il savait beaucoup de choses à son sujet. Elle n’avait plus qu’à l’attendre.

Five 💫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant