XIX

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L’avion commença à survoler San Francisco et Alison admira la ville en effervescence à travers le hublot.
_J’avais oublié le décalage horaire, soupira-t-elle. Quelle heure est-il ?
Mathias regarda à son tour la ville et répondit :
_La Californie a neuf heures de décalage avec la France, alors il est midi et demie.
Le soleil aveugla la jeune fille et elle abaissa le store. Une boule se forma dans sa gorge et sa respiration s’accéléra. Ce n’était pas l’atterrissage qui la mettait dans cet état, mais ce qui l’attendait une fois sur la terre ferme.
Mathias n’avait pas ce même problème et montrait de plus en plus des signes d’impatience. Ses jambes tremblotaient, ses pieds tapaient sur le sol de l’avion et il se passait constamment une main dans les cheveux.
Une annonce les informa qu’une température avoisinant les vingts degrés régnait sur la ville et qu’ils entamaient leur descente.
Mathias rassura Alison qui s’était crispée et la jeune fille serra les dents. L’avions atterrit en trombe et elle relâcha la pression lorsqu’il fut totalement immobile. Ils détachèrent leur ceinture et s’étirèrent tout le corps. Les passagers se levèrent d’un même mouvement pour se ruer vers la sortie. Les adolescents prirent leur temps pour être les derniers et ainsi ne pas se faire bousculer.
_J’ai l’impression de peser une tonne, se plaignit Alison en marchant derrière Mathias.
_Moi aussi, soupira-t-il. Je ne veux plus jamais rester assis onze heures d’affilé.
Ils arrivèrent devant la porte de sortie et l’hôtesse qui les avait servi plus tôt les salua d’un sourire. Ils sortirent enfin de l’avion et virent Marie qui les attendait un peu plus loin. Elle leur fit signe quand elle les aperçut et ils la rejoignirent au pas de course.
_Comment s’est passé votre vol ? Demanda la jeune femme en souriant.
Alison et Mathias se lancèrent un regard.
_Ça aurait pu être pire, répondit Mathias en haussant les épaules.
_C’est la zone de perturbation qui a été difficile, ajouta Alison.
_J’ai frôlé la crise d’angoisse, renchérit Marie, mais ce qui est impressionnant c’est que vous ne vous soyez pas chamaillés !
_En effet, rit Mathias.
Marie s’esclaffa à son tour et Alison ne fit que sourire. Lorsqu’elle eut terminé, le regard de la jeune femme se fit plus sérieux et elle demanda :
_Alors, que s’est-il passé avant le décollage ?
Le regard de Mathias retrouva son sérieux à son tour.
_Nous en parlerons un peu plus tard, l’aéroport n’est pas le meilleur endroit pour en discuter.
Marie acquiesça d’un signe de tête et ils continuèrent de commenter leur vol en se dirigeant vers la salle où ils étaient censés récupérer leurs bagages. Un petit attroupement s’était rassemblé autour du tapis roulant distribuant les sacs, et ils durent se mettre de l’autre côté pour ne pas être gênés.
_Où devons-nous retrouver tes parents ? Demanda Marie à Mathias en attendant que leurs bagages arrivent.
_C’est mon frère qui vient nous chercher, il doit nous attendre dans le hall.
_Il a le permis ? S’étonna la jeune femme.
_Aux États-Unis nous pouvons passer le permis à seize ans, lui rappela Alison.
Elle repéra sa valise et la saisit avant qu’elle ne s’éloigne.
_C’est très différent de la France, commenta Marie en attrapant la sienne à son tour.
Sa deuxième valise arriva quelques secondes plus tard. Mathias fut le dernier à récupérer son sac. Son impatience grandissait à chaque seconde et il l’arracha presque du tapis roulant.
_Doucement ! Lui dit une femme qui prenait aussi sa valise.
Il marmonna un mot d’excuse et Marie ouvrit le chemin. Ils descendirent un étage et au fur et à mesure qu’ils avançaient, le ventre d’Alison se nouait et elle resserra sa prise sur sa valise. Mathias lui lança un regard qui se voulait encourageant et ils pressèrent le pas. Ils prirent un second escalator et arrivèrent dans le hall.
_Il devrait être là... Murmura Mathias en se passant une main dans les cheveux.
Le hall de l’aéroport de San Francisco était beaucoup plus grand et moderne que celui de Paris. De grandes baies vitrées ornaient les murs pour laisser la lumière du soleil éclairer le lieux. Ce dernier était rempli de personnes aussi pressées les unes que les autres. Des hommes d’affaires tentaient de continuer leur conversation téléphonique tout en serrant leur cravate, des mères de famille hélaient leur mari pour qu’il s’occupe des enfants et quelques personnes âgées demandaient leur chemin.
Parmi la foule, Mathias cherchait désespérément son frère des yeux.
_Mathias ! Cria une voix masculine.
Alison se tourna vers la voix et vit un garçon blond courir vers eux.
_Lucas ! S’écria Mathias.
Il lâcha son sac et courut se jeter dans les bras de son frère. Ils s’étreignirent avec force et Alison vit une larme couler sur la joue de Lucas.
Les retrouvailles des jumeaux étaient tellement émouvante que Marie versa une petite larme à son tour. Ses pensées étaient dirigées vers Carol qu’elle avait laissé à Paris. Alison avait elle aussi les larmes aux yeux, mais elle secoua la tête pour les chasser.
Les deux garçons restèrent dans cette position pendant de longues minutes. Les passants leur jetaient des coup d’œil curieux et émus, puis ils s’écartaient du couple fraternel.
Mathias se détacha lentement de son frère, le sourire jusqu’aux oreilles. Alison ne l’avait encore jamais vu sourire comme ça.
_Où est-elle ? Demanda Lucas une fois qu’ils se lâchèrent complètement.
Mathias se tourna vers la jeune fille. Ils marchèrent jusqu’à elle et sans prévenir, Lucas la prit dans ses bras.
_Merci d’avoir aidé mon frère à s’échapper.
Alison ne réagit pas tout de suite, trop surprise pour faire le moindre mouvement.
_Je... Je lui dois tout autant, réussit-elle à bredouiller.
Lucas la relâcha, le sourire collé aux lèvres. Ses yeux noisettes pétillaient et quelques mèches blondes  Mathias lança un regard indéchiffrable à son frère, puis se tourna vers Alison.
_Lucas est très tactile, expliqua-t-il.
Ce dernier s’était approché de Marie pour la prendre dans ses bras à son tour.
Décidément, rien ne peut l’intimider ! Se dit la jeune fille en souriant.
Lucas remercia la jeune femme, qui restait muette face à cette démonstration d’affection.
_Je suis heureuse d’avoir pu les aider, sourit enfin Marie.
Mathias donna une claque sur l’épaule de son frère avant de ramasser son sac.
_Allons-y, j’ai hâte de revoir nos parents !
Le groupe sortit de l’aéroport et Alison fut frappée par l’intensité de la chaleur. Son sweat lui tenait extrêmement chaud, alors avec les vingts degrés elle avait l’impression d’étouffer. Elle se dépêcha d’ôter son vêtement et la jeune fille se retrouva en débardeur. Son jean et ses baskets lui tenaient chaud aussi, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Elle noua son sweat autour de sa taille et s’attacha les cheveux en chignon mal fait.
Marie et Mathias avaient réagi de la même façon qu’elle, et tous se retrouvèrent en débardeur sous l’œil amusé de Lucas.
_Pourquoi êtes-vous en pull au mois de mai ? Ricana-t-il.
Apparemment la moquerie est de famille, pensa Alison avec un sourire.
_Les températures sont très différentes en France, expliqua Marie. Elles sont plus froides.
Lucas acquiesça et ses yeux se posèrent sur Alison quelques secondes.
_Où est ta voiture ? Lui demanda soudainement Mathias.
Lucas détourna le regard et sourit à son frère.
_Elle est juste là !
Il les conduisit jusqu’à sa voiture et Alison resta bouche bée. Elle ne reconnut pas la marque, mais c’était une énorme voiture noire design. Son prix devait être exorbitant.
Ils sont riches, se rappela la jeune fille.
_C’est une nouvelle ? Demanda Mathias en s’approchant de la carrosserie.
_Oui, acquiesça fièrement Lucas. Déposez vos affaires dans le coffre et montez !
Alison traîna sa valise jusqu’à l’arrière et Mathias ouvrit le coffre. Il déposa son sac et fit de même avec la valise de la jeune fille, qui ne s’attendait pas à cette politesse.
Il progresse, se dit-elle.
Il fit de même avec les deux valises de Marie et elle garda son sac à main. Mathias referma le coffre et s’adressa à Alison :
_Tu devrais te mettre devant, tu vas devoir raconter ce qu’il s’est passé à l’aéroport de Paris.
_D’accord, accepta-t-elle.
Marie et lui se mirent à l’arrière tandis que la jeune fille s’installa sur le siège passager. Lucas lui fit un clin d’œil et démarra avant qu’elle n’attache sa ceinture.
_Le trajet ne va pas durer longtemps, lui dit-il. Notre villa est un peu éloigné de la ville, mais on y arrive rapidement.
Alison n’eut pas le temps de répondre car Mathias s’était avancé et dit :
_Avant qu’on arrive, il faut qu’on vous raconte ce qu’il s’est passé avant le décollage.
Son frère releva un sourcil.
_Comment ça ?
_Alison en parlera mieux que moi, c’est elle que ça concerne.
Le regard de Lucas glissa sur elle et elle fut subitement gênée. La jeune fille rassembla ses idées et se lança dans une grande description des événements. Par rapport à son explication à Mathias dans l’avion, elle décrivit moins ce qu’elle avait ressenti et parlait moins de ses sentiments.
Lorsqu’elle eut terminé, la voiture avaient déjà parcouru la moitié du chemin. Tous l’avaient écouté attentivement et Alison avait remarqué la mine surprise de Lucas lorsqu’elle avait parlé de la libération du Feu. Il se tourna furtivement vers elle, les mains sur le volant, puis un sourire illumina son visage :
_Ça veut dire que tu es une Pierce ! On fait parti de la même famille !
Je viens de lui dire que j’ai peut-être tué quelqu’un et tout ce qui l’intéresse c’est ça ? S’étonna la jeune fille.
_On ne sait pas si le Feu est son Élément dominant, intervint Mathias. Il y a de fortes chances que ce soit l’Air, il s’est manifesté le premier.
_Mais l’Esprit et le Feu ont été plus puissants, le contra Lucas. Nous demanderons à papa de vérifier.
Marie, qui s’était tue jusque là, se redressa et demanda à Alison :
_Tu crois qu’elle est morte ?
Contrairement à Lucas, elle s’intéressait au plus important.
_Je ne sais pas, répondit la jeune fille. Même si je hais Chantal, l’idée d’avoir tué quelqu’un me répugne.
Marie ne répondit pas tout de suite, plongée dans ses pensées. Alison se mordit la lèvre, incertaine.
_Dans tout les cas, répondit enfin la jeune femme, ce n’était pas ton intention de la tuer.
Alison ravala sa salive.
_Je voulais lui faire du mal, avoua-t-elle lentement.
Marie posa une main rassurante sur son épaule.
_Tu ne voulais pas la tuer. C’est tout ce qui compte.
Elle lui pressa l’épaule et retira sa main.
_Nous sommes bientôt arrivé, dit Lucas pour changer de sujet. Vous verrez, la villa est immense !
Il se lança dans une longue description du domaine, mais aucun passager n’écouta. Alison se dit qu’elle aurait tout le temps de visiter le domaine une fois arriver et se mit à rêvasser en contemplant le paysage. Ils avaient quitté San Francisco et remontaient la côte Ouest Californienne à tout allure.
Il n’y avait quasiment aucune voiture sur la petite route, alors Lucas s’amusait à rouler extrêmement vite. Il jetait de fréquents coups d’œil à Alison, et la jeune fille jurerait que c’était pour voir s’il l’impressionnait. Certains virages étaient serrés et elle dut se maintenir pour ne pas valdinguer de tout les côtés malgré la ceinture qui la retenait. S’il continuait ainsi, la jeune fille allait se mettre à hurler.
_Tu pourrais aller moins vite ? Fit Mathias. Je ne tiens pas à avoir un accident ni à me faire arrêter.
Lucas haussa un sourcil et regarda son frère dans le rétroviseur.
_À ta guise.
Il ralentit un peu, mais il était toujours au-dessus des limitations de vitesse. Alison serra les dents et jeta un coup d’œil à Mathias, qui lui sourit pour la rassurer. Elle ne put s’empêcher de penser qu’il était intervenu parce qu’il l’avait vu commencer à paniquer.
_Maman s’est affairée toute la matinée pour préparer votre arrivée, dit Lucas d’un ton plus enjoué.
Il jeta un œil à Mathias.
_Elle a pleuré toute la nuit quand je lui ai annoncé que tu rentrais à la maison. Papa est resté avec elle et il était très ému aussi.
Cette nouvelle illumina le visage de Mathias. Lucas lui sourit et il bifurqua à gauche dans une petite allée cernée d’arbres. Ils s’arrêtèrent devant un portail en métal, beaucoup plus esthétique et accueillant que celui du C.A.T.P. Deux caméras de surveillances étaient disposées de chaque côté et Alison ne put s’empêcher de faire une remarque.
_Votre entrée est très surveillée !
Le portail s’ouvrit comme par magie et Lucas fit entrer la voiture avant de répondre :
_Papa est le Chef des Pierce, alors nous devons prendre un minimum de précautions.
Ils avancèrent sur le petit chemin caillouteux avant d’arriver devant la villa. Alison ouvrit de grands yeux en l’apercevant enfin. Elle était moderne et cubique avec un étage dont les murs étaient fait en bois. Derrière, la jeune fille put apercevoir la plage ainsi que l’océan.
Lucas se gara devant la porte d’entrée et détacha sa ceinture.
_Allez, tout le monde descends !
Alison fit ce qu’il demandait et ouvrit sa portière. Une boule se forma dans son estomac lorsqu’elle mit un pieds à terre, mais la jeune fille se reprit et respira un grand coup. Ce n’était que la famille de Mathias, après tout.

Five 💫Where stories live. Discover now