VI

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_Ne... Ne t'approche pas !
Sa voix n'était plus qu'un murmure, car la boule au fond de sa gorge était toujours présente. Elle tremblait et les larmes lui montèrent.
Mathias s'arrêta. Il resta debout à regarder la jeune fille pendant quelques secondes, choisissant certainement ses mots.
_Je suis venu pour m'excuser, laissa-t-il tomber. Je croyais que tu... Que tu...
Il balbutia sans terminer sa phrase.
Alison failli lui rire au nez, mais elle se ravisa. Ce qu'il faisait était certainement une technique pour l'amadouer, et elle ne se laisserait pas faire.
_Tu es cinglé, monstrueux et complètement fou. Je ne te crois pas, tu fais ça pour que je baisse ma garde et que tu puisses...
_Non ! La coupa-t-il. Je te prenais pour un démon, voilà pourquoi j'ai été si... agressif.
Un démon ? Agressif ?
_Tu as été meurtrier ! Cria-t-elle. Si mon collier ne s'était pas mis à briller, je serais morte !
Elle se tut devant l'absurdité de ses mots. Elle venait ouvertement d'avouer que c'était son collier qui s'était mis à briller, mais, à sa grande surprise, Mathias ne semblait pas surpris.
_Dans ce cas, toi aussi tu as été meurtrière. L'éclair que tu m'as lancé aurait pu me tuer.
Soudain, elle se mit dans une colère noire et se planta devant lui et le pointant de son index.
_Je me suis défendue. C'est toi qui m'as attaqué, c'est toi qui m'as étouffé, c'est toi qui as failli m'ôter la vie ! Quant à moi, je ne sais même pas comment j'ai fais, je ne sais pas pourquoi mon collier se met à briller ou même à me brûler ! Depuis hier soir, il y eut un enchaînement d'événements que je n'ai pas su gérer, et encore moins contrôler !
Pendant toute sa tirade, Alison avait continué d'avancer tandis que lui reculait. Elle continua :
_Et toi, Toi ! Après avoir tenté de m'assassiner, tu viens dans ma chambre et force ma porte quand j'essaye de t'en faire sortir ! Tu me dis que tu es désolé, bien ! Je le suis aussi ! Mais tu ne m'auras pas avec ton petit jeu, tu ne m'auras jamais ! Et le plus incroyable, ce que tu as l'air de trouver ça normal que mon collier se mette à briller ou que je te foudroie !
Elle fit une pause.
_Tu es encore plus dingue que je ne le pensais, termina-t-elle.
Elle s'arrêta, à bout de souffle. Mathias était maintenant appuyé contre le mur, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte. Il ne savait pas quoi répondre à tout ce qu'elle venait de lui dire.
_Tu n'as pas compris ? Répéta-t-elle. Sors d'ici-avant que je ne te grille à nouveau !
Il ne bougea pas d'un centimètre, la sondant du regard. Elle recula, se rendant compte qu'ils étaient beaucoup trop proche.
_Je risque ma vie pour venir te voir, dit-il finalement. Alors accepte de m'écouter, s'il te plaît.
Son regard était insistant, trop insistant.
À nouveau, son collier se remit à chauffer. Il l'emplit d'une douce chaleur, comme lorsque Chantal avait voulu la forcer à manger ses légumes.
Elle éclata de rire.
_Nous sommes dans un hôpital, lui répondit-elle. Tu ne risques rien, alors arrête de me mentir.
En réalité, à mesure que les heures passaient, elle comprenait qu'elle n'était pas vraiment dans un hôpital. Le C.A.T.P n'était pas ce qu'il semblait être.
Il éclata de rire à son tour en entendant ses paroles.
_Tu sais aussi bien que moi que nous ne sommes pas dans un hôpital, se reprit-il. C'est une prison.
Une... prison ? Mais qu'est-ce qu'il racontait ? Disait-il cela pour la déstabiliser ?
Elle recula à nouveau en vacillant. Le regard du jeune homme, jusque-là amusé, s'arrondit de surprise :
_Mais attends, tu... Tu n'es au courant de rien ? De rien du tout ? Tu ne sais vraiment pas comment tu as fais pour lui résister ?
Son sang se glaça dans ses veines lorsqu'elle entendit à nouveau ces mots. Les mêmes mots qu'il lui avait hurlé sans relâche quand il avait ses mains encore autour de son cou...
Elle plaqua ses mains devant sa bouche en étouffant un sanglot. Ses jambes cédèrent elle s'affala sur son lit, juste derrière elle.
Ne comprenant pas pourquoi elle avait réagi ainsi, Mathias s'approcha.
_Recule ! Lui cria-t-elle.
Ses mains se mirent à chauffer et à lui brûler. Ce fut tellement intense qu'elle se mit à hurler et à les agiter dans tous les sens.
_Arrête ! Lui ordonna-t-il. Calme-toi, ou tu vas...
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Un éclair, encore plus puissant que le premier, jaillit de ses paumes et le jeune homme eut tout juste le temps de l'esquiver avant qu'il n'éclate contre le mur. Il explosa sous la force de l'impact, et Alison serait morte si Mathias ne s'était pas jeté sur elle pour la plaquer par terre.
Les débris retombèrent lourdement, et de la poussière s'éleva au-dessus d'eux.
Étourdie, Alison rouvrit les yeux. Un regard bleu d'acier croiser le sien, à quelques centimètres seulement de son visage. Un peu plus bas, une bouche, encore plus proche, s'activa :
_Tu vas bien ?
Elle restait sans voix. Il était là, le visage penché sur elle, avec un bras de chaque côté de sa tête.
_Dégage !
Ce fut la seule chose qui lui traversa l'esprit à ce moment. Surpris, il ne bougea pas et elle dut le repousser de toute ses forces. Ses mains se plaquèrent sur son torse et elle replia les jambes pour le faire chuter.
_Eh ! S'écria-t-il. Je viens de te sauver la vie, là !
Il se releva néanmoins, et lui tendit la main pour l'aider à faire de même. Elle le repoussa d'un geste et se redressa en s'écartant de lui.
_Tu pourrais au moins me remer...
Il fut à nouveau coupé, mais par un cri terrifié cette fois-ci. Les deux adolescents tournèrent la tête et virent une fille, les écarquillés d'horreur, de l'autre côté du trou à travers le mur qu'avait provoqué l'explosion.
Elle partit en courant dans le couloir, et Alison eut à peine le temps de la reconnaître : C'était celle qui l'avait dénoncé devant Chantal.
_Je m'en occupe ! S'exclama Mathias en lui courant après.
Quelques secondes plus tard, elle entendit un cri, suivit d'un gros « BOUM ».
Mathias revint en se frottant les mains.
_Pour... Pourquoi as-tu fais ça ? S'horrifia Alison.
Il haussa les épaules.
_Elle allait prévenir Chantal.
_Es-tu idiot ? Répliqua-t-elle. Avec ce vacarme, tout le bâtiment à dû entendre !
_Crois-moi, Chantal est bien trop occupée pour écouter quoi que ce soit. Elle est dans son bureau, au rez-de-chaussé.
Furieuse, la jeune fille vociféra et se tourna vers les dégâts.
_Que vais-je faire, maintenant ? Lui cria-t-elle. Dès que Chantal arrivera, je vais...
Il lui coupa la parole :
_Nous devons fuir.
Elle le regarda, indécise. Elle avait prévu partir, certes, mais elle n'irait nulle part avec ce fou à ses côtés.
_Nous ? Il est hors de question que je m'en aille avec toi.
Il soutint son regard sans ciller et répondit :
_Je suis le seul à pouvoir t'aider.
_Je peux me débrouiller sans toi, persista-t-elle.
Ils se toisèrent silencieusement. Aucun des deux ne voulait lâcher prise.
_Pourquoi tu veux rester avec moi ? Finit-elle par demander.
Il fut surpris par sa question et pencha la tête sur le côté.
_Parce que sans toi, je n'aurais jamais eu la possibilité de partir.
Il marqua une pause, puis reprit :
_Et j'ai une dette envers toi.
Elle fut à son tour surprise par son honnêteté, et détourna le regard.
_Il faut qu'on se dépêche, continua-t-il. Si tu veux qu'on s'en aille, il faut le faire maintenant.
La jeune fille hésita. Devait-elle se risquer à le suivre ? Il lui avait sauvé la vie, après tout, et elle pouvait s'enfuir avec lui puis prendre un autre chemin après.
Finalement, elle acquiesça.
_D'accord.
Elle ne lui faisait pas confiance, et c'était certainement réciproque. Elle ne ferait jamais confiance à quelqu'un comme lui.
_Dans ce cas, allons-y.
Il lui montra la fenêtre.
_Nous devons d'abord briser ça, et ensuite je pourrais nous faire descendre. Mais dès qu'elle sera détruite, l'alarme se déclenchera et nous n'aurons plus beaucoup de temps.
Un rire non contrôlé s'échappa de ses lèvres.
_Tu es malade ?! Comment comptes-tu nous faire descendre de trois étages ?
Il lui fit un clin d'œil.
_J'en fais mon affaire.
Elle s'arrêta de rire, ahurie.
_Si le suicide est ta vision de la fuite, je ne te suis plus, dit-elle.
_Je ne vais pas me suicider ! S'exclama-t-il, choqué. Contente-toi de faire sauter cette foutue fenêtre !
_Ne me donne pas d'ordre !
Sa réplique cinglante avait franchi ses lèvres à la vitesse de l'éclair.
Ils se toisèrent à nouveau, les poings serrés, amis cette fois ce fut Mathias qui parla en premier :
_Il faudrait que tu fasses sauter cette putain de fenêtre, se reprit-il difficilement.
Elle plissa les yeux et répondit :
_Et comment tu veux que je fasse ?
Il leva les yeux au ciel, comme si la réponse paraissait évidente.
_En faisant la même chose qu'au mur.
Elle leva les yeux de la même façon que lui il y a quelques secondes et répondit :
_Je ne sais même pas comment j'ai fais, alors ne compte pas là-dessus.
_Tu ne sais vraiment rien, soupira-t-il en se passant une main dans les cheveux. Tant pis, on va procéder autrement.
Il prit une brique parmi les débris, et elle le stoppa avant qu'il aille plus loin.
_Tu es fou ! S'écria-t-elle.
_Tu as une meilleure solution ? Siffla-t-il en la repoussant.
_Non...
_Alors laisse-moi faire.
Il s'avança, empoigna la brique avec force et donnant un énorme coup contre la vitre. Elle se fissura, mais ne se brisa pas. Un second coup, plus fort que le premier, continua de la fissurer, mais sans plus. Au troisième coup, le verre vola en éclat et l'alarme se déclencha.
_Viens ! Cria Mathias.
Alison courut vers lui, mais toujours avec méfiance, et il la prit par le bras. Elle le repoussa avec fureur.
_Il va falloir que je te porte, de toute façon !
L'alarme lui cassait les oreilles et elle se rendit compte qu'elle n'avait plus choix.
Mais pourquoi j'ai pris cette décision stupide ? Se demanda-t-elle. Je suis folle d'avoir accepté son aide ! Et si tout ceci était une technique pour me lancer dans le vide ?
Elle commença à paniquer et regarder le garçon qui lui tendait la main avec horreur.
_Alison ! Lui cria-t-il. On a plus qu'une minute, dépêche-toi !
Voyant qu'elle ne se décidait pas à venir, il l'empoigna avec force et la balança sur son épaule à une vitesse hallucinante.
_Aaaah ! Lâche-moi ! Ne me lance pas ! Laisse-moi tranquille !
Ses cris ne servaient à rien et elle se débattit avec fureur, mais Mathias lui maintenait les jambes de sorte à ce qu'elle ne puisse plus les bouger. Il grimpa sur le rebord de la fenêtre, plia les genoux et sauta.
Un cri de terreur sortit de sa gorge. Son ventre se souleva et elle faillit vomir toutes ses tripes. Le sol de béton se rapprochait et ils tombaient toujours. Encore. Plus que dix mètres et ce sera la fin. Elle ferma les yeux, attendant l'impact. Rien ne se produisit.
Elle les rouvrit avec précaution, et elle n'eut même plus la force de pousser un cri : Ils flottaient. À cinq mètres du sol, ils flottaient. Il continuait de se rapprocher, mais beaucoup plus lentement.
Mathias posa les pieds sur le sol avec souplesse et relâcha sa prisonnière, qui se redressa en titubant. Malgré elle, elle dut s'accrocher à lui pour ne pas tomber et il la rattrapa.
_Tu es... Commença la jeune fille.
_Je sais, je suis taré. Maintenant reprend tes esprits rapidement et courons.
Elle leva la tête et vit Chantal, penchée à travers la fenêtre brisée du troisième étage.
_Elle ne peut pas sauter, mais elle est très rapide, continua Mathias. Si tu tiens à la vie, nous devrions courir.
Ils se regardèrent, puis se mirent à détaler aussi vite que possible. Ils arrivèrent très vite au grand portail de métal, et Mathias se tourna vers elle.
_Je vais nous faire passer au-dessus, alors il faut que je te porte.
Elle eut un mouvement de recul, mais elle savait que même si elle refusait il la mettrait sur son épaule de force.
Résignée, elle se rapprocha de lui et il la prit dans ses bras. Ils commencèrent à s'élever dans les airs, à sa grande stupéfaction. Après tout ce qui se passait dernièrement, elle trouvait encore le moyen d'être surprise.
Des vociférations s'élevèrent quand Mathias entama sa descente. Alison tourna la tête dans leur direction et vit avec horreur que Chantal courait dans vers eux. Mathias perdit son équilibre et ils chutèrent. Il se rattrapa au dernier moment et se posa en lâchant Alison à la hâte.
_Tu pourrais faire attention ! S'écria-t-elle.
_Ce n'est pas le moment ! Cours !
Pour la première fois, elle fit ce qu'il lui dit. Une boule lui monta à la gorge quand elle entendit les cris de Chantal se rapprocher.
_Mais comment fait-elle pour être plus rapide que nous ?!
Ils remontèrent l'allée et continuèrent de courir sur la route boueuse. Un sifflement se fit entendre, et deux secondes plus tard, Mathias se jeta sur elle.  Une explosion retentit juste à côté, et de la terre s'éleva dans les airs.
_Qu'est-ce que c'était ? S'étrangla Alison, sous le choque.
_Chantal nous bombarde, cours !
Il lui prit le bras la tira pour qu'elle aille plus vite.
Un autre sifflement et une autre explosion retentirent, mais cette fois ce fut derrière eux et ils accélérèrent.
Bientôt, Alison fut à bout de souffle et ses jambes la faisaient souffrir. Elle devait ralentir, sinon elle perdrait connaissance.
_Qu'est-ce que tu fais ? Lui cria Mathias.
_Je ne... peux plus continuer.
Il ne l'écouta pas et continua de la tirer. Elle se laissa faire malgré son envie de le repousser et sa fatigue.
Elle releva la tête pour se donner du courage et aperçut une voiture arriver au loin. Son vrombissement lui était familier, et elle plissa les yeux pour mieux voir. C'était une vieille mercedes.
_Marie ! S'écria la jeune fille. C'est mon infirmière, elle peut nous sauver !
Elle s'époumona en faisant de grand signes des bras.
_Tu es sûre ? Lui demanda Mathias.
_Oui !
L'adrénaline et le regain d'espoir leur donnèrent assez d'énergie pour faire un dernier sprint. La mercedes s'arrêta et une blonde sortit en criant :
_Alison ! Mais pourquoi...
L'adolescente lui coupa la parole.
_On a pas le temps, laisse-nous monter ! Vite !
À sa grande surprise, Marie remonta dans la voiture en leur faisant signe de faire de même.  Alison s'installa sur le siège passager tandis que Mathias s'assit à l'arrière.
Leur sauveuse fit demi-tour aussi rapidement que possible et appuya sur le champignon. Dans le rétroviseur, on pouvait apercevoir une forme sombre à l'allure humaine s'éloigner peu à peu.

Five 💫Where stories live. Discover now