IV

459 29 0
                                    

L'alarme du téléphone sonna. Marie se redressa, terrorisée et en sueur, regardant de tous les côtés.
Sa nuit avait été affreuse, la plus horrible de toute sa vie. Son cauchemar avait été tellement réel qu'elle ressentait encore la douleur des tortures qu'elle y a subi durant.
Toute tremblante, elle se balança hors du canapé et se leva. Ses jambes vacillèrent avant de trouver leur équilibre et elle se dirigea vers la cuisine pour s'y faire un café.
Ses souvenirs revinrent peu à peu. Elle avait été battue, séquestrée, affamée et même violée ! Sa poitrine se leva et s'abaissa avec difficulté, et sa respiration fut de plus en plus lente. Pendant tout son cauchemar, ses agresseurs lui avaient dit de ne pas chercher à en savoir plus sur le C.A.T.P, ni de revenir voir Alison.
Son esprit était tellement occupé par la jeune fille qu'elle en avait fait un cauchemar !
Elle dut retenir un sanglot tellement ce fut une horreur. Cela avait parut tellement réel qu'elle se demanda si elle n'avait pas été kidnappée pendant la nuit.
Marie but son café, pensive. Elle se demandait si Alison avait passé une meilleure soirée et une meilleure nuit qu'elle. Probablement que non, mais elle espérait que sa mère n'était pas revenue la hanter.
Elle posa sa tasse une fois qu'elle eut fini et partit prendre une douche. Elle monta les marches et alla dans sa chambre pour prendre des vêtements, puis ressortit et entra dans la salle de bain.
L'infirmière posa ses vêtements et se déshabilla, mais quelque chose sur le miroir attira son attention. Elle regarda son reflet et poussa un cri de surprise : Son corps était couvert d'hématomes !
Elle en avait sur les jambes, sur les côtes, et même dans le dos. Elle avait dû se secouer dans tous les sens pour s'infliger cela.
La jeune femme inspecta le reste de son corps et remarqua vite une coupure sur son avant-bras. Elle avait aussi quelques griffures dans le dos, certainement à cause de son chat, mais cette coupure était plus nette. Elle l'effleura et ôta aussitôt ses doigts, sa blessure lui brûlait.
_Bon sang... Soupira-t-elle.
Marie laissa retomber son bras et finit par se doucher. Cette journée allait être longue, elle en avait bien peur. Elle énuméra la liste de choses qu'elle devait à tout prix faire, puis ressortit. L'eau lui avait fait du bien et avait un peu apaisé son corps endolori.
Une fois habillée et maquillée, elle versa un peu de croquettes dans la gamelle de Tigrou, prit ses clés et partit en claquant la porte. Il était presque huit heures, elle allait avoir dix minutes de retard.
Heureusement, la circulation était correcte et elle put arriver pile à l'heure. Marie gara sa voiture sur le parking des employés de l'hôpital et sortit en n'oubliant pas de la verrouiller. Ses bottines claquèrent quand elle rentra dans le bâtiment, et elle monta à l'étage, dans sa section.
La matinée se déroula sans encombre, bien qu'a plusieurs reprises ses collègues lui ont fait remarquer qu'elle avait une petite mine. Elle s'était contenté de leur répondre qu'elle avait passé une sale nuit, et elle se remettait au travail.
Quand l'heure de la pose déjeuner sonna, elle fut surprise de ne pas avoir croisé Marc. Elle le soupçonna de vouloir l'éviter, et elle en fut très aise, car c'était mieux ainsi.
Ne perdant pas de temps, elle mit son plan à exécution. Profitant du fait que ce soit l'heure de la pose, elle se rendit dans le bureau de sa collègue, Carol. Elle était aussi son amie, alors elle pourra certainement lui venir en aide.
Carol avait le nez plongé dans la paperasse quand Marie rentra dans son bureau. Elle releva la tête et sourit :
_Marie ! Je suis contente de te voir.
Elle lui rendit son sourire et lui fit la bise, puis elle s'installa en face d'elle. Ses cheveux bruns étaient relevés en chignon, et cela allait parfaitement bien avec ses lunettes et ses yeux noisettes.
_Alors, qu'est-ce qui t'amène ? Demanda-t-elle.
Marie décida de ne pas passer par quatre chemins et de lui répondre du tac au tac.
_J'ai besoin que tu me rendes un service.
Carol perdit son sourire.
_Ça à l'air sérieux !
Plus que tu ne le crois, pensa l'infirmière.
_J'aimerais que tu fasses des recherches sur le C.A.T.P, c'est le centre où j'ai accompagné Alison hier. Comme tu t'occupes de toute l'administration des transferts, je me suis dis que tu pouvais m'aider.
Son amie fronça les sourcils, indécise.
_Le C.A.T.P ? Alison ? Mais qui est-ce ?
Marie accusa le coup. Comment ne pouvait-elle pas s'en rappeler ?
_C'est la jeune fille dont je te parle depuis deux semaines ! Marshall a décidé de l'envoyer au Centre pour les Adolescents aux Troubles Psychologiques.
_Tu ne m'as jamais parlé d'une Alison, et je n'ai jamais entendu parler du C.A.T.P ! Tu es sûre que tout va bien, Marie ?
Carol la regardait d'un air inquiet.
Ce n'est pas possible, se dit la jeune femme, ça ne peut pas être réel.
La tête lui tournait et elle eut du mal à respirer. Sa coupure à son bras gauche se mit à lui brûler et elle grimaça de douleur au lieu de lâcher un cri.
_Marie ? Tout va bien ? Lui demanda Carol en se levant.
_Oui, répondit Marie à la hâte. Pardon de t'avoir dérangé.
Elle se leva maladroitement et Carol se précipita vers elle.
_Tu ne vas pas bien du tout ! Regarde-toi, tu arrives à peine à tenir sur tes jambes.
_Mais non, je vais bien.
Elle se redressa avec peine et lui fit un sourire forcé, mais son amie n'était pas du tout rassurée.
_Je t'emmène voir Pierrick, dit-elle.
Son ton ne permettait aucune protestation, alors Marie se laissa conduire vers le médecin sans rechigner.
Carol l'interrogea sur le chemin :
_Alors, c'est quoi cette histoire de C.A.T.P ? Et qui est cette jeune fille dont tu m'as parlé ?
Marie hésita. Si elle continuait d'affirmer ses propos, Carol la prendrait pour une folle, mais si elle démentait, elle penserait qu'elle avait eu des hallucinations pour lui en avoir parlé tout à l'heure.
Finalement, elle choisit la seconde option.
_J'ai dû me tromper, je parlais de, euh... De l'autre hôpital pour enfants, de l'autre côté de Quimper.
Sa compagne fronça les sourcils, peu convaincue.
_Et qui est Alison ?
_J'ai confondue avec une autre patiente.
Carol soupira. Évidemment, elle ne la croyait pas.
_Marie, on se connaît depuis bientôt trois ans, alors quand tu me caches quelque chose, je le vois.
La jeune femme regarda ses pieds. Pendant qu'elles parlaient, Carol l'avait conduit jusqu'au bureau de Pierrick, en espérant qu'il y soit.
_On en parlera après ta consultation, conclut-elle.
Elle toqua et on entendit une voix étouffée répondre. La porte s'ouvrit et les deux jeunes femmes firent face à un homme d'une vingtaine d'années, proche de la trentaine. On pouvait apercevoir un début de calvitie sur ses cheveux noirs, et ses yeux s'agrandirent de surprise à la vue de Carol, sa petite amie, et de Marie qui paraissait presque dans les vapes.
_Entrez ! Leur dit-il.
Elles ne se firent par prier et Carol l'enlaça après qu'il eut refermé la porte. Marie le salua et il fit de même, puis Carol prit la parole :
_Il faudrait que tu auscultes Marie, elle est assez patraque et a failli s'évanouir.
_Elle exagère ! Se rebiffa Marie.
_ À peine.
Elle lui lança un regard noir et Pierrick la fit asseoir sur son bureau.
_Retire ton haut, lui dit-il.
Marie failli faire ce qu'il lui demandait, mais se ravisa à la dernière minute. S'ils voyaient ses hématomes, ils paniqueraient et penseraient qu'elle s'était faite agresser. Hors, elle ne voulait pas faire un scandale.
_Je vais beaucoup mieux, il n'y a pas besoin !
Pierrick haussa un sourcil.
_Si c'est retirer ton chemisier qui est un problème, tu n'as pas à t'en faire. Je suis médecin avant tout.
_Non, non !
Marie secoua vivement la tête.
_Il n'y a simplement pas besoin de m'ausculter, je vais bien et je ne veux pas te faire perdre ton temps.
_Marie, ôte ce chemisier ! Intervint Carol.
_Je vous dis que ce n'est pas la peine.
_Où alors, tu as quelque chose à cacher ?
Leurs regards furent de plus en plus insistants, et la blonde avala sa salive avec difficulté.
_Mais non ! Je... J'ai hâte d'aller prendre mon déjeuner, c'est tout.
Elle bégayait et son mensonge était tellement peu crédible qu'elle faillit en rire. Pierrick et Carol se regardèrent, plus inquiets qu'amusés.
_Marie... Commença Carol.
_Laisse-moi t'ausculter, la coupa Pierrick, ça prendra cinq minutes.
Carol lui jeta un regard mauvais, et Marie soupira, vaincue. Elle avait compris que ces deux-là ne la lâcherait pas.
À contre cœur, elle déboutonna son chemisier et le retira, puis se leva. Elle attendit que Carol pousse un cri et que Pierrick lâche un juron, mais rien ne vint. Elle baissa la tête et n'en crut pas ses yeux : Toutes les traces violacées avaient disparu, et les griffures aussi. Elle regarda ses côtes et tâta son dos, mais ils étaient tous partis. En revanche, son étrange coupure au bras était toujours présente.
_Je ne vois pas ce qu'il y a d'horrible, dit Carol.
_Bon, enchaîna Pierrick, tourne-toi, je vais t'examiner.
Cela ne dura pas plus de quelques minutes, et tout ce dont Pierrick put en conclure c'était qu'elle devait manger et se reposer. Carol la regarda bizarrement, et Marie lui dit :
_Tu vois ! Il n'y a pas de quoi s'inquiéter.
_Mouais... Répondit-elle, peu convaincue.
_Tu devrais quand même prendre ton après-midi, lui suggéra Pierrick.
_Oui, bonne idée, l'appuya sa petite-amie.
Marie secoua la tête, en signe de négation.
_Il n'y a pas besoin, ce soir je me coucherais tôt, c'est tout.
Le couple se regarda, indécis.
_Comme tu veux, laissa tomber Pierrick, mais ménage-toi, tu es très faible.
Carol hocha la tête d'approbation.
Marie tendit le bras pour récupérer son chemisier, mais Pierrick lui attrapa le bras avant qu'elle ne l'atteigne.
_Qu'est-ce que c'est que ça ?
Il lui montra sa blessure, encore à vif.
_Oh ! Fit Marie. Ce n'est qu'une coupure.
Le médecin l'examina et dit :
_Elle n'a pas l'air profonde, mais elle semble douloureuse, regarde comme elle est à vif ! Tu ne l'as pas désinfecté ?
_Je n'y ai pas pensé.
_Je vais te le faire.
Il lâcha son bras et prit le nécessaire dans un tiroir de son bureau.
_Comment tu t'es fais ça ? Lui demanda Carol.
Elle mit quelques secondes à inventer un mensonge crédible, puis répondit :
_Je suis tombée.
C'était une excuse banale, mais la plus facile à croire. Néanmoins, Carol continua de la regarder de manière suspecte.
_Donne-moi ton bras, lui dit Pierrick.
La jeune femme lui tendit, et il imbiba un coton de désinfectant avant de l'appliquer sur sa coupure. Elle dut retenir un cri quand le liquide entra en contact avec sa peau.
_Bon sang, ça brûle !
_Courage, c'est presque fini, l'encouragea Carol.
Elle dut se mordre la langue pour ne pas hurler tellement elle souffrait. C'était bien plus que les simples picotements qu'elle aurait dû sentir, on aurait dit que la blessure n'acceptait pas le désinfectant.
Enfin, Pierrick retira le coton et lui fit un bandage. La douleur était toujours présente, mais en beaucoup moins intense.
_Je ne sais pas si je dois te remercier, grimaça Marie.
_Tout le plaisir est pour moi ! Lui répondit son soigneur en lui tapotant l'épaule.
_Rhabille-toi, on y va ! La pressa Carol.
L'infirmière put enfin remettre son chemisier. Une fois cela fait, elle remercia Pierrick et le salua, tandis que sa compagne se pendait pour l'embrasser. Marie détourna les yeux pour leur laisser leur intimité, puis les filles sortirent du bureau.
_Tu viens déjeuner avec moi ? Proposa Carol.
_C'est que... Commença Marie, il faut que je fasse des recherches.
_Tu ne vas pas recommence avec le C.A.T.P !
_Mais je t'ai dis que...
Son amie la coupa d'un mouvement du bras.
_Cesse de me mentir, Marie.
Elle soupira.
_Très bien, je vais t'aider. C'est seulement parce que tu es mon amie. Allons aux archives.
Elle ne lui avait pas laissé le temps de répondre qu'elle était déjà partie. Marie se tourna et lui courut après en lui demandant :
_Tu es sûre que tu ne te souviens pas d'une patiente nommée Alison ?
_J'en suis certaine. Je m'en souviendrais si tu m'avais parlé d'elle pendant deux semaines.
Et pourtant... Se dit intérieurement Marie. Peut-être que c'est moi qui deviens folle, après tout.
Elle se secoua la tête pour se remettre les idées en place. Alison et le C.A.T.P étaient réels, aucun doute possible. C'était plutôt le monde autour d'elle qui ne tournait pas rond.

Five 💫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant