VIII

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Marie sonna, et le trio entendit un cri étouffé à travers la porte :
_Je vous ai dit de...
La porte s'ouvrit à la volée et Carol apparut sur le seuil. Sa phrase resta en suspens lorsqu'elle vit Marie en face d'elle.
_Marie ! S'exclama-t-elle. Marshall te cherche partout, il prétend que... Mais qui est-ce ?
Carol regarda tour à tour Alison et Mathias, plantés derrière l'infirmière.
_C'est difficile à expliquer, s'empressa Marie. Peux-tu nous laisser entrer ?
Carol acquiesça d'un signe de tête et ils entrèrent. Elle referma la porte derrière Mathias et les conduisit au salon.
_Asseyez-vous, les pria-t-elle.
Marie prit place sur le canapé, tandis qu'Alison et Mathias se mirent de part et d'autre d'elle. Carol s'assit sur un fauteuil en face et dit :
_Explique-moi tout.
Marie prit une grande inspiration, puis se lança. Alison eut un pincement lorsque Marie « allégea » l'agression de Mathias, mais elle ne releva pas. Elle la laissa terminer, puis observa attentivement la réaction de Carol.
Cette dernière regardait Marie avec des yeux ronds, puis lança un regard à Mathias.
_Si j'ai bien compris... Hésita-t-elle, la voix tremblante. Toi, tu peux voler ?
Il haussa les épaules.
_Je peux faire plein d'autres choses.
_Comme agresser les jeunes filles innocentes, cracha Alison.
Il lui lança un regard noir.
_Je sais aussi les sauver d'une explosion qu'elles ont elles-mêmes provoquer ! Répliqua Mathias d'une voix cinglante.
_Vous n'allez pas recommencer ! S'écria Marie, excédée.
Ils se toisèrent et la jeune fille ne répliqua pas.
Après tout, se dit-elle, il m'a vraiment sauvé.
_Reprenons, dit Marie.
Carol était déstabilisée, mais elle se tourna finalement vers Alison.
_Tu es Alison, alors ?
La concernée hocha la tête.
_Et tu peux lancer des éclairs ?
_Apparemment.
Carol se mit la tête entre les mains.
_Je ne te demande pas de nous croire ! Intervint Marie. Il faut seulement que tu me fasses confiance.
Carol releva la tête et la regarda. Une minute s'écoula, et la tension monta d'un cran.
_Qu'attends-tu de moi ? Dit-elle finalement.
Alison leva un sourcil, surprise de son sang froid.
_Il faut que tu les héberges, répondit Marie, le temps de trouver un... abri.
_Ça ne prendra pas longtemps, l'appuya Mathias. C'est l'affaire d'un ou deux jours, le temps que reprenne contact avec ma famille, puis nous partirons.
Tu peux rêver pour que je te suive ! Pensa aussitôt Alison.
_D'accord, soupira Carol. Mais ça ne veut pas dire que je te crois, je te fais seulement confiance !
Marie poussa un cri de joie et se leva pour aller serrer son amie dans ses bras.
_C'est à ça que servent les amis ! Dit Carol.
Puis elle se tourna vers Alison et Mathias, toujours assis d'un bout à l'autre du canapé :
_Vous deux, vous êtes ici chez moi, alors vous allez devoir respecter certaines règles. Pour commencer, c'est chacun dans sa chambre.
Alison faillit déglutir en entendant cela, et Mathias esquissa un sourire énigmatique.
_Deuxièmement, c'est au lit à vingt-trois heures maximum.
Le sourire de Mathias disparut, et Alison pouffa.
_Troisièmement, interdiction de sortir de cet appartement.
Alison leva les yeux au ciel et Mathias passa une main dans ses cheveux.
_C'est tout ? Demanda-t-il.
_Je vais prendre le temps d'en trouver des nouvelles dans la soirée, répliqua Carol.
Marie jeta un coup d'œil à sa montre.
_Il se fait tard, dit-elle. Il faut que je rentre.
_Reste pour le dîner ! Proposa Carol.
Elle sourit.
_D'accord.
Alison poussa un soupir de soulagement à l'idée que Marie puisse rester encore un peu. Elle jeta un coup d'œil à Mathias, et elle se rendit compte qu'il la fixait. Il détourna rapidement les yeux quand elle croisa son regard.
Pendant ce temps, les deux femmes continuaient leur conversation.
_Pourquoi tu ne restes pas dormir ? Demanda Carol. Demain c'est samedi, tu pourrais passer le week-end ici pour surveiller tes gosses.
_Ce ne sont pas mes enfants, gloussa Marie, mais c'est une bonne idée. Je vais tout de suite passer chez moi pour prendre quelques affaires.
_Super !
_J'en ai pour vingt minutes, à plus tard !
Alison lui fit un signe de la main, tandis que Mathias et Carol acquiesçaient silencieusement.
_Je vais vous montrer vos chambres ! S'exclama Carol. Vous pourrez y installer vos... Où sont vos affaires ?
_On a pas vraiment eu le temps de les emporter, railla Mathias.
Alison faillit lui donner un coup de coude, mais se ravisa. Si elle lui portait trop d'attention, il pourrait s'imaginer des choses...
Elle repensa à sa valise et ses affaires qu'elle avait laissées là-bas. Elles n'allaient pas lui manquer, mais elle aurait tout de même aimé avoir quelques habits de rechange et sa trousse de toilette... Mais peu importe. Elle avait son collier et son téléphone, c'est tout ce qui comptait.
Instinctivement, elle porta la main à sa poitrine. Son collier y reposait toujours, et il ne s'était pas manifesté depuis un bout de temps. C'était peut-être mieux ainsi.
_Je devrais peut-être aller vous chercher quelques affaires... Marmonna Carol. Au moins des brosses à dents et des habits...
Elle se gratta la tête et soupira avant d'enfiler sa veste.
_Je vais vous acheter le nécessaire avant que tous les magasins ne soient fermés, dit-elle. Vos chambres sont au bout du couloir. Si mon appartement est saccagé à mon retour, je vous vire de chez moi.
Elle sortit et la porte claqua. Ni Alison et ni Mathias n'avaient pas pu placer un mot, et ils se retrouvaient maintenant seuls, tous les deux.
_Elle est charmante, commenta Mathias.
Il se tourna vers Alison, qui fixait le mur.
_Tu penses qu'on peut lui faire confiance ?
La jeune fille tourna la tête et maugréa :
_Je n'en sais rien ! Moi, je fais confiance à Marie.
_Peut-être que Carol est sortie pour passer un coup de fil à ce... Marshall ?
_Si c'est ça, je saccage son appartement.
Elle avait dit cela sans réfléchir, et Mathias explosa de rire. Malgré elle, Alison se retint et ne fit que sourire.
_Je suis d'accord ! Dit-il lorsqu'il fut calmé.
Ils se regardèrent un moment sans dire un mot de plus, puis Mathias se leva.
_On va voir nos chambres ? Proposa-t-il
Alison hocha la tête et le suivit sans répondre. Ils longèrent le couloir et firent face à une porte chacun.
Alison ouvrit la sienne sans plus attendre et sauta presque de joie en voyant un lit double. Elle s'assit et constata que la chambre était un peu plus spacieuse que celle de l'hôpital. Elle possédait deux tables de chevet, une petite armoire, un parquet grinçant ainsi qu'un papier peint fleuri. La petite chambre avait un côté rassurant et elle s'y trouvait bien.
Ses pensées furent interrompues par Mathias, qui venait d'entrer.
_Tu as de la chance, grimaça-t-il. J'ai un lit simple et ma chambre est plus petite.
_Il fallait mieux choisir, railla Alison.
Il s'avança et s'allongea sur son lit en croisant les mains derrière la tête.
_On échange ? Dit-il.
Alison le regarda avec fureur.
_Premièrement, je ne t'ai pas donné la permission de t'allonger sur mon lit. Deuxièmement, je n'ai pas envie de changer de chambre.
Mathias se redressa et se mit sur le ventre, maintenant sa tête sur ses coudes. Il esquissa un sourire et dit :
_Premièrement, ce n'est pas ton lit ni ta chambre. Deuxièmement, tu es mignonne quand tu t'énerves.
Il explosa de rire devant son air choqué. Comprenant qu'il s'était moqué d'elle, elle se jeta sur lui, mais il l'esquiva sans difficulté. Il roula jusqu'au bout du lit et se releva.
Serrant les poings de rage, Alison grimpa sur le lit et courut pour lui sauter dessus, mais encore une fois, il l'esquiva et sortit en rigolant. Ne voulant pas le laisser s'en tirer comme cela, elle se lança à sa suite.
_Je vais te cramer ! Vociféra-t-elle.
Elle déboucha dans le couloir et le vit, nonchalamment adossé contre le mur avec un sourire aux lèvres.
_Tu ne sais même pas comment faire, la nargua-t-il.
Elle courut vers lui, mais il s'enfuit en se moquant d'elle une nouvelle fois. Sa colère augmenta encore, et elle sentit son corps et son cœur s'embraser.
Sans s'en rendre compte, elle le rattrapa à une vitesse hallucinante et se jeta sur lui. Ils chutèrent et roulèrent jusqu'au salon, et Alison se releva et se positionna au-dessus de lui avant qu'il ne fasse le moindre geste. Elle serra les jambes et écrasa ses poignets au-dessus de sa tête pour l'empêcher de bouger.
La surprise se peint sur le visage de Mathias. Alison sourit en signe de victoire, mais il la fit basculer d'un mouvement de jambes. Sans qu'elle comprenne comment, ils avaient échangé leurs positions.
_Eh ! Cria-t-elle en se débattant.
_Tu progresse vite, mais il va falloir que tu améliores tes prises, se moqua Mathias en la tenant fermement.
_Lâche-moi !
Il fit ce qu'elle demandait, et elle n'eut pas le temps de se lever qu'il était déjà à l'autre bout de la pièce.
Mais comment fait-il ? Se demanda Alison en se relevant.
_Tu es plus lente qu'un enfant de quatre ans, railla à nouveau Mathias.
Il croisa les bras et attendit qu'elle réagisse. La jeune fille en avait assez, et elle se concentra pour faire apparaître un éclair.
Malheureusement, ses efforts furent vains et elle ne reçut que des moqueries de Mathias en récompense. Elle fulmina et se jeta encore sur lui, mais l'adrénaline qui l'avait envahit précédemment avait disparu et elle faillit se cogner contre le mur où il se tenait quelques secondes plus tôt.
Un rire résonna et la jeune fille se lança à ses trousses sans hésitation. Mathias fut pris au dépourvu et ouvrit la seule porte qu'il y avait derrière lui. Alison le suivit et elle claqua la porte de la salle de bain derrière elle.
Il ne peut plus s'échapper, se dit-elle fièrement avec un sourire aux lèvres.
Mathias releva un sourcil quand il comprit. Avec hargne, la jeune fille le plaqua contre le mur de la douche. Ses mains chauffèrent, son cœur cogna encore plus fort et un éclair fulgurant se serait échappé de ses mains si Mathias n'avait pas tendu le bras et activé l'eau.
Un jet glacé s'abattit sur eux, et Alison poussa un cri. Elle tenta de se reculer, mais elle glissa. Mathias l'attrapa par la taille et empêcha sa tête de cogner contre la vitre. Ils s'écrasèrent à nouveau sur le sol, tandis que l'eau glacée leur tombait dessus, mais Alison était à moitié protégée par le corps de Mathias qui la couvrait. Elle s'était instinctivement accrochée à son cou pour se retenir, et ses mains reposaient maintenant sur sa nuque.
_On dirait que les rôles de notre première rencontre ont été échangés, murmura-t-il.
Alison ne dit rien, le souffle coupé. Les yeux bleus du garçon envoûtaient la jeune fille et toute trace de colère s'était évaporée de son corps. Son cœur continuait de battre à tout rompre, mais pour une tout autre raison. Elle sentait la chaleur que dégageait le corps du jeune homme malgré l'eau froide qui ne cessait pas de couler, et elle ne put s'empêcher de rougir. Leurs jambes étaient enroulées à cause de leur chute et il avait toujours une main sur sa taille, tandis que l'autre reposait à côté de sa tête.
Ils restèrent dans cette position un moment, essoufflés et troublés par la tournure de la situation. Leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, et la jeune fille pouvait lire dans son regard de l'envie. Elle se mordit la lèvre inférieure pour ne pas succomber à son tour, mais la bouche du jeune homme se rapprochait dangereusement de la sienne.
Devait-elle le repousser ? Oui. Mais en avait-elle envie ? Non.
Leurs lèvres se frôlèrent, et Alison dû faire appel à toute sa volonté pour ne pas l'embrasser avec ardeur. Ses pupilles se dilatèrent et elle sentit la main de Mathias descendre lentement jusqu'à sa hanche qu'elle releva, et il se colla un peu plus à elle.
Alison sentait son torse se lever et s'abaisser contre sa poitrine. Son souffle chaud caressait son cou et elle aurait poussé un gémissement si elle ne s'était pas retenue de toutes ses forces. Le regard de Mathias était hypnotisant, et elle n'avait pas la force de le repousser, comme si elle avait perdu toute sa volonté.
Enfin, leurs lèvres se touchèrent. Alison resserra sa prise sur sa nuque et se redressa un peu pour intensifier leur baiser. Comme elle le pensait, ses lèvres étaient douces et chaudes.
Les muscles du garçon se contractèrent, et ses lèvres se décollèrent des siennes. Il regarda Alison avec regret, puis se releva et mit fin au jet glacé. La jeune fille se leva à son tour, consternée et rouge de honte.
Qu'est-ce qu'il m'a prit ? Pensa-t-elle. Il voulait me tester, et maintenant il doit me prendre pour une fille facile.
La colère reprit le dessus et elle serra les poings pour ne pas craquer. Ses larmes menaçaient de jaillir à tout moment, et Mathias choisit ce moment pour ouvrir la bouche :
_Marie et Carol vont bientôt rentrer, tu devrais faire sécher tes vêtements.
Puis il partit en claquant la porte.
Alors, c'était ça son premier baiser ? Avec un garçon qui s'était moqué d'elle et qui l'avait rejeté quelques secondes après ?
Elle se reprocha sa faiblesse et ne put retenir un sanglot. Il ne la respectait pas, et elle s'était faite avoir. Il avait utilisé un instant de faiblesse et leur proximité pour profiter d'elle. C'était inacceptable.
Elle avait envie de sortir en hurlant et le foudroyer de toutes ses forces, mais elle n'en avait pas l'énergie. Elle avait de la peine. Beaucoup de peine. Pourtant, il ne représentait rien pour elle, non ? Pourquoi son énième moquerie l'avait touché à ce point ?
Parce que c'est allé trop loin, se dit-elle. Il a dépassé les limites. Il n'aurait pas dû faire ça.
Elle pleura en se maudissant intérieurement. Comment avait-elle pu être stupide à ce point ? Elle ne lui avait tout simplement pas résisté, et lui il avait profité d'elle. Ce n'était pas comme ça qu'elle avait imaginé son premier baiser.
Alison releva la tête et se regarda dans le miroir. Ses yeux étaient bouffis et ses vêtements lui collaient à la peau.
Sa haine contre Mathias venait d'être multipliée par cent.

Five 💫Where stories live. Discover now