III

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Le Bip sonore de l'ascenseur retentit de nouveau. Pendant une seconde, Alison hésita. Elle pouvait remonter jusqu'à sa chambre, et se laisser mourir de faim sur son lit.
Reprenant ses esprits, elle guida ses pas hors de la boîte en métal. Aucune surprise ne se lut sur le visage de la jeune fille lorsqu'elle promena son regard sur ce nouvel espace. Le premier étage était aussi tout en blanc.
_La salle se situe au premier étage, première porte à gauche, avait dit Chantal.
Elle tourna la tête dans la direction indiquée, mais ne vit qu'une sortie de secours. Si cette harpie s'était payée de sa tête, elle allait le regretter !
Elle jeta un coup d'œil à son téléphone, puis le remit dans la poche de son jean. Il était dix-neuf heures vingt-huit, plus que deux minutes et Chantal s'apercevra de son absence.
Finalement, elle tourna les talons et prit le couloir de droite. Elle le longea et tourna à nouveau, sans voir une quelconque cantine dans les parages.
Voyant que c'était peine perdue, Alison fit demi-tour et regagna l'ascenseur. Ses yeux s'arrondirent quand, à la place de la sortie de secours, elle vit une double porte avec une baie vitrée de chaque côté. Elle pouvait apercevoir plusieurs adolescents, assis à des tables entrain de manger de l'autre côté.
Elle regarda à nouveau son téléphone : il était dix-neuf heures trente-six. Peut-être était-elle réellement devenue folle ? Et si sa place était vraiment dans cet hôpital ? Marshall avait donc raison ?
Non. C'était impossible, elle le savait. Quelque chose n'allait pas, mais ce n'était pas elle, elle en était certaine.
L'adolescente fit taire son angoisse et se dirigea vers la salle à manger. Elle s'aperçut avec horreur que Chantal était là, et qu'elle patrouillait entre les différentes tables.
Dès que son regard croisa le sien, Alison sentit sa poitrine chauffer. Elle chauffa de plus en plus, et elle comprit que ce n'était pas sa poitrine, mais son collier qui brûlait sa peau. Aussitôt qu'elle s'en rendit compte, il cessa de la brûler et redevint aussi froid que la glace.
J'hallucine, se dit la jeune fille, tout ceci n'est pas réel.
Elle ferma les yeux aussi fort qu'elle le put et les rouvrit quelques secondes plus tard. Chantal se tenait devant elle, les yeux et le front plissés.
Elle se retint de hurler, et son ventre se contracta. Elle ne l'avait pas entendu arriver, et elle avait dû fermer les yeux plus longtemps qu'elle ne l'avait cru.
_Vous êtes en retard de dix minutes, lui reprocha la mégère.
Son ton se voulait être supérieur, et son grand air lui donnait la nausée, alors Alison se contenta de répondre :
_J'ai eu du mal à trouver la salle à manger.
Elle la contourna aussi vite qu'elle le put et entra dans la salle en question d'un pas qu'elle voulait ferme et assuré. Tous les regards se tournèrent vers elle pendant quelques secondes, puis ils se rabaissèrent et les adolescents continuèrent d'avaler leur repas comme si elle n'avait jamais existé.
Stupéfaite, Alison ne remua pas un cil. Elle ne s'attendait pas à un accueil chaleureux, mais là, c'était carrément un froid polaire.
_Allez prendre un plateau et vous asseoir, siffla une voix derrière elle.
L'adolescente n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que c'était Chantal qui lui avait donné cet ordre. Au passage, elle sentit son pendentif chauffer à nouveau, mais ce fut tellement rapide qu'elle ne sut pas si elle l'avait imaginé.
Ne pouvant rien faire d'autre, elle fit ce qu'elle lui dit, et remarqua que les tables étaient grises. Sinon, tout était blanc, encore. Tout ce blanc l'aveuglait et lui donnait mal à la tête, mais elle finirait bien par s'habituer. Elle s'approcha d'une grande table au centre, où reposait un plateau de nourriture seul. Elle le prit et partit s'asseoir à une table au fond, isolée.
Chantal lui lança un regard indescriptible, puis continua sa ronde.
Alison jeta de rapides coups d'œil autour d'elle. Tous les autres mangeaient en silence, sans un mot, sans un regard, sans même un seul bruit de bouche. Tout cela était trop bizarre, étrange. L'ambiance était tendue, bien que calme, mais sans vie. Comme si tous les adolescents présents dans cette pièce étaient devenus des robots. Tous, sauf elle.
Sceptique, la jeune fille baissa la tête sur son assiette. Ce n'était qu'un peu de légumes, du fromage et un yaourt. Elle devrait avaler tout cela sans trop difficultés.
À la première bouchée, son collier se remit à chauffer. Elle plaqua sa main dessus, mais cela ne fit qu'empirer. Elle recracha alors sa bouchée, car la douleur lui était remontée à la gorge et était insoutenable.
Désemparée, elle se servit de l'eau et but avec avidité, espérant noyer le feu qui se répandait dans son corps. Celui-ci se calma peu à peu, laissant l'adolescente sous le choque. Elle regarda à nouveau son assiette. Rien qu'à voir ces légumes, la sensation de brûlure lui revenait en mémoire.
Elle jeta un coup d'œil à Chantal, qui la regardait d'un air suspicieux. Elle plissa les yeux, et Alison se dépêcha de remettre le nez dans son assiette. Faute de pouvoir manger ses légumes, elle dévora son fromage et son yaourt aux fruits. Heureusement, elle put les manger sans être brûlée.
Dès qu'elle eut fini, elle se leva pour aller remettre son plateau là où elle l'avait trouvé, mais Chantal fondit sur elle tel un rapace.
_Tu dois finir ton assiette.
Alison haussa un sourcil, indécise. Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire si elle ne terminait pas son assiette ?
Pour une fois, même si c'était un mensonge, la jeune fille prit le parti de lui répondre aussi sec qu'elle le pouvait :
_Je n'aime pas. Et je n'ai pas faim.
La vieille harpie plissa les yeux et se pinça les lèvres. Elle la regarda plus intensément.
_Finis ton assiette.
Aussitôt, son collier se remit à chauffer, mais cette fois, il ne la brûlait pas. C'était une douce chaleur, qui enveloppait sa poitrine et parcourait tout son corps, le réchauffant plus qu'il n'en avait besoin.
_Je. N'aime. Pas.
Elle avait appuyé sur chacun de ses mots, regardant son ennemie aussi intensément qu'elle le pouvait. Elle rajouta :
_Alors, je ne mangerais pas.
Sur ces dernières paroles, elle contourna Chantal, la laissant pantoise, les bras le long du corps et les yeux arrondis de surprise.
Jamais, de toutes ses années de service, une adolescente de quinze ans lui avait résisté. Jamais elle ne l'aurait imaginé, et pourtant c'était arrivé.

Five 💫Där berättelser lever. Upptäck nu