XII

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C’est impossible, se dit Alison.
Ces trois mots résonnaient dans sa tête depuis maintenant cinq minutes, alors que Mathias lui secouait l’épaule pour la faire revenir à elle.
C’est impossible.
Impossible.
Toute sa vie était basé sur un mensonge. Les changements d’écoles, les déménagements... La dernière pièce du puzzle s’imbriquait et tout lui paraissait maintenant clair.
_Alison ? Ça va ?
Ses oreilles étaient bouchées, les appels de Mathias n’étaient que des murmures, sa voix semblait lointaine, comme si elle était immergée sous l’eau et qu’il lui parlait de la surface.
Elle n’arrivait pas à y croire. Sa mère lui avait menti. Son père lui avait menti, même sur son lit de mort. Pourquoi lui avoir caché cela ? Pourquoi ne lui avaient-ils rien dit ? N’avaient-ils pas confiance ne leur fille ?
Mille questions se déversèrent dans sa tête sans qu’elle puisse les arrêter. Peut-être qu’il y avait quelque chose derrière tout ça. Peut-être qu’ils y étaient obligés. Et s’ils avaient fait ça pour son bien ? Et s’ils voulaient la protéger ?
Alison ne savait pas quoi penser. Sa tête et ses pensées partaient en vrille. Qu’est-ce qu’elle devait croire ? Elle n’avait aucun moyen de trouver des réponses à ses centaines de questions, à part descendre aux enfers et y chercher ses parents.
Son cœur battait à tout rompre, un sentiment bien plus puissant que la colère l’envahit. C’était la trahison. Elle se sentait trahi par ses propres parents, et ils n’étaient même plus là pour leur demander des explications. Tous ses souvenirs revenaient un à un, l’appel du médecin, sa mère en larmes devant la porte de la chambre d’hôpital, son suicide, son corps suspendu à une corde... Ensuite, la police, la famille d’accueil, les psychologues, sa tentative de suicide, le sang qui s’écoulait de ses poignets sans même se rendre compte de ce qu’elle faisait, les cris, l’ambulance, l’hôpital, sa chambre qui ressemblait à celle qu’occupait son père, ses cauchemars sans fin...  Pour finir il y avait eu les questions des médecins, leurs regards, le poids de sa vie à supporter, et puis l’annonce de son départ pour le C.A.T.P... Même tout ça, elle en était sûre, était basé sur le mensonge. C’était toute sa vie qui l’était.
Alison revoyait toutes ces images défiler sous ses paupières closent. Elle se prit la tête entre les mains et éclata en sanglots. Les larmes ruisselaient sur ses joues rouges et une boule s’était formée dans sa gorge. La tristesse l’envahit et elle commença à perdre le contrôle d’elle-même.
Mathias était désarmé devant cette scène. Il voyait la jeune fille pleurer toutes les larmes de son corps et il ne pouvait rien faire, même pas la prendre dans ses bras pour essayer de la réconforter. Elle le rejetterait immédiatement. Il était désemparé et n’osait pas bouger, même pour lui tendre le bras. Elle semblait tellement fragile, tellement désespérée que ça le touchait. Il avait subitement de la peine pour elle. Pourquoi était-elle dans cet état ? Cela ne pouvait pas qu’être la révélation de son appartenance à une famille Élémentaire... C’était bien plus. Il voyait bien que des tonnes de souvenirs refaisaient surface.
D’un coup, les pleurs d’Alison s’intensifièrent et elle marmonna en boucle :
_Non... Non...
C’était comme si quelque chose venait de se débloquer en elle. Toute sa tristesse, sa colère et son désespoir avait atteint le plus profond de son âme, et quelque chose qu’elle ne contrôlait pas se libéra.
Elle ne s’en rendit pas compte tout de suite, mais le lit commença à trembler. Ensuite, ce fut les murs, puis l’immeuble entier.
Mathias se mit à paniquer et lui attrapa les mains, la suppliant de se calmer.
_Alison ! Contrôle-toi ! Tout va bien ! Alison !
La table de chevet vola à travers la pièce et se fracassa contre le mur, brisant la petite lampe qu’il y avait dessus. Alison ne contrôlait plus rien, ses pensées n’étaient pas clair, elle voyait flou, et elle sentait à peine les mains de Mathias qui pressait les siennes. Ce qu’elle vivait était bien plus que la colère qui l’envahissait. Un pouvoir qui venait du plus profond de son être s’exprimait à travers elle et il faisait des ravages.
Marie entra en panique avec Carol à sa suite. Elles poussèrent des cris devant la scène. Mathias secouait maintenant Alison dans tous les sens en lui suppliant de se calmer. Ce spectacle était presque apocalyptique.
Toute la fondation tremblait, les vitres tintaient et menaçaient de se briser, l’armoire fut à son tour projetée à travers la pièce et Marie dut s’écarter pour ne pas qu’elle ne lui tombe dessus.
Carol était au bord de l’évanouissement, et elle dut s’appuyer contre le mur pour ne pas flancher. Elle avait du mal à tenir debout avec l’immeuble qui tremblait et ses jambes menaçaient de céder.
Marie prit son courage à deux mains et courut vers Alison en bousculant Mathias pour prendre sa place. La jeune fille releva la tête vers son amie et, à cours d’énergie, perdit connaissance. Ses yeux se révulsèrent et la dernière chose qu’elle vit était le visage de Mathias penché sur elle après avoir repoussé Marie. Enfin, ce fut le trou noir et tout se stoppa.

Five 💫Where stories live. Discover now