Chapitre 28

Depuis le début
                                    

— J'ai cru comprendre en t'écoutant parler avec ton père au petit-déjeuner que tu allais te rendre à Dublin début novembre ?

— On ne peut rien te cacher !

— Et donc ?

— Andrew m'a invitée à un gala organisé par son sponsor et j'ai accepté. Rien de plus.

— Ça commence à devenir du sérieux.

Je glousse, gênée.

— Ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué, dis-je en pivotant pour saisir grand-mère par les mains. Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Ni ou me mènerons tous ces moments partagés avec Andrew. Après tout, il n'est ici que pour sa convalescence. Il vit à Dublin. J'imagine qu'il y retournera définitivement quand il reprendra sa carrière.

— Rien ne l'empêchera de passer une partie de son temps à Cork.

Je hausse les épaules que ma grand-mère saisit tendrement en posant un regard délicat sur moi.

— Tu ne sais pas à quel point je suis fière de toi, Juliette. Tu es une jeune femme magnifique, intelligente, tellement humble et résiliente, confie-t-elle.

— J'ai de qui tenir, assuré-je avec émotion.

Elle dépose un baiser sur ma joue qu'elle caresse ensuite.

— Puis-je me permettre de te prodiguer un conseil, ma chérie ?

J'acquiesce. Ses conseils sont toujours les bienvenus.

— Invite Andrew à la maison. Il t'apprécie beaucoup et toi aussi tu l'apprécies. J'ai envie d'apprendre à connaître ce jeune homme, car je pressens qu'il va être important dans ta vie. Un jour, ton nom fuitera accolé au sien dans la presse et tu ne pourras rien y faire. Mais nous, ta famille, serons à tes côtés pour te protéger et te permettre de souffler. Pour pouvoir t'aider au mieux...

La malice éclot dans son regard.

— Je te vois venir, mamie ! badiné-je. Pas besoin de grand discours pour me convaincre. J'ai déjà proposé à Andrew de dîner à la maison samedi soir. Tu pourras lui préparer ton fabuleux gratin de légumes et le framboisier dont tu as le secret !

Elle ne cache pas sa joie.

— C'est parfait !

Notre moment de confidences est interrompu par l'arrivée tonitruante de mon père, les bras chargés de sacs de nourriture.

— Qui a faim ? J'ai ramené de quoi ravitailler tout un régiment ! annonce-t-il avec un enthousiasme contagieux, déposant son butin sur le comptoir de la boutique.

L'atmosphère est joyeuse. Colm et Abigail sont ravis de faire une pause.

Je ferme la boutique qui rouvrira à 13 h 15 et nous nous réunissons dans la salle de pause que nous avons aménagée avec du mobilier, de la vaisselle, un micro-ondes, un frigo et une bouilloire.

— Monsieur Campbell vous êtes le meilleur ! s'exclame une Abigail affamée.

Comme tout le monde, je profite du bonheur simple de ce repas avec mes proches quand j'entends la sonnerie de mon portable. Un numéro inconnu s'affiche sur l'écran.

— Excusez-moi. Je vais prendre cet appel, dis-je, m'éloignant avec précipitation pour répondre.

« — Juliette Campbell ?

— Oui, c'est bien moi.

— Inspectrice Evans. Je vous appelle depuis l'hôpital de Cork.

Sa voix à l'autre bout du fil est calme mais ferme.

— Esther Birningham est sortie du coma. Elle demande à vous voir.

Stupéfaite, je m'immobilise un instant.

— Vraiment ? Moi ?

— En effet. Pourriez-vous passer cet après-midi ? demande l'inspectrice.

— Je...

— Madame Birningham insiste pour vous voir, Juliette. »

Je promets de venir au plus vite avant de raccrocher à ce qui ressemblait plus à une injonction qu'à une demande.

Esther est enfin réveillée et veut me parler ! Pourquoi à moi en priorité ? Mon esprit est en ébullition. Je m'apprête à partager la nouvelle avec les autres quand quelqu'un frappe à la porte verrouillée de la boutique.

La surprise m'assaille lorsque je reconnais Scarlett dans un long manteau rouge. D'un signe de la main, je lui montre le panneau « fermé » sur la vitrine. Elle insiste et je finis par ouvrir bien que je sois gagnée par un mauvais pressentiment.

À son air fermé et contrarié, je comprends que cette visite n'a rien d'amicale.

— Bonjour Juliette, dit-elle sèchement en me foudroyant de son regard d'un bleu dur. J'ai appris que vous accompagneriez Andrew au gala de Dublin.

Elle balance sa longue chevelure blonde et brillante dans son dos en m'observant avec mépris.

— Bonjour Scarlett, je suis désolée. Ce n'est pas le bon moment pour...

En pinçant ses lèvres d'un rouge vif, elle pousse la porte m'obligeant à m'écarter de son chemin pour la laisser entrer. Je retiens mon agacement pour ne pas nourrir son ressentiment.

— Je n'irai pas par quatre chemins, Juliette. Alors, je vous préviens, dit-elle d'une voix menaçante qui ne m'impressionne pas. Restez loin d'Andrew. Sinon, ça sera la guerre entre nous.

Croisant les bras, je retiens un rire nerveux.

— Il me semble qu'Andrew est assez grand pour gérer ses fréquentations lui-même.

— Êtes-vous assez bête pour vouloir que je devienne votre ennemi ? m'assène-t-elle en s'approchant au plus près de moi à tel point que le parfum fruité dont elle s'est aspergée me donne le tournis.

Ses menaces reflètent les sentiments non partagés qu'elle nourrit pour Andrew.

Mon cœur se serre à l'idée du conflit, mais la priorité est ailleurs : Esther et son réveil.

J'ouvre la porte du magasin en grand.

— Bonne journée, Scarlett, lancé-je impassible bien que ce ne soit pas l'envie qui me manque de hausser le ton.

— Je...

Je me redresse l'air sévère.

— J'ai dit bonne journée.

Elle s'avance et s'arrête face à moi. Après quoi, elle me jauge de la tête aux pieds en affichant un sourire carnassier.

— Vous n'êtes rien ni personne. Votre petit manège de la jouvencelle en détresse ne prend pas. Je ferai de votre vie un enfer si vous ne prenez pas vos distances avec Andrew, m'assène-t-elle avant qu'une voix ne s'élève non loin de nous.

— Et moi, c'est de votre existence que je ferai un enfer, garantit Nine, deux sacs de courses à la main, qui a assisté à la scène depuis le trottoir.

Scarlett se décompose puis file sans attendre sous mon air stupéfait.

Nine me salue d'un signe de la tête et poursuit sa route comme si de rien n'était.


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