Chapitre 14

Depuis le début
                                    

— Ne vous inquiétez pas, ça ne sortira pas d'ici. La confidentialité de vos vies privées est au cœur de nos préoccupations.

J'acquiesce sans rien dire et l'assistant maladroit se rapproche de sa chef, la responsable artistique de la marque pour le Royaume-Uni. La situation est drôle bien qu'un peu malaisante. Je comprends mieux les regards appuyés des uns et des autres. Toutes leurs attentions, je les dois à leurs imaginations fertiles. Si l'assistant pense que je suis la petite amie d'Andrew alors, ça doit être le cas de chacune des personnes présentes. Mais ce n'est qu'un détail qui ne m'accapare pas l'esprit tant je suis subjuguée par la force des expressions et du charisme d'Andrew. C'est comme si le monde s'était figé pour lui permettre d'exprimer toute la splendeur de son être. Et moi, je suis là, spectatrice privilégiée d'un tableau qui me restera très longtemps en tête.

Le flash de l'appareil photo cesse de crépiter et voilà qu'on apporte au grand blond son pull, son écharpe et son manteau. Il se rhabille puis se frotte les mains en me rejoignant.

— Je vais attraper la mort ! s'exclame-t-il alors que je prends ses mains dans les miennes pour les réchauffer.

Andrew fait mine de se retourner.

— Heureusement que Nine n'est pas dans les parages, ricane-t-il.

— Pourquoi ?

— Elle déteste quand j'utilise ce type d'expression. Ça porte la poisse selon elle.

Nous sommes interrompus par des membres du staff de la marque de luxe. Ils félicitent chaleureusement leur égérie et le photographe pour le travail accompli. Les clichés défilent sur les écrans autour desquelles nous nous postons.

— Cette campagne va faire un tabac, entends-je.

— Andrew est à la fois mystérieux et séduisant. Il transcende la simple réalité pour devenir une œuvre d'art vivante, explique le photographe dans une grande envolée lyrique. Il fait corps avec la nature. Il incarne cette nature.

Le principal intéressé me lance un regard amusé.

— Quel travail incroyable, commente la responsable artistique, fière du résultat. Andrew, tu es magnifique sur chaque cliché. C'est un plaisir de travailler avec toi pour cette campagne. J'espère que notre collaboration qui ne fait que débuter se poursuivra longtemps.

Le sourire qu'Andrew lui sert en guise de réponse n'est pas seulement de la satisfaction professionnelle, il exprime aussi une humilité naturelle.

Nous célébrons la fin de la séance autour d'un café et du buffet froid dans lequel je n'ai cessé de piocher depuis midi. Andrew en profite pour remercier l'équipe, reconnaissant du talent dont elle a fait preuve. Puis nous filons.

Il est quinze heures quand Andrew et moi reprenons la route.

— Tu as passé un bon moment ? me demande-t-il.

— C'était génial de voir les coulisses d'un événement pareil. Une grande première.

— Tu n'as pas eu trop froid ?

— Tu réchauffais l'ambiance, le taquiné-je en allumant l'autoradio pour un peu de musique.

D'humeur joyeuse, je me dandine sur mon siège en chantonnant du Whitney Houston.

Andrew se met à son tour à pousser la chansonnette.

— Yeah, I wanna dance with somebody. With somebody who loves me!*

— Tu chantes aussi juste que moi. Je suis rassurée, fais-je remarquer alors que nous rions en chœur. Tu ne m'as pas dit où nous allons.

— Je nous ai concocté un programme aux petits oignons, affirme-t-il en envoyant un baiser dans le vide. Je t'emmène à Dingle. Petite ville du comté de Kerry où il fait bon vivre. Tu y croiseras des touristes, des pêcheurs et tu resteras sans voix devant des paysages à couper le souffle.

Savage loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant