La nuit, qui me paraissait tranquille, il y a quelques secondes, est maintenant enveloppée d'une tonalité menaçante. Chaque pas résonne avec un écho sinistre et chaque ombre cache des mystères insondables. La clé dans ma main se transforme en un talisman fragile contre la noirceur qui semble chercher à m'engloutir.

Je me hâte à travers les ruelles qui se vident. L'effroi s'accroche à moi comme une ombre insidieuse. En marchant, je me demande combien de personnes partagent ce même sentiment ce soir, à la suite de la lecture de cet article glaçant. Le comté de Cork devient-il un nouveau terrain de jeu pour les fous furieux ?

En approchant de ma voiture, j'accélère le pas jusqu'à trottiner en jetant quelques coups d'œil par-dessus mon épaule. Je claque la portière nerveusement et je me retrouve isolée, seule avec les fantômes qui prennent possession de mes pensées. Je m'enferme dans le véhicule et m'enfonce sur mon siège, fébrile. Les clés tremblotent entre mes doigts. Mes mains moites glissent sur le volant.

Les souvenirs sombres émergent de l'obscurité de ma mémoire. Ils surgissent comme des spectres maléfiques. Je me revois, frissonnante, sur un brancard, emmitouflée dans une couverture de survie qui ne parvient pas à chasser le froid qui s'insinue en moi. Les gyrophares des ambulances éclairent la rue quand les sirènes stridentes percent l'air nocturne, réveillant les voisins qui se plantent, inquiets, derrière leurs fenêtres.

La scène se déroule comme un cauchemar irréel : la rue est cernée par un contingent de policiers qui a investi les lieux. Les curieux sont rassemblés à une distance sécuritaire. L'image d'Anastasia, inerte sur le sol et en partie dévêtue, me hante. Son regard vide est figé dans l'éternité d'une tragédie. J'essaie de chasser ces images, de les repousser dans les recoins de ma mémoire. Mais elles refusent de me libérer de leur emprise morbide.

Je serre un peu plus fort le volant entre mes doigts.

Le visage cagoulé de Woody surgit dans mes pensées telle une ombre menaçante. Ses yeux, d'un bleu d'acier dur et froid, m'ont désarmée pendant l'attaque. Je ne pourrais jamais oublier son regard emplie de fureur et de folie. Celui qui m'a figée quelques secondes tant la haine qui en ressortait était immense. Il me suit comme un prédateur invisible.

— Woody, balbutié-je troublée. Je te hais.

Mon cœur s'emballe à la simple évocation de son nom. Woody. Il résonne comme un écho épouvantable dans le silence de ma voiture.

Je me sens piégée, écrasée par mes émotions.

Je tente de reprendre mon souffle, mais l'air semble se raréfier autour de moi. Les ténèbres de cette nuit funeste m'engloutissent à nouveau. Mes mains cramponnent le volant.

— Tu es en Irlande, Juliette. Pas au Canada, me répété-je. Il n'est pas là...

C'est alors qu'une lumière extérieure perce l'obscurité. Une voiture, dont je reconnais la plaque d'immatriculation, se gare sur le petit parking de la ville qui est quasi plein. Mon regard s'élève et croise celui du conducteur qui n'est autre qu'Andrew. Il est accompagné de trois amis. Ensemble, ils sortent du véhicule. Leurs silhouettes se dessinent dans la pénombre et des éclats de rire s'élèvent.

Immédiatement, je prends une grande inspiration et je tente de cacher le trouble qui m'anime.

Andrew s'approche lentement et je m'extirpe de la voiture parce que je sais qu'un peu d'air frais me fera du bien.

— Juliette, ça va ?

J'aimerais lui répondre mais ma gorge est nouée.

— Juliette ?

À cet instant, je comprends que mes yeux sont embués de larmes.

Andrew, soucieux, se tient devant moi. Il dit à ses amis de ne pas l'attendre, qu'il les rejoindra. Je me mords la lèvre inférieure, luttant pour contenir les émotions qui menacent de s'exprimer.

— Je vais bien, murmuré-je, d'une voix à peine audible.

— Ce n'est pas l'impression que vous donnez, dit-il en s'approchant un peu plus.

Doucement et avec bienveillance, il pose sa main sur mon épaule. Sans rien dire, j'ai suivi son geste du regard.

— Vous tremblez, observe-t-il en inspectant la voiture d'un rapide coup d'œil.

— La journée a été fatigante. C'est juste la pression qui...

Le grand blond hoche la tête, compréhensif, tandis que je fuis son regard sans parvenir à retenir mes larmes. Elles sont indomptables et glissent sur mon visage. Gênée de dévoiler mes faiblesses, j'essuie mes joues du bout de mes manches. Andrew, silencieux et réconfortant, me prend dans ses bras sans hésitation. La chaleur de son étreinte m'envahit. Submergée par l'émotion, je n'ai pas la force de le repousser. Durant ce moment de vulnérabilité, sa présence devient un rempart contre la tempête qui agite mon âme.

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