— Je le connais ce gars.
— Ce gars, comme tu dis, c'est Minho, sifflai-je, amère.
Je sentais son souffle discret sur ma nuque et dans mes cheveux. Plus grand que moi, il avait posé sa tête sur mon épaule droite. Soudain raidie, je me décalai d'un demi-pas, ce qui me valut un froncement de sourcils de la part de Caleb. Il n'avait manifestement pas relevé mon ton sec lorsque je lui avais répondu.
— Vous êtes proches tous les deux?
Je fermai les yeux quelques instants. Le brun ne connaissait bien sûr pas notre relation mais le simple fait qu'il pose la question me mit en rogne. Je revoyais notre histoire du début à la fin. Jusqu'à la toute fin.
— Tu devrais plutôt descendre et aller voir si les deux anges du conflit ne se sont pas trouvés des points communs. J'ai encore quelques trucs à faire ici.
Caleb ne bougea pas d'un cil et je dus le réprimander avec plus de sévérité afin qu'il cède et rejoigne Beth et Luke. À présent de nouveau seule dans la supposée chambre de Minho, je ressentais le désir d'emporter des affaires lui ayant appartenu. Je n'en avais aucune à part des fragments de souvenirs et des sourires effacés.
Je glissai la photo bien précieusement dans ma poche et pliai quelques dessins que je fourrai dans mon sac. Je pris dans mes mains des jouets en bois qu'il devait avoir tenus dans les siennes il y avait de cela une dizaine d'années. Des figurines de personnages fictifs ornaient son bureau. Des créatures mystiques. Des superhéros avec des super-pouvoirs. Mais Minho, lui, était un superhéros des temps modernes, sans qualité surhumaine, juste doté de sa volonté de bien faire, de son mental à toute épreuve et de son air malicieux.
Il ne sera au moins pas mort pour rien, mais pour sauver la vie de quelqu'un. Dans le cas contraire, cela aurait été insupportable pour lui comme pour moi.
Je baissai les yeux pour inspecter un peu mieux le bureau. J'en avais un à WICKED, sur lequel je faisais les quelques devoirs que l'on me donnait ou sur lequel je lisais des livres dérobés dans la bibliothèque. Je n'étais pas en droit d'emprunter des livres par moi-même, juste ceux que mon précepteur acceptait. Alors j'avais décidé d'enfreindre le règlement car je voulais lire des romans différents pour m'évader. C'était insoutenable de vivre entre quatre murs sans pouvoir respirer l'air pur du dehors ou courir dans l'herbe verte et humide dû à la rosée du matin.
Sous un tas de feuilles, je remarquai un objet noir étrange. En l'extirpant, je sus qu'il n'était pas à Minho. On n'aurait jamais offert à un enfant un appareil électronique et aussi complexe. Du moins, WICKED ne l'aurait jamais fait.
Je le pris dans mes mains et remarquai avec étonnement qu'il n'y avait pas même un grain de poussière qui le recouvrait, ce qui signifiait qu'il était là depuis peu. Dans quel but?
J'avais appris à décoder cette organisation et j'étais persuadée que cet objet n'était pas là par hasard. Je le tournai dans tous les sens pour trouver la moindre ouverture. Je ne savais pas ce que cette espèce de cube couleur d'ébène pouvait bien être. Je le tripotais de tout côté, espérant appuyer sur une touche cachée mais en vain. Énervée, je lançai lâchement le cube qui vint se cogner durement contre le mur puis me laissai glisser sur le sol, le long du bureau.
J'avais la dérangeante impression de faire du surplace, d'avancer sans but précis. Au bloc, j'en avais un: m'échapper, trouver la sortie du labyrinthe. Je savais quoi faire de mes journées alors qu'à présent, j'étais vidée de toute motivation, ayant perdu mes repères. J'étais en compagnie d'inconnus dont je ne savais si je pouvais vraiment faire confiance. Je ne savais pas où j'allais, étant donné que tout était désertique, détruit par les éruptions solaires ou chaotique dû au virus Braise.
J'aurai presque préféré ne pas être née, cela m'aurait évité bien des blessures qui ne se refermeront jamais. Mais j'étais vivante, ici et maintenant, et je n'avais pas le droit d'abandonner. Je devais continuer à me battre parce que c'était ainsi que se définissait la vie: une lutte continuelle afin d'être libre, de survivre.
Un tic-tac s'éleva soudain, brisant le cours de mes pensées. Il y avait encore une horloge qui fonctionnait après tant d'années? Cela n'avait pas de sens; j'aurais dû l'entendre bien avant. Je sautai sur mes pieds et fouillai la salle du regard pour en trouver l'origine. J'avais l'impression que le son venait de partout à la fois pour m'empoisonner l'esprit.
Mon regard se posa finalement sur le cube qui soulevait tant de questionnements. Des pixels bleus formaient des chiffres que j'associais bien vite à un décompte. La plupart du temps, un décompte était très mauvais signe car il cachait en réalité une bombe à retardement.
Je m'accroupis devant l'appareil infernal, le souffle incertain. Je repris le cube entre mes mains tremblantes et passai mes doigts fins sur le décompte. Les nombres disparurent pour laisser la place à une photo. Mes yeux s'arrondirent de stupéfaction.
C'était nous. Beth, Caleb, Luke et moi. La tête de Caleb était barrée d'une croix rouge, tout comme la mienne avec un point d'interrogation entre nos deux têtes. Une croix noire barrait Luke et aucune ne troublait Beth. Je ne pus m'empêcher de lui en vouloir de ne pas être la cible de WICKED.
J'appuyais sur la photo et elle disparut. J'entendis un bruit étrange et inconnu puis le cube se fendit d'une mince ouverture d'où sortit la photo. Je m'en saisis et la glissai dans ma poche. Je devais me concentrer sur le cube. Combien de temps il me restait déjà? Le décompte se réafficha et je manquai de m'étouffer.
30 secondes.
Je jetai le cube loin de moi et courus hors de la chambre avec un pincement au coeur à l'idée que la bombe allait faire exploser la maison de Minho. Des sueurs froides coulaient le long de mon dos. J'essayais de ne pas penser au fait que la maison risquait de partir en fumer avec moi à l'intérieur à tout moment mais c'était impossible.
Arrivée au rez-de-chaussée, je découvris avec soulagement que mes trois compagnons de route patientaient toujours au-dehors. Je sortis rapidement et tentai de les pousser loin de la maison sans même les informer de la situation.
— Tu nous fais quoi Emilie? s'écria Beth, les nerfs en vrac visiblement.
— J'essaie de vous sauver la vie.
Je ne savais pas combien de temps il nous restait mais je savais que nous devions nous éloigner le plus possible de la maison pour éviter d'être projetés par la violence de l'explosion ou de recevoir un débris en plein visage.
— Expliq-
— IL Y A UNE BOMBE QUI VA NOUS RÉDUIRE EN BOUILLIE SI ON SE BOUGE PAS!
J'avais presque hurlé ces mots — à moins que ça n'ait réellement été le cas — et, la gorge sèche et le sang me battant aux tempes, je n'avais pas envie de tergiverser outre mesure. Je pris mes jambes à mon cou sans les attendre, ce que je leur avais dit devrait leur suffire à s'enfuir le plus loin possible eux aussi.
Quelques secondes plus tard, mon corps entier décolla du sol et je roulai sur quelques mètres, la bouche pleine de sable. Je me relevai à quatre pattes pour recracher tous les grains que j'avais pu avaler. J'étais encore sous le choc de la force avec laquelle j'avais été projetée en avant. C'était comme si une main puissante et invisible m'avait poussée.
Je me souvins brusquement que les autres avaient dû plus souffrir de l'explosion sachant qu'ils n'avaient pu s'enfuir qu'après moi et qu'ils n'avaient, par conséquent, pas pu plus s'éloigner. Je pris conscience que j'étais terrifiée de me retrouver seule face aux dunes de sable infectées de fondus et que je ne pourrais survivre sans mes amis.
Je me relevai du mieux que je pus et découvris les dégâts qu'avaient provoqués la bombe. Des larmes coulèrent le long de mes joues en constatant que la maison avait été détruite à jamais. Toute l'enfance de Minho était réduite en cendres.
Je cherchai du regard Beth, Caleb ou Luke et mes yeux tombèrent sur Caleb, se relevant du mieux qu'il pouvait en toussant. J'accourus à son chevet et grimaçai en découvrant que des bouts de verre étaient plantés dans son dos.
— Reste dans cette position Caleb, te mets surtout pas sur le dos. Tu as des morceaux de verre qui se sont logés dans ton dos.
— Enlève-les, m'ordonna-t-il.
Je ne pus qu'obtempérer à sa demande. Je me saisis du premier fragment et lâchai un petit gémissement après m'être coupée le doigt. Je replaçai ma main autour du morceau, en ignorant le sang qui s'écoulait de ma blessure sans gravité.
Je le retirai d'un coup sec, ce qui arracha un cri rauque de la part du brun.
— Excuse-moi... bafouillai-je.
— Tu n'as pas le choix.
Je me mordis la lèvre inférieure, pris mon courage à deux mains et, quelques secondes plus tard, les deux autres fragments de verre se retrouvèrent dans la poussière.
Je soutins Caleb à l'aide de mes bras afin qu'il se remette debout. Il chancela quelques instants et retrouva finalement son équilibre.
— Beth! s'exclama-t-il sans prévenir.
Alarmée, je suivis son regard et mon coeur rata un battement lorsque je découvris le corps inanimé de la brune coincé sous un grand morceau de bois. Était-elle... morte?
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Merci d'avoir lu <3
— Bisou, mes griffeurs ♡