– Ça m'a tout l'air d'être un fondu.
– Comment tu pourrais en être aussi sûre? bougonnai-je à l'adresse de Beth.
Elle s'avança de quelques pas et me montra de ses mains la chose qui tentait violemment et sans discontinuer de passer entre les barreaux de la fenêtre.
– C'était une personne. Il a sa peau qui fond, il est complètement taré et inhumain. Il a l'air carrément contagieux. Ça te va?
– Peut-être bien.
Je dirigeai mon attention vers Harriet qui jetait de temps à autre des coups d'oeil soucieux vers le fondu.
– Tu penses qu'il va finir par réussir à entrer? s'inquiéta Sonya, à ses côtés.
– J'en doute, ça a l'air solide. Et puis, à quoi ça sert de nous donner une mission si c'est pour qu'on meurt toutes avant même de passer le transplat. Il a même dit lui-même que certaines survivront.
– C'est dingue toute cette histoire... murmura-t-elle, presque pour elle-même.
– Qu'est-ce qui l'est? m'enquis-je.
– Tout. Les phases, les fondus, l'apocalypse, les morts, WICKED... Je croyais qu' en sortant du labyrinthe on pourrait reprendre une vie à peu près normale, mais en réalité non. J'aimerai juste savoir quand tout ça sera fini et je veux le voir de mes propres yeux, pour les jobardes et jobards laissés derrière.
Harriet posa une main sur l'épaule de Sonya et celle-ci craqua. Des larmes perlèrent à ses yeux et commencèrent à ruisseler sur ses joues. Pour la consoler, son amie la prit dans ses bras.
Ça me rappelait Elsa. Où était-elle en ce moment? Était-elle seule? Perdue au milieu de nulle part? Je savais qu'on pouvait communiquer par la pensée mais, durant mes journées passées dans le noir à WICKED, j'avais tenté en vain d'entrer en connexion avec elle.
– Je sais pas vous mais moi je reste pas avec le fondu, il me donne envie de gerber.
Je n'en avais pas spécialement envie mais je suivis tout de même Beth hors de la chambre. Il fallait avouer que l'atmosphère était moins malsaine ici car elle n'était pas contaminée par le fondu. Je m'avançai vers les sacs; il n'en restait qu'un. Je le pris en espérant que les autres m'avaient laissé quelques vivres et son poids me certifia qu'il contenait des choses.
Je comptai aller m'asseoir contre un mur pour me reposer un peu lorsque je découvris Lizzy assise seule dans son coin. Je la rejoignis avec un petit pincement au coeur face à son attitude triste.
– Qu'est-ce que tu fais à l'écart des autres?
Elle haussa les épaules, indifférente.
– Tu ne dois pas avoir peur de leur parler, elles sont relativement gentilles. Surtout avec toi.
– C'est pas ça. Je sais qu'elles sont gentille. J'ai repensé à tout à l'heure. Tu m'avais questionnée sur mes souvenirs et comme tu avais l'air anxieuse, je me suis dit que je devais essayer de me souvenir, pour te rassurer.
– Et donc..? soufflai-je, esquissant un sourire triste.
– J'arrive pas...
Ses épaules se secouèrent doucement tandis qu'elle sanglotait, les bras entourant ses genoux.
– Je sais que j'ai oublié des choses mais c'est comme si ça avait disparu, comme si ça n'était pas arrivé.
– Pourtant c'est arrivé, rétorquai-je, plus sèchement que je ne l'aurai voulu.
Lizzy remarqua mon ton dur ce qui redoubla d'intensité ses larmes. Je la pris sans attendre dans mes bras, tentant du mieux que je pus de lui rendre le sourire.
– C'est pas grave Lizzy. Tu n'as pas besoin de savoir ça pour l'instant, ça vaut mieux pour toi. Et puis je suis là moi, non?
Je me séparai d'elle et elle hocha la tête, un demi-sourire éclairant son visage rougi.
– Allez viens, on va rejoindre les autres.
Je m'étais remise debout. D'une main, j'aidai ma soeur à se relever et on se mêla aux filles du bloc B.
*
Je reçus un coup douloureux dans mon dos; je gémis. J'avais connu meilleur réveil que celui-ci, et moins violent. J'ouvris les yeux, comme toutes les autres à part Beth qui était déjà réveillée depuis un bout de temps.
– Tu connais la politesse Beth? la provoquai-je, en me levant.
Elle se tourna vers moi, l'air innocente.
– Tu disais?
– Je disais: tu connais la poli- et puis va te faire voir, écoute.
Elle soupira bruyamment avant d'aller réveiller les autres filles. J'attrapai mon sac et l'enfilai sur mes épaules avant de retrouver Lizzy, dont le sac se trouvait être mal réglé pour elle.
– Attends, laisse-moi t'aider.
Elle me donna son sac et je m'affairai à régler les lanières en les positionnant au maximum. Je le lui rendis en le lui accrochant sur les épaules.
– Ça devrait aller mieux maintenant.
Elle acquiesça joyeusement. Elle semblait avoir oublié l'épisode d'hier, où elle avait complètement lâché prise et avait laissé couler des larmes. C'était une bonne chose. Je savais qu'elle avait le droit à la vérité mais le plus tard sera le mieux.
– Rassemblez-vous! cria Harriet, en frappant dans ses mains.
Je glissai ma main dans celle de Lizzy et on rejoignit les autres. Harriet s'était placée au milieu des autres. Ce ne fut qu'à cet instant que je remarquai à quel point elle semblait fatiguée; elle ne devait pas avoir beaucoup dormi ces dernières nuits.
– L'heure approche, le transplat ne va pas tarder à arriver maintenant. Je veux que vous restiez toutes calmes, pas de chahut ni de bousculade. Nous ne savons pas où il mène, c'est donc pour cette raison que j'irai la première puis Lizzy. Sonya et Beth fermeront la marche.
– Pourquoi je ne pourrais pas y aller avec ma soeur? la questionnai-je.
– Je serai de l'autre côté pour l'accueillir, je préfère qu'elle passe la seconde pour ne pas que nous la perdions dans la masse. Mais tu n'auras qu'à passer juste après elle.
Je hochai la tête. Je préférais rester le plus proche d'elle possible. Beth s'avança d'un pas, visiblement en colère:
– Pourquoi je dois fermer la marche? Sonya peut le faire toute seule, elle est assez grande.
– Ne discute pas avec mes ordres Beth, on en a déjà parlé. Tu l'es l'un de nos meilleurs éléments, donc tu entreras dans les dernières.
– Elles ont intérêt à pas traîner alors... grogna-t-elle.
La salle plongea brusquement dans le noir. Aucune ne cria; nous savions ce que cela signifiait. Lorsque les lumières s'allumèrent, le transplat était là. Harriet jeta un coup d'oeil à la montre à son poignet.
– Bien. Allons-y.
Nous la suivâmes alors qu'elle entama une marche vers le portail. Elle avait à peine avancé de quelques mètres qu'un bruit sinistre résonna dans l'une des chambres. La fameuse chambre.
– Attendez, vous croyez que...?
La blocarde fut coupée dans sa question car la porte de la petite pièce s'ouvrit doucement en grinçant. Sans prévenir, un flot de fondus débarqua en poussant des cris gutturaux. Un frisson de peur parcourut le groupe mais aucune ne réagit. Nos yeux restaient bloqués sur ces créatures mi-mortes mi-vivantes à glacer le sang. Il fallut que l'une d'elles attaqua une des filles du bloc B pour que l'on se réveilla de notre léthargie.
– Carole!
La pauvre fille n'avait pas eu le temps de l'esquiver et elle se trouvait à présent étalée de tout son long sur le sol froid, un fondu lui griffant et lui arrachant la peau. D'autres fondus arrivèrent bientôt et notre réaction fut immédiate. En un troupeau désordonné, on courut toutes vers le transplat. Harriet tenta tant bien que mal de ramener de l'ordre dans la troupe mais ce fut sans succès.
Elle pénétra la première dans le portail et je poussai Lizzy en avant pour qu'elle entre à sa suite. Les autres filles, comme de nouveau lucides, la laissèrent passer sans rechigner – comme si elles ressentaient toutes le besoin de la protéger.
Les fondus étaient sur nous et nous ne parvenions pas à retrouver notre calme. Toutes se poussaient et aucune ne parvenaient à entrer dans le transplat. Un fondu se jeta sur moi et je roulai sur le sol. Je crus ma dernière heure venue lorsque trois d'entre eux me sautèrent dessus mais une des blocardes me vint en aide et assomma deux d'entre eux, me permettant d'éliminer le dernier aisément. Mes yeux s'arrondirent d'étonnement lorsque je découvris Beth.
– Me remercie pas surtout, je fais ça par charité!
– Merci la furie.
Elle esquissa un sourire avant d'envoyer son pied dans un fondu qui lui fonçait droit dessus.
– Sonya, ça avance? s'égosilla la brune.
– On peut dire ça.
Je jetai un coup d'oeil derrière mon épaule. Sonya s'occupait de faire passer les filles une par une avec quelques secondes d'écart entre chacune pour ne pas qu'elles ne se retombent dessus à l'arrivée. Pendant ce temps-là, Beth et moi nous occupions de nous débarrasser des fondus qui arrivaient en masse, comme s'ils s'étaient tous donnés le mot ce matin.
– À vous les filles! Dépêchez-vous!
Je fis volte-face juste à temps pour voir Sonya entrer dans le transplat.
– Emilie, vas-y la première, je te couvre.
– T'es sûre?
– Grouille idiote!
Je m'élançai sans une contestation de plus vers le portail quand j'entendis un cri de douleur dans mon dos. Je me tournai: Beth se tenait le poignet gauche d'où s'écoulait du sang. Je la rejoignis.
– Je m'occupe des derniers fondus, vas avec les autres.
Elle ne rétorqua pas la moindre remarque bien que j'étais sûre qu'elle le voulait au fond d'elle, mais sa blessure l'en empêchait.
Je marchai à reculons tout en assénant des coups aux créatures qui tentaient de me mordre. Je regardais l'heure sur la montre à mon poignée – je l'avais trouvée dans mon sac. Il me restait une quinzaine de secondes si je ne me trompais pas. Je devais être sûre qu'aucun des fondus ne me suivrait dans le transplat.
Je fis le décompte dans ma tête.
12, 11, 10...
J'envoyai mon poing dans la mâchoire d'un des fondus qui s'écroula piteusement sur le sol.
7, 6, 5...
Encore deux autres fondus à terre.
3, 2, 1...
Je me laissai tomber en arrière, absorbée par le transplat tandis que le noir se faisait dans la salle.
J'atterris lourdement sur la pierre. Il faisait sombre. Je levai les yeux vers le transplat et constatai qu'il avait disparu, tout comme les fondus. Et les filles aussi.
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Merci d'avoir lu <3
– Bisou mes griffeurs ♡