Mon cerveau bouillonnait
Mon examen de fin d'année commence lundi, après-demain.
Je suis en même temps stressée, excitée et un peu anxieuse.
- T'as compris cette phrase ?, questionna Driss.
J'étais en train de faire une dernière journée de révision avec lui. Demain, j'ai juste prévu de méditer et de me relaxer. Je ne compte pas ouvrir de cahiers.
- Oui, attends. Je t'explique ! Selon Karl Jaspers, au sein de la communauté philosophique, ils n'étaient ni d'accord sur la définition de la philosophie, ni sur son objet. Ce qui signifie que la philosophie n'a pas de définition unique, chacun avec sa manière de l'aborder. Compris ?
Il me regarde en clignant des yeux, un air perdu collé à son visage.
Je rigole et reprends du début plus lentement. On avait décidé de revoir nos préceptes philosophiques. Malgré le fait que ça soit une licence de droit, la philosophie est obligatoire.
18h06
Nous avons enfin terminé. J'étais plutôt fière de nous parceque nous avons tenu toute la journée sans forcément avoir eu recours à certaines distractions.
- C'était une journée difficile, dit Driss en s'étirant. Je n'ai jamais autant travaillé de toute ma vie !
- J'avoue que c'était un peu hard.
- Tu rentres ?
- Bah oui ! Où tu veux que j'aille ?
- On va manger ? Je t'invite.
- Tu me raccompagnes chez moi après ?
- Oui, tu pensais que j'allais te laisser prendre le bus ?
Nous sommes partis manger à un fast-food non loin de l'école et ensuite il m'a ramené à la maison. J'ai juste pris une douche et fait ma dernière prière de la journée avant de plonger dans mon lit. La fatigue m'avait emporté.
***
Je me suis réveillée plutôt aujourd'hui. Je m'étais préparée et j'avais prié deux rakaats en plus de celles du Fajr, une habitude que j'ai prise avant chaque examen.
- Mange quelque chose avant de partir, recommenda ma mère.
- J'ai pas trop faim mama, je mangerai plus tard.
- Non non ! Bois au moins une boisson chaude, ça ouvre l'esprit.
Les mères ont (presque) toujours raison donc j'ai abdiqué.
Je me suis faite une tasse de thé. Vers 6h, j'ai pris mon sac pour partir.
- J'ai confiance en toi, me dit ma mère en me regardant en face.
C'était un coup de pression en plus sauf que mine de rien, ces mots m'avaient rechargé en force et en confiance.
Devant ma salle de classe, j'ai signé la fiche de présence et ai respiré un bon coup. Mon avenir se jouait dès maintenant.
La journée avait commencé à huit heures et s'était terminée à dix-sept heures. C'était la même chose pour tous les jours. Globalement, c'était assez compliqué, faisable mais compliqué tout de même. Je ne sais pas si je suis confiante ou pas. Je ne suis jamais totalement confiante pendant un examen. J'ai confiance en Allah, Il sait ce qu'Il fait.
***
Les résultats sortaient aujourd'hui. Un nœud s'était formé au creu de mon ventre depuis hier. Je n'ai rien pu avaler ce matin. Je suis anxieuse, stressée, un peu paniquée. Il me faut une moyenne minimum de dix-sept sur vingt pour obtenir une bourse complète. J'ai peur.
- Sumaya ?, cria ma mère depuis le salon.
- Na'am ? (Oui, en arabe)
- Idriss est là ! Dépêche-toi !
J'enfile mes converses rapidement et prends mon téléphone.
Driss était venu me chercher pour qu'on aille récupérer nos résultats. Il était debout près de la porte, toujours avec son air décontracté.
- Stressée ?, interrogea-t-il.
- Plus que jamais !
- Tout ira bien inshaAllah, déclara ma mère, vous avez travaillé dur. Allah ne vous laissera pas.
J'esquisse un mince sourire et nous sortons de la maison. Le début du trajet s'était fait dans un grand silence, trop occupés à penser.
- Ils t'ont contacté ?
- Qui ça ?
- Bah l'université de Nottingham !
- J'ai reçu un email de leur part hier. Le dernier délai pour la demande de bourse est dans deux jours.
- Tu vas y arriver, t'inquiète pas. Ils ne pourront jamais refuser une élève aussi brillante que toi.
- J'espère du fond du cœur ! Les choses deviendront tellement plus faciles si je réussissais à m'installer au Royaume-Uni.
- Est-ce que ton père est au courant que tu envisages d'aller étudier là-bas ?
- Non et je n'ai pas l'intention de lui dire. Il s'est débarrassé de toutes les responsabilités qu'il avait à notre égard, je ne veux franchement pas lui parler.
- J'ai peur qu'il essaie de t'en empêcher.
- Mais pourquoi ? Il n'a aucun intérêt à ce que je parte ou pas.
- Justement !
La discussion prit fin, nous étions arrivés à l'école. Il y'avait déjà du monde à l'extérieur, c'étaient ceux qui avaient déjà récupéré leur bulletin. Certains visages étaient radieux, d'autres étaient moroses.
Devant la salle principale, on attendait notre tour. Cinq minutes, dix minutes, le directeur nous fait signe de la main. Je me dirige vers lui, le pas lent. Une pile de documents étaient soigneusement rangée sur une table en face de lui. Il les feuilletta un par un et en sortit un, sûrement le mien.
- Alors, Sumaya S***...
Il fixa la feuille pendant plusieurs secondes. Mon coeur battait à une allure folle, j'allais faire une crise.
- Je me suis toujours demandé comment est-ce que tu faisais pour avoir des résultats aussi excellents. Sumaya, c'est très bien.
J'ai pris le papier qu'il me tendait, les mains tremblantes.
Moyenne générale : 19,01
Licence de Droit Fondamental obtenu avec une mention Très Bien.
Mes larmes ont coulé. Je souriais et pleurais en même temps. C'était n'importe quoi néanmoins j'étais tellement heureuse. Je l'ai fait pour moi, pour maman, pour Amina et pour faire payer mon père. Je veux qu'il regrette la manière infâme qu'il nous a traiter juste à cause d'une femme, une femme !
Je me suis sentie partir en l'air. Driss me faisait tournoyer au milieu du couloir. Je riais à gorge déployée, j'ai rarement été tant heureuse ces derniers mois.
Driss avec obtenu une moyenne de 15,89. J'étais très fière de lui, il avait vraiment travaillé cet année. Peut-être bien que j'ai eu une bonne influence sur lui, tout compte fait.
Il m'avait emmené manger une glace pour célébrer la bonne nouvelle et j'étais rentrée pour l'annoncer à ma mère. Elle avait fondu en larmes. Amina avait sauté de joie.
Plus de temps à perdre ! J'ai rassemblé tous les documents qu'il fallait, les ai scanné et les ai envoyé à l'université pour la demande de bourse. Je saurai si je suis acceptée ou pas dans trois ou quatre jours. En attendant, il est tant de profiter de mes vacances.
○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○
*Driss en média