La timidité des cimes

Da EponymeAnonyme

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Il pouvait décider de devenir la personne dont lui-même aurait eu besoin étant petit. Merle/OC, hurt/confort... Altro

Avant de commencer
1. Comment est-ce que tu t'es fourrée là ?
2. Ça vaut quoi la promesse d'un type en qui t'as pas confiance ?
3. Tu n'apprendras donc jamais.
4. Je voudrais que vous creviez tous !
5. Tu peux arrêter de me dévisager ?
6. Tu vas voir, le Gouverneur, c'est une vraie crème comparé à moi.
7. Qu'est-ce que vous allez faire de moi ?
8. Tout le monde déteste les hôpitaux.
9. J'ai une tête à porter des trucs délicats ?
10. Ça te va si je t'appelle escargot ?
11. Quand on ne peut pas se défendre, il faut au moins pouvoir se sauver.
12. Une grande prison, c'est toujours une prison.
13 . Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu restes toute la nuit ?
14. Ça me ressemble bien de mourir un samedi.
15. C'est pas toi qui vas m'apprendre à coller une pelle dans une tronche !
16. J'ai jamais été aussi contente de te voir.
17. T'aurais quand même pu dire mon nom, juste une fois.
18. Rien était normal aujourd'hui. Pour personne.
19. C'est quand l'bateau coule que les rats quittent le navire, non ?
20. Tu es une grande fille maintenant.
21. Piquer le gibier des autres, moi j'appelle pas ça chasser.
22. Je pleure pas, c'est la pluie.
23. Elle me déteste. Elle déteste tout ce qui a une bite.
24. Bien sûr qu'on fait tous semblant d'être normal.
25. C'est pas comme si c'était important.
26. Les gens qui veulent mourir, ils ne disent pas à demain, non ?
27. Y a pas de doute qu'il y a pas un gramme de méchanceté dans tout ton corps.
28. Quand elle sera prête.
29. J'ai tout raté.
30. Juste ça ?
31. Ne me refais jamais ça.
32. La mélancolie, c'est pas ce que tu crois.
33. Il t'en reste une à tuer pour que le compte soit bon.
34. Les gens comme il faut, ils ne m'ont jamais passionné.
35. Tu perds peut-être des batailles, mais tu gagneras la guerre.
36. J'ai toujours eu envie de t'aider, c'est juste que j'ai jamais su comment.
37. N'importe quoi. Tout sauf le silence.
38. Je pense pas qu'un jour j'vais pouvoir arrêter de m'inquiéter pour toi.
39. Je suis contente d'être aveugle pour pas voir ça.
Note : vacances et bonus
40. Si ça se trouve, les cheveux d'albinos, ça porte bonheur.
41. Merci pour la cigarette.
42. A nous trois, on va peut-être réussir à faire un bon médecin.
43.Est-ce que je suis en train de disparaitre ?
44. Je crois bien que j'ai passé toute ma vie en colère.
45. Salut, les oiseaux ont bouffé ma main.
46. Aujourd'hui, je le tue.
47. Tu es toujours angoissée, pas vrai ?
48. Ça s'appelle la timidité des cimes.
49. Est-ce que quelqu'un était là, pour toi ?
50. C'est parce que j'ai pas un assez grand cœur, c'est pour ça.
51. Super, Kevin, ma journée est juste de plus en plus formidable.
52. Autiste, c'est pas une insulte.
53. J'ai pas fait exprès.
54. Elle est pas fragile. Les fragiles, c'est ceux qui sont morts.
55. C'est à moi.
56. Y a des jours, j'te jure, j'ai l'impression d'être ton Titanic.
57.C'est pas du sexe, ça a jamais été du sexe.
58. Pauvre abruti, si tu voyais ta tête.
59. Tout ce que je fais, je l'fais pour nous deux.
60. On dirait que c'est pas la fin du monde.
61. Les aveugles, ça court pas.
62. Ce qui se passe dehors, reste dehors.
63. Et ouais, c'est à ça que je ressemble.
64. T'es sûre que c'est ta chambre ?
Ceci n'est pas un chapitre
65. Les monstres, c'est pour les enfants.
66. Si y avait un meilleur endroit qu'ici, on y serait déjà.
67. La prochaine personne qu'il va me demander de faire disparaitre, c'est toi.
68. Elle n'a absolument pas confiance en cet endroit.
69. Moi je viens de dehors.
70. Blake brûlera tout si ça peut lui permettre d'être le roi du tas de cendres.
71. Tu n'écoutes jamais ce que je te dis !
72. Depuis quand tu m'appelles Rosie ?
74. J'ai déjà dit au revoir à ma maison.
75. Un endroit où il ne faut pas aller.
76. Combien de fois va falloir que je te tue ?
77. Dans cette ville, je suis le seul capable de garder un secret.
78. Quand on est médecin, il faut apprendre à perdre.
79. Vous n'avez pas la moindre idée d'où on vient.
80. Je vous vois parfaitement.
81. Les sentiments, ça s'diagnostique pas.
82. La seule chose que je veux, c'est éviter une guerre.
83. Je peux pas arrêter d'être ton frère.

73. C'est vrai ce qu'on dit : les médecins font les pires patients.

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Da EponymeAnonyme


Rose ne savait pas trop si elle était en train de s'endormir ou de se réveiller, ce qui était sûr c'était qu'elle avait mal, et qu'elle se sentait lourde, pas seulement physiquement, mais aussi moralement. Engluée, prisonnière d'un mal être indescriptible. Si elle avait pu faire de la projection astrale, là, tout de suite, elle serait volontiers sortie de son propre corps, tant il lui semblait être devenu inhospitalier.

Oh oui, se disait-elle, s'expulser sous forme d'âme dématérialisée, et se voir elle-même depuis le plafond d'un coin de la pièce, c'était ce que racontaient les patients qui avaient vécu des expériences de mort imminente, tous les hôpitaux avaient au moins une histoire bizarre et spectaculaire là-dessus à raconter aux nouveaux internes pour les impressionner.

Reprends-toi, imbécile, la sermonna sa voix intérieure (celle qu'elle surnommait la Rose Désagréable), t'es pas en train de mourir, et t'es pas à l'hôpital.
Ah oui,
rétorqua la Rose Ordinaire, si je suis pas à l'hosto, alors pourquoi j'ai une perf ?

La prise de conscience soudaine la fit grimper plusieurs échelons sur l'échelle du réveil. Ok, maintenant, elle les entendait, les bruits d'autres gens autour d'elle. Plusieurs autres. Son cerveau n'était pas apte à analyser ça, mais son instinct le fit à sa place, obéissant à des réflexes enracinés en elle depuis des décennies. L'odeur était celle du désinfectant, et aussi, subtile mais reconnaissable, de ces bandes stériles qu'on déballait de leurs emballages plastifiés. Ce qu'elle sentait tirer dans son bras, c'était définitivement une perfusion. Ok, se dit-elle en pilote automatique : hôpital.
Alors elle régurgita exactement son pedigree de patiente, doublé du mode d'emploi à suivre pour les soignants qui allaient être sur le cas.

« Patiente soixante ans, pas d'antécédents, groupe sanguin AB+, plaie pénétrante par balle, fracture comminutive genou, possible choc hypovolémique. Nfs, iono, bioch, gaz du sang, une perf de remplissage », marmonna-t-elle.

« Quoi ?
- Qu'est-ce qu'elle dit ?
- C'est des trucs que les médecins disent aux urgences, ça.
- Elle est en train de nous donner des instructions ?
- Madame, tout va bien. Madame ? »

Elle essaya de se concentrer sur la voix qui disait que ça allait bien. Un menteur de toute évidence. Ça n'allait pas bien, elle n'avait plus de genou, juste un énorme trou à la place plein d'éclats d'os et de plombs de chasse, bourré de la pire douleur qu'elle avait jamais ressentie de toute sa vie. Quoique... maintenant qu'elle y pensait, ça faisait un peu moins mal que dans la forêt.
Dans la forêt...
Nom de Dieu, intervint la partie intelligente de son cerveau, où était-elle ?

Ses yeux acceptèrent d'obéir à la commande d'ouverture des paupières. Elle vit en face d'elle, une fois que l'éblouissement diminua, un type. Blanc, vieux, barbu.
Très en retard si c'était le Père Noël, et beaucoup trop tôt à son goût si c'était Dieu, mais de toutes façons elle ne croyait ni à l'un ni à l'autre.

« Madame, vous m'entendez ? Vous avez été gravement blessée, mais ça va aller. Vous êtes en sécurité maintenant. »

Elle identifia soudain un bruit qu'elle reconnut entre tous, en fond sonore. C'était un bébé, et il hurlait. Il avait ce cri qu'ont les vraiment très petits bébés, cette stridulation aiguë, secouée, à peine humaine, qui ressemblait à un espèce de grelot fou.

« Je suis médecin, prononça-t-elle en espérant que ce qui sorte de sa bouche soit distinct. Urgentiste, traumatologie, quarante ans de carrière. Vous avez un nouveau-né ici, j'ai une spécialité en pédiatrie. Empêchez-moi de crever, et je vous le rendrai au centuple. »

En face d'elle, il y avait toujours le Santa Claus de contrebande, avec sa mine paisiblement fatiguée, et aussi deux femmes, une brune grave et une très jeune blonde qui ouvrait de grands yeux interloqués.
Elle vit ses interlocuteurs perplexes. Presque amusés, crut-elle percevoir.

« Et aussi, je fais un excellent café ? » ajouta-t-elle.

Le vieil homme barbu sourit. Un sourire gentil.

« C'est déjà fait.
- Quoi, qu'est-ce qui est déjà fait ?
- Je vous ai déjà soignée. Vous êtes tirée d'affaire. »

Ça n'était pas possible, se dit-elle. Une personne tirée d'affaire ne pouvait pas se sentir aussi misérable. Elle était forcément encore en train de crever. Elle porta sa main à sa gorge pour sentir son pouls carotidien.

« Votre rythme cardiaque est stable, dit le vieux.
- Si ça vous dérange pas, je préfère qu'un médecin me le dise, autrement dit, moi. »

Elle se concentra sur les pulsations fortes et régulières de son artère quelques satisfaisantes secondes.

« Votre tension était à 11/8 la dernière fois que j'ai vérifié, informa le barbu.
- Quand ça ?
- Il y a moins d'une heure. Au passage, merci pour le superbe tensiomètre qui était dans votre sac, il est bien meilleur que le mien.
- Où est Merle ? » se souvint-elle soudain.

La Rose Désagréable eut dans sa tête un rire très mauvais.
C'est seulement maintenant que tu te rappelles de lui ? Quelle amie abominable tu es ! railla-t-elle. Pas étonnant que tu le rendes si malheureux.

« Vous le verrez plus tard. C'est lui qui a fait en sorte que vous arriviez ici, ne vous inquiétez pas. Je m'appelle Hershel Greene.
- Vous êtes qui ?
- C'est un peu compliqué et je dois avouer que moi-même je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, mais, au minimum, vous pouvez me considérer comme un ami d'ami, j'imagine. Nous sommes le groupe du frère de Merle.
- Son... frère ? répéta-t-elle, sonnée.
- Oui, c'est une longue histoire, on dirait. Mais pour l'instant, retenez juste que vous êtes en sécurité. »

Tout ça était beaucoup trop soudain et confus, elle décida de se concentrer uniquement sur l'unique chose qu'elle maitrisait : l'aspect médical. Elle considéra avec suspicion la perfusion reliée à son bras. A première vue, elle semblait correctement posée.

« Qu'est-ce que vous m'avez injecté ?
- Antibiotiques à large spectre.
- Pas de transfusion ? Remplissage vasculaire ?
- Vous n'étiez pas en choc hypovolémique à votre arrivée, fit-il remarquer tranquillement.
- Les antidouleurs, c'est quoi ?
- Morphine.
- Et pourquoi pas de l'héro tant qu'on y est ? Vous connaissez les effets secondaires de cette saloperie ?
- C'est tout ce que j'avais. Vous auriez préféré souffrir ?
- Je suis en train de souffrir, Santa ! Faut m'en refoutre une dose tout de suite, sinon je vais jamais être capable de me remettre le genou en ordre.
- Je me suis déjà occupé de votre genou. »

Rose le dévisagea avec un regard stupéfait.

« Vous avez quoi ? couina-t-elle.
- Je vous ai opérée. Comme je pouvais.
- L'articulation est comment ?
- Je vous l'ai dit, j'ai fait de mon mieux. C'était du très gros calibre, du plomb de chasse apparemment. Il est possible... » il choisit visiblement ses mots avec prudence. « ... que vous boitiez un peu. »

Elle explosa dans un cocktail fulgurant de terreur et d'outrage.

« Vous allez me chercher immédiatement un miroir, des gants chirurgicaux, du désinfectant et des outils ! »

Hershel était impressionné. Elle avait l'accent autoritaire de quelqu'un qui n'envisageait même pas qu'on puisse ne pas lui obéir. Pas de doute, se dit-il, elle était bien médecin. Et visiblement, une médecin si sûre d'elle qu'elle envisageait de s'opérer elle-même une fracture ouverte sans anesthésie locale.

« C'est impossible, je vous ai déjà mis des broches, et tout est suturé. Ne bougez pas, c'est fragile.
- On rouvre et on recommence ! ordonna-t-elle.
- Il n'en est pas question.
- Dites donc, c'est pas votre genou, c'est pas à vous de décider !
- C'est pas mon genou, mais vous êtes ma patiente. »

Et à propos de patience, Hershel était sur le point de perdre la sienne.
Rose, elle, le toisa avec un mépris souverain. Les médecins, c'était comme les flics en civil et les Jéhovah, quand on était du métier, on les repérait à la première seconde. Ce type n'était pas médecin.

« Si vous avez un doctorat en médecine, alors moi je suis danseuse étoile !
- J'en ai un. En médecine vétérinaire. »

Rose émit un son qui s'avéra être une imitation parfaite de bouilloire en train de siffler.

« Et tous les mammifères ont les mêmes articulations ! asséna le vieil homme avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit. Arrêtez de vous énerver comme ça, vous allez faire sauter vos points !
- Laissez-moi, espèce de boucher ! Allez me chercher un miroir immédiatement !
- Vous êtes trop fatiguée pour ça, vous allez perdre connaissance !
- J'ai des droits ! s'époumona-t-elle. M'imposer des actes médicaux sans consentement est une violation de l'éthique ! C'est illégal, je vais vous coller un procès ! J'ai le droit de... »

Soudain vidée de toute son énergie, Rose décrut en virulence, pareille à un ballon qui se dégonfle. Elle tenta de dire autre chose, mais retomba sur l'oreiller, immédiatement endormie, tout à fait exténuée.

Hershel se retourna. Dans le coin opposée de la pièce, Beth et Maggie le fixaient avec la même expression stupéfaite. Il offrit à ses filles un sourire embarrassé, mais un peu malicieux malgré tout.

« C'est vrai ce qu'on dit : les médecins font les pires patients. »

.

.

A son réveil, suivant, Rose mit moins de temps à revenir à la surface, et avait définitivement l'esprit plus clair.

Elle se trouvait seule, dans une pièce, sur un lit, mais cet endroit n'était pas un bâtiment médical, plutôt un bureau. Le lit, lui, par contre, était un lit d'hôpital, dont l'extrémité avait été relevée, de toute évidence pour soulager sa jambe.

Elle ne la sentait plus, se rendit-elle compte avec effroi. Enfin, plus exactement, elle sentait une douleur brûlante dans son genou, qui lui remontait jusqu'à l'aine. Mais en dessous de l'articulation, rien. Elle tenta de bouger les orteils et ne les sentit pas, tout ce qu'elle perçut, ce fut un élancement douloureux qui fusait dans sa jambe. Dans une bouffée de panique, elle s'imagina qu'on l'avait peut-être amputée. Mais juste après, elle constata, en scrutant le fond de son lit, qu'il y avait bien deux pieds qui faisaient chapiteau sous le drap.

Bon, se raisonna-t-elle, elle avait encore ses deux jambes. C'était possible, lorsqu'une plaie était tuméfiée et douloureuse, qu'elle occulte d'autres sensation corporelles. Et puis, les antidouleurs, elle le sentait, la rendait encore confuse.
Elle fit alors ce qu'elle-même aurait rigoureusement défendu à l'un de ses propres patients de faire : elle essaya de plier son genou. Et eut seulement extraordinairement mal pour tout résultat. Alors que les larmes de douleur lui montaient aux yeux, elle s'imaginait déjà ne plus jamais pouvoir bouger la jambe, et passer le restant de sa vie avec une patte raide.

Et alors ? C'est pas comme si tu faisais souvent du cross-fit, grosse vache ! lui lança une mauvaise petite voix dans sa tête, corrosive comme de l'acide de batterie. La Rose Désagréable était de retour.

Mais c'était vrai, après tout. Elle avait survécu au Gouverneur, et mesurait seulement maintenant ce que ça signifiait. Tout le monde n'avait pas eu autant de chance. Meagan ne l'avait pas eue, se souvint-elle amèrement. Ni le lieutenant Welles. Et pas non plus aucun des pauvres bougres dont elle n'avait jamais rien su, ignorante qu'elle était de ce que Blake ordonnait à ses hommes de faire lorsqu'ils étaient dehors. Ignorante... ou complaisante ?

A nouveau, elle s'inquiéta de savoir où avait bien pu passer Merle. Ça l'aurait rassurée qu'il soit là avec elle et qu'il puisse lui raconter ce qu'elle avait manqué en étant inconsciente. Rose détestait ne pas être aux commandes de son existence, savoir qu'elle avait perdu connaissance aussi longtemps était une idée angoissante. Et ce qui était plus anxiogène encore, c'était de se dire qu'elle était désormais gravement blessée alors qu'on la pourchassait pour la tuer, et surtout, qu'elle ignorait où se trouvait son unique ami et allié, le seul en qui elle avait confiance désormais.

Ses pensées furent alors interrompues par l'arrivée dans la pièce de cet homme qui l'avait soignée, le barbu patient. Voyant qu'elle était réveillée, il lui adressa un salut courtois.

« Bonjour. Comment vous vous sentez ?
- Mieux. »

Elle se rendit compte alors de quelque chose qui lui avait totalement échappé la première fois. L'homme se déplaçait sur une paire de béquilles, avec peine. Il marcha jusqu'à une chaise près de lui, sur laquelle il s'assit. Il lui manquait une jambe, absente à partir du genou.

C'était pratique d'être noire, se dit Rose, quand la honte vous faisait affluer tout le sang dans les joues, personne ne pouvait le voir.

Elle avait tapé un scandale à l'idée de garder un genou boiteux, en le reprochant à un homme qui avait une jambe en moins. Le vieux véto avait suivi son regard, évidemment. Mais, loin de s'offusquer, il lui adressa un sourire affable.

« Vous voyez, je vous comprends, moi aussi je sais ce que ça fait.
- Non. Ne dites pas ça. C'est moi qui n'ai aucune idée de ce que ça fait.
- Je suis désolé, pour votre genou, j'ai vraiment fait tout mon...
- Stop. Je suis vivante, le reste ça a pas d'importance.
- Niveau douleur, vous êtes comment ? Je vous ai remis un peu de morphine.
- Vous n'étiez pas obligé de le faire. J'ai été odieuse avec vous.
- Il n'y a pas que les médecins qui ont un sens de l'éthique, vous savez. Les vétérinaires non plus, n'aiment pas voir souffrir leurs patients.
- Même leurs patients détestables ?
- Oh, je ne vous qualifierais pas de patiente détestable, Docteure. Jusqu'à présent, vous ne m'avez ni mordu, ni griffé, ni tenté de me mettre un coup de corne ou de sabot. Comparé à mes clients habituels, vous êtes plutôt gérable.
- Je vous présente mes excuses.
- Vous n'avez pas à le faire. »

Elle eut un léger sourire.

« Vous n'acceptez pas les excuses, mais les remerciements ?
- Ça, oui, bien volontiers », répliqua-t-il en lui rendant son sourire.

Il tendit la main, qu'elle accepta et serra.

« Hershel Greene, se présenta-t-il à nouveau.
- Rose McGowan. Merci pour tout.
- C'est surtout Michonne qu'il faut remercier, sans elle, je n'aurais eu ni les médicaments, ni de quoi vous perfuser. C'est elle qui est allé à la pharmacie de la prison.
- Prison ? On est dans une prison ?
- Ce sont les locaux administratifs, expliqua Hershel. Nous sommes effectivement à l'intérieur d'une prison. Notre groupe l'a trouvée la semaine dernière, nous avons réussi à en investir certaines parties, mais pas encore toutes, beaucoup d'endroits sont toujours remplis de morts ambulants. L'infirmerie était dans une zone à laquelle nous n'avions pas encore pu accéder, mais Michonne s'en est chargé. Elle a achevé à elle seule plus d'une dizaine de morts. C'est une combattante redoutable, votre amie. »

Rose réalisa seulement. La guerrière au sabre avait pris un tel risque... pour elle ? Pour quelle raison ?
Il y avait trop de questions qui se bousculaient dans sa tête, elle ne savait même pas par quoi commencer. Elle décida de reprendre à partir de son dernier souvenir. Elle était dans la forêt, avec Merle, il essayait de la rassurer et il s'y prenait comme un pied, il l'appelait Rosie et lui répétait que tout irait bien, alors que, très clairement, tout n'allait pas bien du tout, elle pouvait sentir la putain d'articulation de son putain de genou frotter hors de son axe en plusieurs morceaux ! La douleur, le souvenir de la douleur, et de cette sensation atroce, était quasiment tout ce qui lui restait de ce moment... et puis plus rien ensuite.
Ah si, il lui avait dit en dernier qu'il allait s'occuper d'elle. Ce qui, étrangement, l'avait rassurée, alors que de toute évidence, ce type ne savait même pas prendre une tension.

Visiblement, pour Merle, s'occuper d'elle signifiait en réalité trouver rapidement quelqu'un de plus compétent que lui pour le faire, et elle devait admettre qu'il avait excellé dans sa mission.
Comment avait-il pu se garder un aussi énorme as dans sa manche en fer, cet incroyable garçon ? Depuis combien de temps est-ce qu'il savait où était son frère ? Son frère et tout un groupe ? Dans la région de Woodbury ?

« Comment je me suis retrouvée ici ?
- Maggie et Glenn vous ont ramenée.
- Qui ?
- Ok, désolé, je brûle les étapes, on va reprendre tout du début, annonça Hershel. Ma fille ainée Maggie et son fiancé Glenn. Ils étaient de sortie, ils sont tombés nez à nez avec vos deux amis. Michonne les a suivi, mais le frère de Daryl, il leur a fait promettre de s'occuper de vous, et il est reparti de son côté.
- L'imbécile, il y est retourné. »

Rose leva son bras pour le replier contre son visage.
Elle avait soudain envie de pleurer. Quel idiot... pourquoi fallait-il qu'il soit aussi obstiné et loyal ?

« Il a dit à ma fille qu'il vous rejoindrait ici plus tard. Il sait où c'est, visiblement. Essayez de vous reposer en attendant, d'accord ? Vous avez besoin de dormir, et c'est tout ce que vous pouvez faire de toute façon. »

Bien sûr, c'était vrai. Logique. Raisonnable. Dormir pendant que son plus grand ami était probablement en train de mourir pour lui avoir sauvée la vie. Quoi de plus normal ? C'est exactement ce qu'elle aurait dit elle-même à l'une de ses patientes.
Connards de médecins, à avoir sans arrêt raison.

« Il y a un mot pour parler du chagrin de perdre soudain quelque chose qu'on ne savait pas qu'on avait tout ce temps ? »

Hershel demeura pensif.

« Je ne sais pas. Je ne crois pas. »

Cette fois, les larmes coulaient, silencieusement.

« Si Merle meurt, c'est ce que je vais ressentir. »

.

.

A son réveil suivant, après un somme qui avait dû être plus bref que le précédent, Rose trouva Michonne à côté d'elle.
Se tenir silencieuse au chevet de convalescentes semblait être sa spécialité.

« Salut », fit Rose d'une voix rauque.

La guerrière se tourna vers elle, alors que la blessée se raclait la gorge, et lui tendit spontanément un verre d'eau sans qu'elle ait à le demander.

« Vous vous sentez mieux ? questionna-t-elle sans sourire.
- Un peu, oui, dit Rose après avoir bu. Et Hershel m'a dit que c'était grâce à vous, pour les médicaments et le reste. Vous n'étiez pas obligée de faire ça pour moi.
- Vous avez soignée Andrea, rappela-t-elle.
- Je suis médecin. Si on m'amenait Hitler sur un brancard, je le soignerais. Vous n'êtes pas médecin, vous, c'est quoi votre raison ?
- Une société qui cesse progressivement de prendre soin de ses membres les plus vulnérables est sur le déclin. C'est vous-même qui l'avez dit. »

Elle eut un sourire désabusé.

« Je dis des trucs sacrément pompeux, quand même, des fois. »

Rose parvint à se redresser dans son lit sans trop grimacer.

« S'il vous plait, racontez-moi tout ce que j'ai manqué. »

Michonne s'exécuta, lui expliquant ce qui s'était passé après sa perte de conscience, comment Merle l'avait transportée à travers la forêt, comment ils avaient rencontrés Glenn et Maggie, comment elles s'étaient ensuite retrouvées à la prison. Comme Rose l'avait pressenti, Hershel Greene était un homme d'un bienveillance peu commune, il avait commencé à s'occuper d'elle avant-même de connaitre son nom, et ses filles n'avaient pas été en reste, entre Maggie qui avait insisté pour lui porter secours et Beth qui avait secondé son père durant toute l'opération médicale.

« Je regrette pour votre genou, déclara Michonne gravement. Si j'avais été un peu plus rapide que ça, ce type n'aurait pas eu le temps de tirer. Je me suis débarrassée des deux gars qui étaient à ma poursuite, puis je me suis dépêchée d'aller au lieu du rendez-vous, j'avais un mauvais pressentiment, en voyant que Merle n'était pas avec eux j'ai compris que c'était après vous qu'il était. Et puis j'ai vu le latino, il était seul, il me précédait dans la bonne direction.
- Caesar », murmura-t-elle en se souvenant.

Elle n'en revenait toujours pas. C'était le dernier homme à Woodbury dont elle pensait avoir quelque chose à craindre.
Elle avait pleuré dans les bras de ce type. Dormi à côté de lui. Elle avait rigolé avec, mangé en sa compagnie presque chaque jour de la semaine, ils s'étaient échangé des cadeaux de Noël et d'anniversaire, elle l'avait réconforté. C'était son meilleur ami.
Il avait exulté de plaisir en la voyant se tordre de douleur en pissant le sang. Tellement satisfait du fait qu'elle allait souffrir avant de mourir. Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'était passé ? Elle n'avait rien vu venir.
Blake était donc devenu capable de retourner à ce point le cerveau des gens ? C'était encore pire que ce qu'elle imaginait.

« Mon meilleur ami a voulu me tuer. » Rose ravala péniblement la boule dans sa gorge. « Et celui que je croyais être devenu mon ennemi m'a sauvée. Je n'ai fait que des mauvais jugements.
- A mon avis, à Woodbury, vous êtes très loin d'être celle qui a fait les pires jugements... et encore moins les pires choix. En ce qui me concerne, vous êtes une des seules personnes sensées que j'ai croisé là-bas.
- Ça me rend folle de penser que Merle y est retourné, admit-elle. Il joue sa vie sur un coup comme ça, le Gouverneur lui pardonnera pas d'avoir échoué. Il le savait, il l'a su à la seconde où il a claqué la porte derrière moi. Il était tellement furieux que je décide de partir, que je refuse de revenir sur ma décision. J'ai absolument pas compris ce qu'il essayait de me dire. Quelle conne, putain...
- Il vous a portée sur plusieurs kilomètres, et il a accepté de renoncer à sa vengeance en échange de secours pour vous. Et j'ai entendu comment il vous parlait. Je ne m'attendais pas à ça de sa part. Ce n'est pas comme ça qu'Andrea me l'avait décrit.
- Ce n'est pas comme ça que je vous l'aurais décrit non plus. Les gens... j'ai un don pour deviner de quoi ils souffrent. Mais quand il s'agit de comprendre ce qu'ils ressentent... je suis la personne la plus incompétente du monde.
- Si ça peut vous consoler, moi non plus je suis pas la reine des rapports humains. »

Rose comprit alors que Michonne se trouvait ici à peine plus à l'aise que lors de son arrivée à Woodbury. Méfiante, taiseuse, sur ses gardes, elle leur en avait dit le moins possible.

« Je ne leur fais pas confiance, avoua-t-elle.
- Hershel est un type bien, estima Rose, ses filles semblent l'être aussi, et ce Glenn.
- Un médecin bienveillant, ça ne suffit pas à faire un groupe sûr. »

Rose devait admettre le bien fondé de cette remarque.

« Le chef de ces gens, il ne m'inspire pas, reprit Michonne. C'est un ancien flic, il m'a posé des tas de questions.
- C'est bien l'ancien groupe d'Andrea, alors ?
- Oui, elle m'avait parlé d'eux. Mais ils ont eu des morts, quand ils sont arrivé à la prison. La mère du bébé, elle est morte en accouchant, il y a à peine quelques jours.
- Mince, il est si petit que ça ?
- Oui, et c'est l'enfant de ce Rick Grimes, le chef. Il a la tête de quelqu'un qui a pas dormi depuis des jours. Tout le monde est sur les nerfs ici, et leur situation est très précaire, ils viennent d'arriver, ils n'ont pas eu le temps de se construire une position solide. Ils ont un nouveau-né sur les bras, une prison infestée de morts à nettoyer, et Hershel qui vient de perdre sa jambe...
- Ça aussi, c'est récent ?
- C'est arrivé le jour où ils ont trouvé la prison. Autant dire que notre arrivée à toutes les deux, Grimes, ça ne le ravit pas. C'est des problèmes supplémentaires. Et l'idée d'un possible retour de Merle Dixon, ça le fait pas bondir de joie.
- Il faut que je parle à ce Grimes.
- T'inquiète pas, il va pas tarder à débouler, à toi aussi, il a envie de poser des questions. C'est pour ça que je voulais te voir avant. »

Rose, surprise de voir Michonne passer au tutoiement, se rendit compte aussi d'un certain changement d'attitude chez elle. De toute évidence, elle la considérait désormais comme une alliée.

« S'ils ont un problème de rôdeurs et un problème de bébé, on a une énorme carte à jouer pour pouvoir rester ici, déclara Rose. Tu es une super guerrière, et moi une super pédiatre.
- Ça c'est seulement si on décide de rester ici, objecta Michonne.
- C'est pas comme si j'avais le luxe de pouvoir choisir de me lever et me barrer.
- Ça va te prendre combien de temps, pour remarcher ?
- Je sais même pas dans quelle mesure je vais pouvoir remarcher, pour commencer, avoua Rose. L'articulation de mon genou est en plusieurs morceaux, je suis au lit au moins jusqu'à la semaine prochaine. »

Michonne fronça les sourcils. Cette perspective ne l'enchantait pas du tout.

« Mais au moins, ta vie n'est plus en danger ?
- Non, ça ça devrait être bon, estima Rose. Hershel a dit qu'il avait réussi à retirer tout les morceaux de plomb et les éclats d'os. Ça a dû lui prendre des heures. La plaie est saine, j'ai eu des antibiotiques, il devrait pas y avoir de complications, si je me tiens tranquille. »

Michonne haussa un sourcil circonspect.

« Comment ça, si ? »

Son expression était un peu amusée.

« J'ai horreur d'être du mauvais côté de la médecine », avoua Rose.

Michonne passa de l'amusement à une vraie hilarité. C'était la première fois qu'elle la voyait sourire, réalisa-t-elle. Elle était en fait très belle. Elle rayonnait.

Mais, aussi vite que les nuages s'étaient écartés pour laisser passer un bref rayon de soleil, le ciel s'assombrit à nouveau. Michonne perdit son sourire, retrouvant son expression tendue et méfiante. Rose mit une seconde supplémentaire à comprendre pourquoi. Michonne avait l'ouïe plus fine qu'elle de toute évidence, et entendu les bruits de pas la première.

Un homme entra dans la pièce sans s'être donné la peine de s'annoncer. Immédiatement, il braqua son regard sur Rose.

« C'est vrai ce que les autres disent, vous connaissez Merle ? »

Elle devina immédiatement, rien qu'au ton avec lequel il avait posé la question, qu'il s'agissait de Daryl.

Elle étudia le nouveau venu attentivement. C'était lui aussi un beau spécimen de redneck, avec ses cheveux gras trop longs, sa chemise à carreaux crasseuse aux manches déchirées, son veston en cuir, et son couteau de chasse à la ceinture. Il ne ressemblait pas beaucoup à Merle, à première vue, mais Rose avait trop l'habitude de regarder les gens pour s'y tromper. Ce Daryl-là avait exactement le même air buté qu'elle avait pu trouver tant de fois en face d'elle à Woodbury, et surtout, la même expression fermée que son frère lorsqu'il craignait de trahir son émotion.

« Oui, répondit-elle. Plutôt bien, même.
- Vous êtes qui ?
- Sa médecin, déjà, et aussi son amie, mais l'ordre des casquettes change régulièrement, surtout ces derniers temps.
- Où est-ce qu'il est ?
- Dans les emmerdes jusqu'au cou, ça c'est certain. »

Michonne lança à sa nouvelle amie un regard entendu, et quitta la pièce sans un mot. Les affaires des frères Dixon, ça ne l'intéressait pas.

« Pourquoi il y est retourné ? questionna l'autre abruptement. Il a dit à Maggie et Glenn qu'il m'avait cherché, qu'il voulait me retrouver. Pourquoi il est pas revenu avec eux ?
- Parce qu'à Woodbury, il a fait l'erreur de laisser une personne à laquelle il tient terriblement. »

Elle lut en lui l'incompréhension, une forme de blessure, aussi.
Merle, il n'avait presque jamais parlé de son frère, même pas à elle, alors qu'il lui avait pourtant confié ses plus intimes secrets d'enfance. Mais Merle n'y avait jamais mêlé Daryl, se bornant à balayer la question d'une affirmation certaine : il ne savait rien. Rien du tout. Ça ne concernait pas Daryl, point.
Au début, Rose avait naïvement cru que la raison pour laquelle Merle excluait si profondément son petit frère de son récit était parce qu'il ne le considérait que comme un figurant de sa vie, un personnage étranger, extérieur à lui. Après tout, ce n'était que son demi-frère, et il y avait un écart d'âge de dix ans entre eux. Mais très vite, elle avait deviné que la relation entre les deux frères était beaucoup, beaucoup plus complexe que ça. Si Merle parlait peu de Daryl, en réalité, c'était parce qu'il tenait profondément à lui, trop profondément pour parler de lui, ancré qu'il était dans son mécanisme tordu de protection qui consistait à préserver ses émotions en ne les révélant surtout pas.

Elle ne pouvait pas savoir si Daryl avait pour son frère ainé une affection aussi forte en retour, mais ce que Rose vit clairement, sur le visage de l'homme, c'était qu'il était profondément troublé et même meurtri d'être forcé d'envisager la possibilité que Merle puisse avoir à Woodbury une personne à laquelle il tenait. Une autre personne.

« C'est une gonzesse ? » cracha-t-il avec un mépris outragé.

La simple acidité avec laquelle il avait prononcé le mot gonzesse suffisait à elle seule à laisser pressentir le lourd passé dramatico-sentimental de Merle Dixon, et Rose faillit avoir un rire nerveux.

« Oh non, c'est pas ça du tout, répondit-elle.
- C'est qui alors ? Merle, il a qu'moi ! »

Elle était sur le point de lui rétorquer que son frère était capable de considérer comme sa famille plus d'une personne à la fois, mais elle se retint, parce que la vérité, c'était qu'elle n'en était pas si certaine que ça.

« Il te l'expliquera lui-même.
- Il a dit qu'il viendrait, mais le soir va tomber. C'est où, ce putain d'Woodbury ? »

Daryl avait l'expression grave et menaçante d'un type qui n'aimait ni attendre, ni avoir à poser les questions deux fois. Il suintait de lui la même agressivité, la même intranquillité latente que de son frère.
Rose était sur le point de lui répondre, lorsqu'une nouvelle voix inconnue attira son attention.

« Elle est réveillée ? Pourquoi tu me l'as pas dit ? »

La médecin écarquilla les yeux de surprise en voyant apparaitre sur le pas de la porte un type qu'elle n'eut aucune peine à identifier, accompagné d'Hershel. Michonne lui avait dit que Rick Grimes était un ex flic, mais elle avait oublié de l'informer que l'homme se promenait intégralement accoutré en shérif. La vision était si absurde et décalée que c'en devenait presque comique. Rose les dévisagea, lui et Daryl avec sa dégaine de biker version cas social, et faillit leur demander si le reste des Village People de la fin du monde comptait se ramener aussi.
Mais l'expression de Grimes lui fit d'office passer l'envie de rigoler.

D'un côté, un gouverneur, se dit-elle, de l'autre un shérif.
C'était peut-être la fin de la société telle qu'on la connaissait, mais le patriarcat avait encore de beaux jours devant lui.

« Un type blanc, autoritaire, armé, commenta-t-elle. Quelle immense surprise. »

L'homme la toisa de la tête aux pieds.
Elle se sentit seule, soudain. Blake, Grimes, Martinez, les Dixon... Seule, perdue au milieu d'histoires de mecs plus ou moins violents, plus ou moins dominateurs. Elle regretta alors que Michonne soit partie. Et, encore plus amèrement, que la petite Hazel se retrouve mêlée à tout ça.

« Je m'appelle Rick Grimes, je suis...
- Je sais qui vous êtes. »

Étonné, il fronça les sourcils.

« Il y a presque un an, vous avez menotté la main d'un type à un tuyau, dit-elle posément, un acte qui a eu par la suite des répercussions que vous ne pouvez pas imaginer, sur plusieurs personnes, y compris moi-même.
- Et est-ce que votre grand copain Merle vous a raconté aussi la partie où il venait de provoquer un membre de son propre groupe en le traitant de nègre, avant de le frapper sauvagement et de lui cracher dessus, puis de menacer tout le monde d'une arme ? rétorqua Rick.
- Oh, ça oui, il m'a même raconté qu'il était farci de cocaïne durant votre élégante première rencontre, officier Grimes. Mais si ça peut vous consoler, il est clean depuis neuf mois, je suis bien placée pour le savoir, c'est moi qui l'ai aidé à se sevrer. Il est moins raciste aussi, comme vous pouvez vous en douter à ses fréquentations.
- C'est vrai ? intervint son frère. Il est clean ?
- Il fume même plus.
- Clean ou pas, Merle Dixon n'est pas quelqu'un en qui j'ai confiance », déclara le shérif abruptement.

Rose vit l'expression de Daryl s'assombrir un peu.

« C'est mon frère, quand même, plaida-t-il.
- Et un type instable, imprévisible et violent », rétorqua Rick.

Le Petit Dixon se retourna vers elle.

« Vous avez dit qu'il est dans les emmerdes, qu'est-ce que ça veut dire ?
- Il est retourné à Woodbury, et ça, c'était la pire chose à faire. »

Rose ne pouvait pourtant pas lui en tenir rigueur. Elle savait pourquoi, pour qui Merle y était retourné. Cette fois-ci, il n'avait vraiment pas eu le choix. Ou plutôt, il devait en faire enfin un bon pour tenter de rattraper tous les mauvais.

« Michonne m'a parlé de ce Woodbury, reprit Rick. Elle dit qu'elle est une amie d'Andrea, cette femme faisait partie de notre groupe avant.
- Je sais, j'ai assisté à ses retrouvailles avec Merle, répliqua la médecin. Mouvementées, mais réconciliatrices.
- C'est vrai ? » questionna Daryl.

Les deux hommes semblaient pareillement incrédules. Seigneur, se dit Rose, à quel point Merle avait-il dû être un odieux connard pour avoir laissé un souvenir pareil. Même son propre frère ne paraissait pas vouloir lui accorder une miette de bénéfice du doute. Elle était visiblement la seule alliée de Merle dans ce nouveau groupe, ça ne partait pas hyper bien, entre ceux qui étaient arrivés plus tard comme Hershel et qui ne le connaissaient pas du tout, et les rares survivants d'Atlanta à qui il avait laissé un souvenir atroce, elle n'était pas gâtée.

« Peu importe ce qui s'est passé à Atlanta, c'est terminé pour lui, déclara-t-elle avec fermeté. Il ne cherche pas la vengeance, il a vraiment d'autres chats à fouetter, en ce moment. Croyez-moi, il est largement passé à autre chose. Tout ce qu'il veut, maintenant, c'est retrouver sa famille, et laisser Woodbury derrière lui.
- C'est aussi c'qu'il a dit à Glenn, rappela Daryl à son chef.
- Alors s'il compte vraiment rejoindre notre groupe, je veux bien en discuter avec lui quand il sera là, dit Rick.
- J'vais pas attendre qu'il vienne, objecta son frère. Je vais aller l'chercher moi-même. »

Rose put à peine déguiser son soulagement. Secrètement, c'était ce qu'elle espérait. Tout ce qu'elle voulait, c'était que Merle, et surtout, Hazel, se retrouvent le plus vite possible en sécurité, ici ou ailleurs. Finalement, malgré la froideur de façade de Daryl, son frère pouvait bel et bien compter sur sa loyauté.

« Pas question, asséna alors Rick.
- Mais elle vient d'dire qu'il avait des ennuis, protesta Daryl. Et Michonne, elle a parlé d'ce mec, là, le Gouverneur. Ses hommes de main sont déjà passé à un cheveu d'les buter tous les trois !
- Michonne a dit aussi que Merle était le bras droit de ce Gouverneur, rappela Rick.
- Blake lui faisait confiance pour me tuer, et Michonne avec, et il a désobéi, intervint Rose. Il va revenir sans aucun de ses subordonnés, et sans aucun cadavre comme preuve. Le Gouverneur n'est déjà pas un homme qui apprécie l'échec, et il aime encore moins la trahison.
- Oui, mais ces histoires, ça ne nous regarde pas, affirma Rick. Il n'est pas question que j'engage mon groupe dans une guerre ouverte avec un dictateur.
- Alors j'irai tout seul, rétorqua Daryl.
- Non ! »

Son chef avait haussé la voix, mais il reprit ensuite, d'un ton plus calme et compréhensif.

« Écoute, si ton frère y est retourné c'est bien qu'il avait un plan pour en ressortir ensuite. Ce serait suicidaire de nous jeter dans une situation dont on ne connait presque rien, sur la foi de ce que nous racontent deux complètes inconnues...
- Non mais dites, donc ! lâcha Rose.
- Deux inconnues en qui je n'ai pour l'instant pas la moindre confiance ! asséna Rick. Entre celle qui peine à lâcher trois mots de suite et celle-ci qui sait tout mieux que tout le monde, moi je dis : attendons de voir comment la situation évolue. »

Daryl croisa les bras, le visage fermé.

« Attendons au moins demain, pour voir si Merle arrive entre temps, insista le shérif. S'il n'est pas là d'ici demain, on avisera, d'accord ? Daryl, d'accord ? »

L'autre finit par hocher la tête.

.

.

Daryl rejoignit le bloc cellulaire seul, et d'humeur chafouine. La docteure blessée, Rose, s'était refermée à son tour, suivant finalement l'exemple de sa copine au sabre, et Rick, malgré les efforts qu'il avait mis à la cuisiner, n'avait rien obtenu de plus d'elle au sujet de Woodbury. La confiance, ça doit aller dans les deux sens, avait rétorqué la femme noire. De toute évidence, elle n'en accordait pas une miette à l'ancien shérif, et l'autorité naturelle de Grimes ne l'impressionnait pas.
Daryl était perplexe à l'idée que cette femme puisse être véritablement amie avec Merle, mais il devait reconnaître qu'elle était peut-être bien au moins aussi têtue que lui.

« Hey. »

Surpris, il se tourna et découvrit Michonne, adossée à l'encoignure de la porte à l'entrée du bloc. Depuis combien de temps était-elle là ? Il eut rapidement sa réponse : elle l'attendait.

« Je pars pour Woodbury d'ici cinq minutes, pas plus. Si tu veux m'accompagner, c'est maintenant où jamais.
- Rick ordonne de rester ici, objecta-t-il.
- Personne ne me donne d'ordre. Rose est hors de danger, je peux repartir.
- T'as risqué ta vie pour sortir de cet endroit, et maintenant tu veux y retourner ? T'es quoi, schizophrène ?
- Je pensais que Woodbury était une utopie irréaliste, pas une secte dirigée par un malade prêt à tuer ses propres compagnons. Andrea est toujours là-bas, et elle sait rien de tout ça, je vais la chercher. Si tu veux récupérer ton frère, viens avec moi.
- Rick a dit que...
- Oh oui. C'est vrai. Rick a dit. »

Elle soutint son regard.

« Je comprends mieux, maintenant. C'est de famille, chez les Dixon. »

Elle lui tourna le dos et commença à marcher dans la direction opposée.

« Quoi ? Qu'est-ce qu'est d'famille ? » cracha Daryl, furieux, en la suivant.

Michonne se retourna et lui rendit une expression dépourvue d'émotion.

« D'obéir à des dirigeants autoritaires sans se poser de questions. »

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