Chapitre 13 - 9

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Klam et Delili mangeaient un menu copieux à la table qu'ils avaient choisie. Pourtant le crâne du grand brun lui faisait mal. Une étrange pulsion lui battait la cervelle. Cette sensation désagréable augmentait insidieusement. Il n'en n'avait pas tenu compte au départ. Il avait mis ça sur le compte de son anxiété et de l'épineuse nouvelle. Il cessa toute activité et se massa les tempes. Il ferma les yeux. Delili saisit que quelque chose clochait et parla à son guide. La voix semblait être distordue pour le citéen, il était pris par un vertige. Secoué, il cala sa tête entre ses deux paumes. La pulsion résonnait, il l'entendait comme une onde sourde qui allait et venait. La pulsion cessa soudain.

Aklameon ne savait pas comment il le savait, mais il en était certain. Quelque chose arrivait. Ses yeux se relevèrent et plongèrent dans ceux de l'enfant. Plein d'effroi et de terreur. Il avait un sentiment de froid, un froid extrême, celui de s'accrocher un énorme morceau de glace. Ses poils se hérissèrent, un très violent frisson le crispa.

- Delili ! Il faut qu'on sonne l'alerte ! Hurle et emmène le plus de gens loin d'ici. Part en direction du campement d'accueil et réfugiez vous au plus profond des bois ! Use de tout ce que tu peux !

- Klam, Mais qu'est ce qu'il y a.

- Le monolithe noir ! L'artefact de la folie, il approche ! Il va tomber vers le lac !

- Comment tu le sais ?

- Je le sens en moi, dans ma tête et dans mes peurs. Ne discute pas, fuis et ne te retourne pas. Fuis le plus loin possible dans les bois à l'inverse du lac.

- Le village et les villageois ?

- Je vais faire mon possible. Vas-y, on a peu de temps.

Le demie-esprit lisait une panique assourdissante dans le regard habituellement si calme du grand brun. Il tremblait et des spasmes le parcouraient. L'enfant ne pensa même pas à une crise de folie, car elle aussi avait une sensation désagréable et une inquiétude panique qui montait.

Ils sortirent en trombe, ils criaient à tout rompre de fuir le village. Les gens émergeaient dans la rue mus par un sentiment dérangeant. Une lueur chargeait le ciel clair, une tâche bleuâtre se répandait. Des vibrations se mirent à retentir. Elles fouettaient le sol et envoyaient valser la poussière et le sable. Les gens se mirent à la fenêtre, sur le perron de leur maison, se figeaient en pleine rue. Les vibrations lentes devinrent un sombre battement, qui allait et revenait. Les murs résonnèrent bientôt de cette cadence.

Delili se sépara de Klam qui allait au bureau de Dargorchau pour sonner l'alerte. Delili bougeait telle une frénétique pour attirer l'attention, elle criait qu'il fallait partir du village, mais si on l'écoutait, personne ne suivait vraiment. La panique la gagnait, elle voulut rejoindre le citéen, mais elle se battait contre ce sentiment. Elle savait qu'elle devait fuir. Elle se mit à courir dans les ruelles et répétait son message. Elle ne se retournait pas et les larmes lui montaient aux yeux, elle avait peur, si peur.

Elle eut un déclic, il fallait qu'elle ordonne aux gens de la suivre ou à défaut de les effrayer. Mais l'impulsion qui gagnait le sol en un balancement constant, fit bientôt vaciller les petits objets. Çà et là, des livres, des couverts, des casseroles tombaient à terre. La pression augmenta et les portes claquèrent, les fenêtres craquelèrent.

Delili entendit alors sonner la cloche de la ville, elle martelait l'alerte sans discontinuer. Pourtant la population fixait le ciel, où une tâche noire comme de l'encre se diffusait sans nuage en plein jour. Personne n'avait jamais vu ça. La fascination se muait en peur, petit à petit. Quand soudain un éclair noir fendit le ciel, il explosa en une gerbe d'eau immense dans le lac. Le tonnerre qui en résultat, brisa les vitres et le verre. Les secousses redoublèrent d'intensité et martelaient le sol et le bâti. La marée d'ondes s'abattit en un déferlement incessant. Un second éclair pulvérisa un silo à grain et le tonnerre frappa de son bruit tonitruant. Les débris furent projetés à des centaines de mètres. Un morceau de briques frôla la demie-esprit qui s'époumonait sur les badauds. Mais la foule avait été saisie par cette peur panique. Bientôt les gens couraient sans savoir où aller. La cloche sonnait et sonnait encore, comme si un forcené ne la lâchait pas. Le ciel s'obscurcissait, comme si la lumière elle-même ne parvenait plus à suivre sa course. L'ombre planait sur le bourg, où les habitants fuyaient comme des fourmis. Le ciel se zébra d'éclairs noirs, bleus et violets en une atmosphère de fin des temps. Ils frappaient parfois le sol, en de violents nuages suivis d'un son titanesque. Des oiseaux s'écrasaient au sol comme si l'air devenait néfaste. En plein jour, il faisait sombre comme si l'orage s'était levé, il n'y avait pourtant pas la trace d'un nuage.

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant