Chapitre 5 - 2

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A l'orée d'un bois, une légère prairie se déversait dans le vide. La falaise toute proche mettait fin à la piste. La sorcière s'approcha du bord. Le guide la suivi avec un léger vertige. La traqueuse regarda de près les traces au bord du gouffre, elle sourit. L'homme ne comprenait pas. Il regarda les empreintes à son tour, celles-ci plongeaient à la verticale, comme si les personnes avaient sauté dans le précipice. La jeune femme s'était relevée et attendait dos à la forêt comme pour ménager le suspense. Incrédule l'autre compagnon regardait dans le vide, comme pour apercevoir des gens en bas.

Alors trois silhouettes sortirent des bois, prenant à revers les deux marcheurs. Le physique le plus massif invectiva les deux compères qui se tenaient sur le saillant de la falaise.

- Pour qui vous prenez vous, à pister des chasseurs ont fini dans l'impasse !

L'homme promptement se remit debout. Quant à la sorcière elle resta de marbre, dans la même posture dos à l'agresseur. Elle souriait toujours.

- Oul, j'espère que t'as une idée derrière la tête.

Il n'eut comme réponse qu'une moue moqueuse. Elle savait ce qu'elle faisait. Le guide ne put s'empêcher de regarder la progression des trois formes encapuchonnées. Ils arrivèrent à quelques dizaines de mètres avant d'interpeler à nouveau les deux marcheurs.

- Qui êtes-vous à la fin ? Si vous cherchez à en découdre, je crois que vous avez trouvé preneur.

Une goutte de sueur perlait sur le front du guide qui fouilla du regard les gros manteaux en peau de bêtes pour apercevoir les visages. Les postures étaient agressives. Trois armes sortirent comme pour lancer un dernier avertissement.

- Vous êtes devenus bien hostile. Envoya la brune aux yeux dorés tout en se retournant. Elle prenait visiblement plaisir à avoir prévu son effet. Elle toisa puissamment les assaillants.

La silhouette la plus massive répondit instinctivement à la vue de la sorcière.

- Dame ? Que faites-vous ici ? Qui est cet homme ?

- Ai-je à me justifier d'aller en voyage maintenant ? Se moqua la traqueuse.

- Dame Forte Poigne ! Hurla de joie la plus petite des encapuchonnés en découvrant son visage. Aussitôt les deux autres firent de même.

Sous les lourdes fourrures apparurent trois visages humains souriant à pleines dents. Deux hommes manifestement costauds et une petite jeune femme. Ils avaient le même âge, mais la barbe fourni du plus massif et l'air enfantin de la jeune femme créaient un décalage. Ils étaient tous bruns, les yeux en amandes légèrement bridées et leurs teints mats étaient représentatifs d'une description classique de ce qu'un citéen nommerait : les peuples du nord ou les peuples sauvages des hautes forêts.

Agréablement surpris Aklameon souffla, enfin d'autres êtres humains. Il se rapprocha de sa comparse pendant que celle-ci se vit obliger de serrer les mains qui se présentaient à elle.

- Qui c'est ce type ? Pinailla la petite femme et se posta devant le guide.

Elle semblait à la fois narquoise, espiègle et agressive du haut de son mètre quarante-huit. Elle dévisagea l'inconnu d'une grimace méprisante et interrogative. Sa bouille et son petit carré plongeant un peu dépeigné rendait difficilement crédible cette intimidation.

- C'est mon guide. Dit posément la traqueuse.

- Guide de quoi ? Vous êtes assez grande pour vous sortir de n'importe quel danger.

L'homme tenta un petit sourire à jeune femme, qui lui renvoya une grimace.

- Mon guide pour les terres citéennes.

- Dame, nous pourrions vous y conduire et vous aidez ? Ce serait un honneur. Déclara le grand barbu.

- Je vais m'enfoncer dans les terres citéennes, cet homme m'aide dans ma traque, alors je vous demande de lui tenir le même accueil qu'à moi.

Le massif poilu s'avança prestement au-devant d'Aklameon pour le saluer.

- C'est un honneur vaillant guide. Prononça-t-il et présenta son énorme poigne qui aurait fait passer la main de Klam pour celle d'un enfant.

Le second, un homme à la moustache fine présenta le même hommage. Quant à la jeune femme elle envoya une accolade avec une force démesurée pour son apparence frêle.

Le barbu envoya un signe de tête aux autres, montra du menton la falaise. Le petit groupe descendit à la verticale de l'arrête rocheuse avec une rapidité et une facilité déconcertante. Le guide ne comprenait pas s'il devait les suivre ou non, la sorcière ne bougeait pas, alors il fit de même. Devant l'air déconcerté de son camarade les yeux dorés le fixèrent, avant la prise de parole.

- Ils vont chercher leur matériel et leur prise. Ce sont des chasseurs, des simples humains, mais doués dans leur genre. Ils se sont sentis suivi alors, ils ont planqué leur butin avant de nous contourner. Je savais qu'ils allaient nous prendre à revers quand j'ai vu leur paquetage à vingt mètre en dessous. Une tactique courante, mais qui fonctionne souvent.

- Tu connais bien du monde pour une ermite cloitrée dans sa cabane.

- Aklameon, je ... .

- Klam.

- Klam, je ne suis pas une ermite. Et tu devrais le savoir, je parcours beaucoup ses terres. Un jour, je les ai aidés. Ils ont apprécié le coup de main et depuis on se croise pas mal.

- Tu viens en aide à des gens ? Sans pacte ? Je ne vois pas les chaines à leurs pieds, ils ont payés leur dette ? Questionna de façon caustique le voyageur.

- J'ai demandé une contrepartie assez simple, des habits, des objets utiles.

- Tu m'aurais demandé je t'aurais offert un bouquet fleurs ou une nappe pour égayer ta cabane.

- Guide, tu te remets à psalmodier sur notre pacte. Serais-tu encore dans le refus ?

- Non, je te taquine, on se détend. C'est de l'humour. Mais te voir aider des gens sans qu'ils ne soient enchainés ça me coupe le sifflet.

- Dans ses terres on paye ses dettes, eux ne s'en offusque pas. La vie est rude et chacun survie comme il peut. Aider, c'est s'entre-aider. Mais ne t'inquiètes pas je t'aiderais aussi.

Fier de sa boutade, l'homme fixa l'athlétique jeune femme. Celle-ci jeta un furtif coup d'œil vers lui. Ils se sourirent en coin en percevant la pique d'humour qui flottait entre eux.

- Tu sais, je vais commencer à croire que tu y mets du tien. Même si ça a pris du temps.

- J'attends déjà un léger retour sur tes engagements. Mais je me permets une ou deux remarques en guise de bonne volonté. Ne m'appelle pas, ou plutôt jamais, par mon nom complet. Si je le cache c'est pour des bonnes raisons. Et ça mettrait aussi ta mission dans le pétrin. Donc Klam c'est suffisant. Au pire Aklameon, mais jamais plus.

- C'est noté.

- Il faudrait trouver un nom de famille. Oul ça pourra le faire en prénom, mais des fois on doit donner un nom de famille.

- Je refuse. Toi tu vas mentir sur le tien, alors je ne vois pas pourquoi j'ai besoin d'un faux nom. Je n'ai pas de nom. Les noms ne sont pas importants.

- Bon, on s'en tiendra à Oul. Je me débrouillerai pour la paperasse et les justifications. Les noms c'est pourtant bien utile en société.

- En société effectivement. Mais je ne comptais pas m'éterniser en palabres et flatteries.

- Ha ha, oui vaut mieux que tu me laisses faire.

- Guide ?

- Mmh ?

- J'espère que tu t'y connais vraiment en matière de discussions et de terres citéennes.

- Sans fausse modestie, je connais pas mal de choses.

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant