Chapitre 12 - 7

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Le lendemain au village, Aklameon allait aux nouvelles, comme tous les jours. Pourtant cette fois la garde était étrangement active. Les voyageurs arrivaient et il fallait contenir le flot de réfugiés. Dargorchau ne pouvait pas accueillir tous ces malheureux. La garde allait donc tenir physiquement la frontière avec tout ce qu'elle comptait de soldats. En temps normal, il n'y avait que quelques patrouilles et une dizaine de gardes au poste frontière. Mais là il y avait bien plus à contrôler que quelques marchandises et deux trois étrangers. Une foule immense montait le col pour se déverser dans l'enclave.

L'affaire était plus grave qu'il n'y paraissait, les gardes avaient des ordres très stricts, tout mouvement inconsidéré des arrivants déclencheraient des répercussions. Tout ça pouvait tourner au bain de sang. Une centaine d'hommes en armes pouvaient contenir des réfugiés compréhensifs, mais pas des désœuvrés qui voudraient passer coûte que coûte et n'auraient rien à perdre. Le souci c'est que les malheureux seraient alors des hostiles en territoire devenu ennemi. L'armée interviendrait, et pire des renforts de Resig pourraient venir massacrer ces civils révoltés. Si l'empire ne gérait plus sa population, cette dernière laissée à elle-même risquerait de devenir une force à part. Des groupes de pillards, de bandits se formeraient pour contrer leur propre pauvreté.

La région frontalière serait alors l'enjeu de grandes tensions. La famine serait suivie de près par la maladie et la mort. Une telle concentration de gens ça ne louperait, Aklameon l'avait déjà vu dans pareille situation ailleurs. Avec l'hiver, tous les réfugiés subiraient de plein fouet tous malheurs qui attendaient les miséreux. Peu survivraient à terme, beaucoup en seraient réduit au vol, à la prostitution forcée et à la vente de membres de leur famille. Il savait qu'à lui seul, il serait une goutte d'eau dans un océan de plaies divines.

Cette fois-ci, il n'était pas un voyageur isolé, mais un homme en mission officielle. Il avait une chance, celle d'avoir de l'expérience et un peu de pouvoir dans ce genre de situation. Il fit une entrée fracassante dans les bureaux. Il monta d'un pas pressé vers les administrateurs du lieu. En haut des escaliers discutaient six personnes, les six membres du conseil de Dargorchau. Ils étaient blêmes et débattaient en vain de la démarche à mettre en place. Tous se dirigeaient vers une solution répressive, de la simple clôture des frontières à une volonté de violence pour faire fuir les arrivants.

Aklameon resta à l'écoute de propositions et discret pendant un moment, malgré l'aigreur et une envie de répondre qui le démangeait. Il lista tous les arguments qu'il avait à opposer. Quand enfin on lui demanda ce qu'il en pensait, il démonta toutes les solutions qui avaient émergées jusque là.

- Tout ce que j'entends, ce sont des solutions sécuritaires qui ne traitent le souci que d'une façon très partielle. Certes vous les repoussés, mais vont-ils partir ? Vont-ils se révolter ? Vont-ils simplement rester à votre porte, si oui combien ? Combien alors faudra-t-il de nourriture pour ces malheureux ? Combien faudra-t-il d'abris ? Combien faudra-t-il de bois ? Combien faudra-t-il de gardes ? Et Combien faudra-t-il de fosses communes ? Aucune de vos réponses n'avancent vos capacités à agir, ou vos forces, fassent aux nombreux besoins qui arrivent.

- Alors c'est ce que je disais, repoussons-les violemment et fermons la frontière purement et simplement. Plaça un vieil homme sec un brin austère.

- Non, non, non, on ne peut pas prendre de décisions sans l'aval du haut conseil de notre pays. Coupa une femme âgée potelée.

- Mais puisqu'on vous dit que le haut conseil n'aura pas le temps de statuer. Demain, ils seront à nos portes. Stoppa un homme à la fine moustache brune.

- On ferme la frontière et c'est tout. Continua une femme au visage burinée par la vie.

- VOUS NE COMPRENEZ RIEN DE CE QU'IL VA SE PASSER ! Hurla Klam pour faire taire les palabres en cours. J'ai vu les massacres de LARHAUSS et la débandade qui a suivi. J'ai vu quinze mille hommes et femmes mourir sur le bord de la route aux portes de GREIVISTOH. Le prince avait scellé la frontière et les malheureux se sont massés là, fuyant les massacres entre trois communautés de la région. La faim, les pillages, les combats entre personnes pour la moindre chose. Le prince a barricadé, mais la maladie se moquait des barricades. GREIVISTOH a perdu un tiers de sa population des mêmes maladies qui touchaient les réfugiés. Alors le prince a lâché son armée sur les survivants de Larhauss et les quelques personnes qui ont fuit sont devenus bandits, ou esclaves. Alors NON, il n'y a pas de solutions simples et faciles.

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant