Chapitre 8 - 6

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La forêt surplombait une petite plaine encerclée de collines. Un paysage calme où plusieurs ruisseaux courraient dans les pentes. Au cur de cette vision champêtre, une bourgade de maisons en terres séchées. La vingtaine dhabitations se regroupaient autour dune place ronde. Les constructions locales évoquaient un doux sentiment à Klam, qui ne tarda pas à sexclamer.
- Chers voyageurs ! Nous voilà dans la sous-province de lAmarik, qui est aussi le nom de la principale ville du coin. Nous sommes en An Der Merkt, plus précisément dans le Comté de Stamensgart.
- Guide ? Cest un endroit sûr ?
- Stamensgart est un comté assez rural et étendu, cest un lieu connu pour ses petits commerces. Notamment le commerce itinérant de lAmarik.
- Ouais, mais Oul doit vouloir dire que ça pullulent peut être des mêmes cavaliers qui veulent ma peau.
- Non, lAn Der Merkt est assez tolérant sur la pratique de la magie et la présence des demi-sangs. Il faut juste rester loin la capitale où on pourrait retrouver danciennes connaissances. Ici, on devrait pouvoir proposer nos services et même aller jusquà Amarik, et trouver les renseignements que tu cherches. Se justifia-t-il tourné vers la sorcière.
- Vous mavez mal compris, je ne parle pas dadministrations ni de cavaliers. Il y a quelque chose qui ne minspire pas.
- De la magie ? Je ne sens rien. Fouilla Delili.
- Cest difficile à décrire, comme si on avait face à nous un mirage, une image fausse, que cette réalité nous ment sur ce quelle est. Il ny a pas de vieilles ruines, où des traces anciennes que les gens ne préfèrent pas approcher ?
- Pas que je sache, Oul, quest ce qui cloche ?
- Cest une impression fugace. Elle est venue et est repartie aussi rapidement. Je sens de la fausseté, mais pas vraiment un danger. Expliqua Oul qui cherchait dans le flux une réponse plus précise.
- Les humains sont des faibles ce qui les obligent à être fourbes, cest peut-être juste un village rempli de trous du cul.
- Ce nest pas une très belle conclusion, ni de jolis mots, ton argumentaire ne convaincra personne. Au mieux cest de la méchanceté gratuite. Sexaspéra lhomme.
- Laisses-là dans ses pensées, elle préfère se montrer inutile.
La petite se vexa et tourna le dos au groupe.
- Fait chier ! Jai perdu la piste. Impossible de mettre la main sur autre chose quune impression. Oul sénerva. Bon on y va, je veux comprendre ce qui se passe dans ce village. Elle bouscula Aklameon et marcha en direction de la plaine. Surpris le guide suivit le pas. Delili attendait quon lui présente des excuses, mais après plusieurs secondes à bouder sans quon ne lait regarde, elle choisit de rattraper les deux spécialistes. Arrivée au niveau de Oul, elle tenta dattirer lattention. Fusillée par les deux yeux dorés de la traqueuse, Delili arrêta ces frasques.

Les champs plein de légumes et les plantes vivaces accueillirent les trois visiteurs. Et après quelques centaines de mètres de plus, ils arrivèrent au village. Les petites maisons étaient claires et un doux soleil dessinait leur contour. Un midi chaud et bleuté où partout le vert profond de la végétation rappelait la vie qui coulait dans ces ruisseaux.
Mais cette belle ambiance se heurta aux regards indifférents et bientôt hostiles des villageois croisés çà et là.
Un individu se présenta alors aux nouveaux venus.
- Bienvenu à Spigroog mes amis. Je suis le bourgmestre de ce lieu. Pardonnez la froideur de laccueil, mais nous avons peu de visites. Alors je vous invite à me suivre pour signer quelques papiers et régler ce qui doit lêtre.
- Parfait monsieur le Bourgmestre. Nous vous suivons. Accepta Klam.
Après quelques pas, Oul ressentit la même impression et elle ne parvenait pas à trouver ce qui était à luvre. Elle jouait donc le jeu. Le groupe arriva dans une demeure où les visiteurs entrèrent en premier sous linvitation courtoise de leur hôte. A peine entrer les deux manipulatrices de flux stoppèrent nettes, Delili avait ressenti la même chose quOul.
Oul se retourna pour projeter une attaque, mais la porte était déjà fermée. Le sort quelle envoya se brisa contre les murs qui restèrent intacts.
- Quest-ce quil se passe ? Bourgmestre ouvrez-nous, tenta Klam.
- Inutile, il vous entend peut-être, mais il nobéira pas. Assura une quatrième personne déjà présente dans la pièce.
Oul se retourna les deux orbes tournoyaient dor et de cuivre, elle arma un geste, prêt à se défendre. Le guide sinterposa pour parer à toute rupture de la discussion.
- Vous êtes un émissaire dAmarik ? Vous savez pourquoi on nous fait prisonnier ?
- oui, je suis émissaire et non je ne sais pas pourquoi je suis retenu. Ce que je sais, cest quun de nos colporteurs a disparu alors quil était dans la région. On ma chargé de le retrouver. Je suis arrivé ici depuis hier et on me garde enfermé sans raison. Vous êtes mages ?
- Nous sommes des travailleurs dArkovir et nous venions exercer nos talents de spécialistes dans la région. Ma camarade et la petite ont quelques talents magiques, mais aucune nest vraiment mage.
- Dommage, si vos talents sont restreints on ne sortira pas dici. Jai déjà essayé plusieurs sorts. Et ils semblent être absorbés par ces murs. Jai tenté denvoyé des courriers magiques, mais eux aussi restent bloquer. Ils se détruisent au contact de la magie qui est dans ces murs. Informa sobrement lémissaire.
Klam se rapprocha discrètement de Oul.
- On va devoir la jouer fine, les émissaires comme ce type peuvent envoyer des courriers magiques. Sil vient à savoir que tu es une sorcière, il nous dénoncera le plus tôt possible aux autorités. Ce ne sont pas de grands mages, mais ils sont les yeux des dirigeants. Donc pas de tour de magie exubérant. Murmura-t-il.
- De toute façon, ce piège est très bien conçu, je ne suis même pas sûr de venir à bout du sort qui enveloppe lendroit. Cest contrôlé à distance et ce nest pas un maniement de la terre. Je pense quil y a quelque chose de plus large et de plus puissants à luvre. Cest la seule explication que jai, pour que le flux me renvoie des informations faussées sans que je puisse voir ce qui est faux.
- Tu as parlé dun mirage. On est prisonnier dune forme imaginaire ?
- Non, cest dans le flux que quelquun à modifier les paramètres de la réalité, autrement dit dans ce plan cest la réalité, mais elle ne devrait pas être comme ça.
Lémissaire se rapprocha et entendit les quelques derniers mots. Il savait que la situation nétait favorable à aucun des prisonniers et accepta de partager plus dinformations.
- Je ne sais pas doù vous venez, mais cet endroit fait figure doasis alors que partout dans cette région il na pas plu depuis longtemps. Ici, le paysage est bien vert et les récoltes sont bonnes. Une sorte daberration quand vous voyagez dans le coin. Les habitants fonctionnent en vase clos, malgré les rumeurs sur des disparitions cest la proximité avec les terres reculées qui enlevaient nos doutes. Mais la guilde des colporteurs dArkovir payent pour que jenquête sur la disparition dun des leurs. Vous parliez de magie de la terre ou de quelque chose de plus large, quen est-il ?
Oul demanda à Klam de la laisser parler.
- Je pense quil y a un sort puissant lancé sur ces terres, je nen connais pas la nature encore. Mais sûrement un manipulateur de flux expérimenté.
- Un vieux magicien ? questionna lémissaire.
Le regard pensif de Oul ne laissait pas de doute à Klam qui sexclama surpris par ce quil semblait comprendre.
- Un sorcier des terres reculées.
Lémissaire écarquilla les yeux comme si on venait de lui couper le souffle. Lannonce le paralysa de peur. Instantanément il comprit dans quel bourbier il était tombé. Il prit la menace très au sérieux.
- Vous en êtes sûr ? Ce ne peut être un autre être ou une malédiction ?
- Je peux dire que si ce nest pas un sorcier ou une sorcière, cest au moins quelquun aussi puissant.
- Pardonnez-moi, je vais mempresser de ce pas de rédiger une lettre pour ma hiérarchie, nous devons réclamer des renforts. Lémissaire blême tourna les talons et fouilla dans ses poches pour y trouver un parchemin bien spécifique. Il commença à écrire.
Oul dévisagea Klam lui demanda sil fallait assommer ou non lémissaire sur-le-champ. Ce dernier grimaça pour signifier que non. Il sapprocha.
- Oul, murmura-t-il à son oreille, ce type va écrire, signaler le problème. On devra juste séchapper sans trop en faire et leur laisser gérer cette situation.
La traqueuse fronça les sourcils et émit un signe négatif. Elle soupira.
- Ça ne va pas être si facile. On ne sen sortira pas sans se battre. Nimagines pas que je puisse assurer la sécurité de tout le monde.
- Je vais voir ce que je peux faire pour quil ne te gêne pas. Le guide se dirigea en douceur vers lémissaire pour échanger à nouveau.
Delili approcha discrètement de la sorcière pour savoir ce quil se passait.
- Gamine, il va falloir que tu te débrouilles, que tu comprennes toi-même ce qui ne va pas. Même lémissaire a compris quil y a un sort à luvre.
- Mais quest-ce quon doit faire pour combattre un sorcier des terres reculées ?
- Survivre. Répondit sec Oul comme si la question était idiote.
La tension monta dun cran quand la porte qui les retenait prisonniers souvrit, mais personne napparaissait. Ils se tournèrent tous dun seul bond vers cet espoir inespéré. Lémissaire saisit alors sa lettre à peine écrite et se rua dehors. Klam le poursuivit pour larrêter, mais lhomme avait pris de lavance et pénétra en premier dans lépais brouillard rouge. Après avoir mis les pieds hors de la cellule, lémissaire se tourna vers ses compagnons dinfortune lair surpris. Latmosphère était si bizarre quil eut envie de revenir à labri dans sa geôle.
Oul reteint son guide et lempêcha dentrer dans la masse rougeâtre qui emplissait la rue.  Une voix sadressa à eux.
- Bienvenue sur mon territoire chers invités, acceptez mon offre et sortez sans faire dhistoire.
La traqueuse fronça les sourcils et entama un mouvement de bras, sen suivit lapparition sphère protectrice qui entoura les trois prisonniers encore à lintérieur. La pièce se remplit peu à peu de ce même brouillard rouge inhospitalier et la bulle magique se dessina alors plus clairement. 

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant