Chapitre 11 - 5

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Après un petit déjeuner modeste, les spécialistes et leur escortée traversèrent des vallonscalmes d'ocre où les feuilles s'envolaient sous les rafales. La tranquillité s'imposa tout aulong de ce dernier jour de marche.

 Au soir, ils arrivèrent sur une colline d'où on pouvait voirla fumée qui s'élevait des chaumières.La zone frontalière était paisible, la population était rentrée prendre son repas. Quelquesgardes étaient postés en faction le long d'une ligne invisible où seul un baraquement en boissur la route imposait la limite. Esfil'd n'attendait pas de visiteurs venu de l'intérieur desterres de Resig. 

L'équipe en profita pour y pénétrer, les atouts étranges furent cachés oudissimulés. Hammet leur avait indiqué l'établissement des « Trois chevaux fringants ». Unrapide coup d'œil vers l'étable qui jouxtait l'auberge indiqua la présence de neuf chevaux aurepos. Les coursiers étaient rarement dans un si bel état, les chevaux si bien parés et nourrisappartenaient aux seuls gens capables de lever une armée. Klam en déduit que le comte et lacrème de ses hommes étaient à l'intérieur. Ils avaient réussi le tour de force de réunir ànouveau cette famille, mais une autre partie allait se jouer. 

L'homme inspira et expira les yeuxfermés dans un acte de concentration, avant de jouer la vie d'hommes et de femmes surquelques paroles. L'instant solennel s'annonçait et les trois silhouettes restées en retraitavancèrent.Le grand brun entra en premier dans l'établissement. Devant quelques tablées de marchands,de cultivateurs et d'habitués trinquaient amicalement autour de bons petits plats. Klamremarqua une troupe armée installée en fond de salle dans un coin confortable, si six étaientassis deux entouraient un homme de dos qui lisait une lettre. Il était armé, si la facture de sonhabit d'abord très simple ne dénotait pas, elle révélait une couleur riche. 

Le comte était venuen personne, preuve qu'Hammet avait su donner toute la crédibilité qu'il fallait à sondiscours.D'un hochement de tête Aklameon donna le signal à ses acolytes. Si les tablées communes neremarquèrent pas les nouveaux entrants, après quelques secondes les soldats au fond selevèrent, puis se mirent au garde à vous. Les deux hommes près du Comte claquèrentfièrement les talons pour annoncer la venue d'une personne d'importance. Sans un mot, l'élitede la garde du Comte regarda avec émotion la jeune personne qui pressait le pas.Le Comte se retourna plaça les bras dans son dos avec une grande dignité et bomba le buste.Medara approcha et salua d'un petit hochement de tête.

 - Père !L'homme ne put retenir un geste d'affection et posa sa main ouverte délicatement sur la jouede son enfant. Un profond regard heureux le traversa, il expira, resserra la lèvre inférieure etrevint à un air plus pudique. Medara fière et heureuse essuya une courte larme pour ne pasimposer ses sentiments en public.Les autres clients s'interrompirent un instant, inquiet du mouvement soudain des soldats, maisreprirent assez vite leurs bavardages.

 - Ma fille, mon unique, qu'il est bon de te revoir. Il eut un léger étouffement de la voix. Teperdre aurait été le plus grand des déchirements. Puisse les malheurs qui nous ont séparés neplus jamais t'atteindre. 

- Je suis aussi heureuse que vous, père, ce que j'ai traversé me comble de hontes et d'horreurs.Et si les brutalités ont été rudes, je ne dois leurs fins qu'à ses personnes. Déclara-t-elle etindiqua de sa main les trois accompagnateurs postés derrière elle.

 - Je souhaite leur parler, veux-tu aller te reposer ou souhaites-tu participer à cet entretien ?

 - Je souhaite de tout cœur pouvoir participer.Le comte indiqua d'un geste gracile la table et fit signe à sa garde d'aller chercher des repas.Il invita à sa table la petite équipe. En son for intérieur, la tension de Klam redescendit, unetelle attention prouvait une marque gratitude qu'un homme de cette stature n'offre pas à desgens qu'ils soupçonnent. 

L'aubergiste et les serveurs se pressèrent pour apporter au plus vite les commandes à la tabled'importance. Ils s'éclipsèrent aussitôt leur tâche accomplie. Le comte fit un petit signe detête à ses hommes qui se postèrent quelques pas plus loin.Les trois spécialistes faisaient face au noble et sa fille.

 Le comte arborait une fière et finemoustache allongée sur un visage aux traits étroit et sévère. Sa coiffure était sobre et éléganteet ses longs cheveux plaqués et attaché à l'arrière se déployaient autour de son cou.Medara sourit à ses camarades de voyage pour les mettre à l'aise. Et leur envoya un doux mot. 

- Vous pouvez manger les amis, j'avoue avoir faim également.Oul et Delili ne se firent pas prier pour attaquer sans ménagement les pleines assiettes devolailles et poissons farcies. Klam fit un signe de tête de remerciement et offrait une manièreplus respectueuse de conventions. Le comte ne dit rien, piocha quelques morceaux de viandesl'attention tournée vers ces mystérieux invités.

 Après avoir attendu un moment, il coupa. 

- De vous, je ne sais rien. Rien d'autre qu'une lettre me présentant votre entreprise de meramener ma fille. Qu'est-il arrivé pour vous que vous en veniez à trouver la piste de monenfant ?Il eut un instant de blanc, Klam s'essuya la bouche et les doigts, puis pris un air profondémentsérieux et concerné. Le comte se redressa pour adopter une posture d'écoute stoïque.

 - Monsieur le Comte, je ne vous cacherais pas ce qui nous a mis sur la route de votre héritière.Je vais être très franc, vous rencontrez est un grand risque que nous avons pris.
Le comte demanda à son invité de poursuivre comme s'il avait compris une part du problème.Nous avons croisés Medara lors de notre tentative de sauvetage de Delili, la demi-esprit assisedevant vous. Nous avons empêché votre fille et son escorte de prévenir les renforts. Nousavons emmenés Delili et nous sommes partis. 

- Vous n'avez donc aucun lien avec les ravages et la mort de toutes les personnes en charge dela maison forte ? 

- Nous sommes des travailleurs d'Arkovir commandité par les défunts villageois de Tris-etFand afin de libérer l'enfant. Nous avons trouvé les restes calcinés de toute cette communautéet nous avons dû fuir. Notre chemin nous a mené à rencontrer des esclavagistes qui détenaient unefillette de Tris-et-Fand qui a sympathisé avec votre fille durant leur captivité. Nous avonsrendu inopérant cette caravane et sommes partis au secours de votre fille. Et un message vous aété transmis. 

Le comte se contint, et ne montra rien du trouble qui le secouait. 

- Je doutais que ma fille soit en vie, puis j'ai douté du message et de la sincérité de votreaction. Vous me pardonnerez cette colère, mais il m'est impossible d'imaginer ma fille enesclave. 

- C'est pourtant ce que j'ai vécu père. C'est de ça qu'ils m'ont arraché. Je puis vous leraconter en privé, mais si les malfaisants ne m'ont arraché ma pureté, les brutalités ont étéquotidiennes et infâmes. 

- Si je puis me permettre, nous avons fait notre possible, mais votre fille méritera uneattention particulière d'écoute et de bienveillance à son retour.Medara salua avec quelques larmes les mots qu'adressait l'homme à son père. 

- J'y veillerais n'en douter pas. 

- Les affaires d'un régent de l'An Der Merkt sont nombreuses et complexes, et si le poids devotre tâche impose une attention constante à votre nation, donnez de votre précieux temps àvotre précieuse enfant.Les paroles sincères du grand brun adoucirent les traits tirés du noble, qui hocha la tête pouraccepter le conseil. Toutefois, le comte ne se relâcha pas. 

- Je suppose que vous voulez une rétribution pour votre bravoure ?

 La proposition était anodine, mais elle était tout l'enjeu de la discussion, ni Klam, ni le comten'étaient dupes sur les contours décisifs de ce qu'il allait advenir.

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant