Chapitre 11 - 1

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Stationnée avec la cavalerie sur les hauteurs au-dessus de Spigroog, la paladine voyait les troupes à pieds lentement avancer vers le village. Des villageois jetaient des pierres à la fronde contre la progression coordonnée des soldats protégés par leur large bouclier rectangulaire.

- Ordonnez aux cors un appel, les drapeaux, ordre de tenir la ligne.

- On ne pénètre pas dans le village ?

- Non, on encercle, on étend la ligne de boucliers à bonne distance et on fait approcher les arbalétriers. Tirs en riposte, on tient. La brume rouge qui est aux portes du bourg respire la malveillance magique. Nous avons à faire un sorcier des terres reculées, on ne lésine pas sur la prudence.

Les formations prirent position, l'appui des arbalétriers permit de disperser les quelques coléreux armés de frondes. L'ennemi se repliait dans le village sous les brumes pourpres. Pendant plusieurs heures rien ne bougea d'un pouce. Les unités de lanciers et d'arbalétriers tenaient efficacement les abords de la bourgade. Pourtant rien de décisif, seuls quelques furieux avaient été abattus et aucun sorcier à l'horizon.

Le siège ne pouvait être satisfaisant sans l'appui de trébuchets ou de catapultes, mais pour cela il faudrait se reposer sur l'armée régulière, ce qui ne faisait pas parti des prérogatives demandées par la hiérarchie.

La paladine était tenue à en rester à un affrontement classique avec ses propres forces. Elle ne pouvait non plus avancer ses hommes, et encore moins les reliques du saint ordre. Un messager qui faisait le tour des différentes troupes stationnées tomba de cheval, la monture s'enfuit. Quand il vint au rapport, il expliqua que son canasson était devenu comme fou et l'avait jeté à terre.

Les options se réduisaient, la charge de cavalerie était dès lors impensable. Si les hommes en armure lourde venaient à être jetés de cheval, ils peineraient à se relever et les pertes pourraient très vite augmenter.

Il fallait donc faire sortir l'ennemi de son antre. Il fut ordonné plusieurs salves de flèches enflammées à deux unités d'archers en retrait. Si nombres de flèches commencèrent leur office, le feu fut interrompu et ne prit jamais vraiment. La manière dont les petits foyers de flammes s'éteignaient en même temps indiquait encore une forme de magie.

La paladine n'eut pas d'autres options que de demander à quelques éclaireurs d'avancer à couvert jusqu'au village. Et s'ils arrivèrent aux premières maisons et envoyèrent des signaux pour un premier état des lieux, ils furent pris par la brume. Ils disparurent. Les rapports de l'unité qui tenaient la ligne derrière eux, firent d'hommes trainés par une force invisible dans la purée de pois et de cris de mauvais augure.

Les éclaireurs étaient tombés en vain et les seuls informations que l'ordre en avait tirées n'apportaient que peu de nouveauté. La dangerosité de cette brume était avérée et une magie s'en prenait à eux à distance. Toute la zone était inaccessible et les précautions prises étaient les bonnes. Il fallait pourtant entrer dans ce périmètre et mettre fin à la vie de ce sorcier.

Avec méthode les forces de l'ordre se replièrent avant la nuit pour éviter toute surprise. Ils rentrèrent dans le camp aux côtés des forces régulières. La paladine était amère, mais elle ne voulait risquer une attaque trop coûteuse en vies.

Elle préféra se rompre à une tactique de siège établie et entra dans la tente de commandement pour exiger l'appui de trébuchets afin de raser le village. Pour éviter toute remarque sur son emploie des forces régulières, elle fit flanquer les batteries de trébuchets par des unités de l'ordre. Ils s'assureraient de la sécurité et de la punition si nécessaire.

Le plan de bataille devait reprendre l'encerclement par les phalanges de lanciers soutenues par les arbalétriers. Les distances de sécurité seraient augmentées pour voir venir une progression de la brume rouge, mais aussi pour se protéger de l'impression des tirs de trébuchets.
Les chefs présents de l'armée régulière furent surpris par la méthode de commandement, les ordres n'avaient pas pour habitude d'agir comme l'armée. Pourtant limiter les pertes restait un but assez rare. La paladine s'occupait de sa tâche avec une distanciation critique propre aux stratèges, mais restait un officier dévoué à ses soldats. Une chose curieuse pour une personne affublée d'une telle responsabilité et d'une autorité absolue sur la province. Une spécificité qui rassurait les soldats réguliers, mais par petites touches rappelaient que toutes compromissions ne seraient pas pardonnées.

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant