Chapitre 13 - 7

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Alors qu'ils allaient tous se coucher, inévitablement Klam se retrouva à nouveau avec l'hybride. Cette dernière avait l'air d'attendre ce moment, pour parler de l'attitude boudeuse du grand brun. Elle le regardait avec un sourire depuis sa couchette. Il évita le contact visuel, mais la jeune femme rompit le silence.

- T'es marrant. On te croirait incapable de ce comportement de petit noble outré. Des moments tu parais plus vieux que tu n'en as l'air, avec ton caractère sage et posé. T'es comme les petits vieux qui ont tout vu, et que peu de choses surprennent.

- La connerie et la cruauté dont sont capables les autres, elles, me surprendront toujours.

- Je pense que je t'en veux autant que tu m'en veux. C'est vrai, tu sais que je ne vais pas pouvoir m'enlever ça de la tête.

- Non. Je t'en veux, pour une chose si simple qu'elle me hérisse à chaque fois que je te regarde. Cela m'énerve tellement que tu ne saisisses pas toi-même.

- Vas-y, démon de la colère purge ta haine sur la pauvre petite hybride.

- Très bien. Mais ça ne te fera pas plaisir.

- Héhé, si tu crois que ça va me secouer ?

- Tu te présente toujours comme la victime. Une hybride incomprise que tout le monde rejette. Une pauvre fille qui n'a pas eu de chance et a perdu sa mère. Combien crois-tu qu'il y a d'orphelins, de parias et de souffrants ? Des tas. Tu te crois malheureuse et mon passé te gène, car il te semble plus triste encore. Alors tu te rassure en me faisant des remarques. Oui, je suis un assassin et je le ressentirais jusqu'à la fin de mes jours. Mais le plus triste, ce n'est pas mon existence ou la tienne, non. C'est que chaque foutu journée qui passe aurait pu être une belle journée pleine d'avenir pour une jeune fille poignardée par son frère. Elle qui a agonisé en abandonnant ses rêves et espoirs. Une jeune fille dont maintenant seuls toi et moi nous nous rappelons le prénom. Le temps me reprendra tout, jusqu'à son prénom. Alors par pitié, si tu parles d'elle, ne l'évoque pas en omettant son prénom. Elle s'appelait Breene, mais je ne peux le dire sans pleurer. Je ne peux parler d'elle à personne. Voilà ce qui m'énerve. Si tu connais mon passé, tu sais à quel point j'ai besoin qu'on me parle d'elle.

Klam glissa lentement contre le mur et fondit en larmes. Il tentait de les essuyer, mais elles revenaient abondantes et sincères. Elle lui manquait, mais il n'avait jamais trouvé la force de redire son prénom depuis qu'elle était partie. Il s'était inconsciemment interdit de pouvoir le faire, après tout il était celui qui l'avait tué. Les sanglots glissaient entre ses mains et sur traçaient des lignes sur ses avant-bras. Il étouffait le son de ce chagrin, qui le broyait de l'intérieur. Prism s'était rapprochée, elle s'accroupit devant lui. Délicatement elle lui souleva le menton de son index recourbé.

Les yeux écarlates humides se plongèrent dans les iris d'un noir intense. Tous deux émus par ce prénom qui flottait dans l'air.

- Hey, pourquoi tu me croyais plus capable de la nommer ? Ça me fait autant de mal qu'à toi, même si ce n'est pas mon souvenir.

- Je te pensais plus courageuse, là où moi je me tais depuis des années. Tu as des facilités à jeter les vérités dans la face des autres. J'attendais son nom.

- Et c'est toi qui as eu le courage de le dire en premier. On ne peut pas t'enlever ça, quand ça te tient à cœur t'es toujours présent. T'es étrange, je t'ai pris une part de toi, mais je ne sais pas comment tu arrives à survivre.

- Je ne te déteste pas tu sais. Juste que Breene mérite qu'on parle d'elle, elle aimait déjà ça à l'époque. Une larme coula le long de la joue de Prism. Klam renifla et enleva les dernières gouttes cristallines du rebord de ses yeux. Il effaça d'un geste pudique la trace de pleur avec le pouce sur la figure de l'hybride. Il continua. Je suis désolé que tu aies à porter mon fardeau, mais je suis quand même heureux de pouvoir enfin évoquer ma petite sœur avec quelqu'un qui comprend qui elle était. Tu n'aurais pas dû, et j'aurais aussi dû t'en empêcher. Je me pensais trop fatiguer, mais à penser à moi, je t'ai jeté dans cet enfer. Et si je ne peux t'enlever cela de la tête, je peux au moins te donner un peu d'espoir. Peux-tu visionner des souvenirs, si je pense à une séquence précise de ma vie ?

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant