Chapitre 5 - 1

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L'homme venait de rejoindre son acolyte depuis quelques minutes. Le silence se prolongeait et laissait s'exprimer les craquements de brindilles et le bruissement des feuilles. Toujours en tête, la sorcière avançait à grandes enjambées. Le second avait du mal suivre, de plus des tas de questions lui venaient à l'esprit. Il ne put retenir bien longtemps le flot de ses pensées.

- Petite remarque, on peut baisser le rythme, j'ai peut-être l'air frais comme un gardon, mais mon corps ne répond pas vraiment agréablement. J'ai comme des picotements et des douleurs sourdes. Tu vois le genre.

- Toujours à te plaindre. Tu ne changes pas. Et tu vas aussi vouloir discuter ?

- Tu sais si nous sommes censés former une sorte d'équipe, il va falloir arrêter de te plaindre que je me plaigne. Et puis pour la discussion, faudrait t'y faire c'est une part du voyage.

La sorcière ralentit le pas et se retrouva aux côtés de son guide. Elle lui lâcha un regard lourd de sens, montrant à la fois son bon vouloir et son agacement à se plier aux demandes.

- Merci ! Et non ce n'est pas un sarcasme.

- Tu as l'air d'avoir des questions. Lances toi, je sens que tu en meurs d'envie.

- Sindatra parlait de sa mère, nous allons la rencontrer ?

- Pas pour le moment, mais oui, si nous en avons l'occasion.

- Sa mère est comment ?

- Physiquement ? Glissa malicieusement la sorcière avec un regard en coin.

- Non, pas du tout. Au niveau de la personne, du caractère, de sa magie.

- Sa mère est assez différente, c'est une personne plus froide, plus distante dans son approche. Elle est très respectueuse et très respectée. C'est une grande Svanti. Sindatra est une très bonne Svanti, peut-être un peu excentrique pour son rôle. Les cadeaux et les petites sautes d'humeur.

- Oh, donc sa mère est moins sympathique.

- Non, sa mère est exemplaire dans son rôle. Elle ne demande que le minimum et n'utilise pas ses talents pour charmer. Si tu avais rencontré Teiltaënne en premier tu aurais compris l'exemplarité d'un Svanti.

- Sindatra m'a pourtant paru irréprochable.

- Elle aime les petites attentions, et choisit donc le charme plutôt que l'apaisement.

- Je me sentais pourtant bien et apaisée.

- C'est parce qu'elle n'en fait pas trop et utilise aussi l'apaisement. Mais les Svanti ont souvent des talents bien particuliers. Ce sont des empathes. Ils comprennent les émotions et ajustent leur présence pour répondre aux besoins du blessé. Plus un Svanti reste à vos côtés plus ses réponses émotionnelles s'alignent sur vos besoins. De là, il n'y a qu'un pas vers la manipulation du blessé. Le Svanti fait alors prévaloir ses besoins sur les vôtres, en utilisant vos émotions et son aura contre vous. Et à plus ou moins grandes échelles vous tombez sous son contrôle. Les Svanti dévient peu de leur tâche, mais les envies sont parfois grandes d'en tirer profit. Sindatra n'est au fond pas une mauvaise fille, mais si elle avait pu t'utiliser à ses propres fins elle l'aurait fait. Cela ne va pas chercher bien loin, mais tu aurais sans doute rangé le merdier qu'elle entasse et nettoyer son accueil. A ce niveau sa mère est irréprochable.

- Donc elle m'a manipulé ?

- Un peu sans doute. Tu voulais te rendre serviable, peut-être un peu trop, tu ne penses pas ?

- Et bien on ne l'a pas payé pour ses services, donc un petit service en échange ce n'était pas trop demandé.

- Tu te trompes, ton cas est très intéressant pour une Svanti aussi curieuse que Sindatra. Cela constitue en soi un service que tu lui rends. Ton cas est une rareté et pouvoir l'étudier est une belle offre. Crois-moi, Sindatra n'a pas à se plaindre.

- Donc un Svanti ne soigne pas par bonté d'âme.

- Ne te méprends pas, ils demandent de quoi vivre, car ils ne sortent pas de leur territoire où de manières exceptionnelles. C'est pourquoi il y a toujours une contrepartie minimum.

- C'est aussi pour cette question de territoire que Sindatra ne peut rendre visite à sa mère.

- C'est exact, elles se voient très rarement. Si nous passons près de l'accueil de Teiltaënne nous lui transmettrons des nouvelles de sa fille. Elle en sera heureuse.

- Je suis content d'avoir rencontré votre amie.

- La mère et la fille sont de vieilles connaissances, mais je ne reste jamais, les Svanti sont souvent très occupés. Ça et leur talent d'empathe.

La lumière faiblissait dans le sous-bois et des champignons luminescents d'une dizaine de mètres de haut commençaient à prendre le relais. La forêt se teinta d'une couleur bleuâtre peu commune pour un citéen. L'homme s'émerveilla du spectacle, et quand des insectes vinrent rejoindre en une danse étincelante le théâtre nocturne, même la sorcière s'arrêta pour y prêter attention. Elle déposa son barda, le signe d'une halte pour la nuit.

Des lucioles et des vers luisant apparaissaient comme une multitude de clignotements dans ce crépuscule. Les deux marcheurs admirèrent un long moment sans rien dire cette scène. Puis ils préparèrent le repas et allèrent se coucher. On moment de se faufiler dans son sac de couchage le guide eut un haut-le-cœur.

- Aaah ! C'est dégueulasse, mon sac est tout poisseux. On dirait de la morve.

- Pareil de mon côté. Se répugna la jeune femme. Dormons dessous et pas dedans, ça nous couvrira de l'humidité matinale. Je savais que toutes les affaires ne seraient pas en bonne état, il nous faudra nous en procurer d'autres. Ne t'inquiètes pas on trouvera.

Au matin, ils partirent avec la ferme intention de trouver de nouveaux couchages. Ils les remplacèrent par des tissages de feuilles d'une sorte de fougère arborescente. Mais ça restait inconfortable. Alors la brune aux yeux dorés se mit en quête d'une solution.

Après une bonne semaine de marche, les deux compagnons de route trouvèrent la piste d'autres humains. Des villageois, des citéens si loin dans ces terres, l'homme serait bientôt fixer sur les personnes qu'ils cherchaient.

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant