Klam ne voyait que les regards hagards, honteux et profondément malheureux de tous ces gens. Le spectacle pesait sur son esprit. La détresse humaine se lisait sur leur visage. Ceux qui n'arrivaient qu'à pleurer sans avancer sur l'estrade se faisaient fouetter ou frapper. Peu importe leur âge et leur peur, il fallait quand même les vendre.

Le guide se tourna vers Oul qui n'appréciait pas vraiment ce qu'elle observait. Le pragmatisme de la sorcière était mis à mal par certains implorants. Elle n'accordait pas d'attention aux demandes des esclaves, comme à celle des esclavagistes. La curiosité s'effaçait. Elle eut envie de finir cette escapade, lorsqu'une voix connue tinta à son oreille.

- Madame la magicienne ! Madame la magicienne ! Coucou ! sautilla Mayline. La petite avança à moitié nue sur l'estrade pour saluer sa copine. Tu as toujours la robe que moi et ma maman on t'a offert ?

Oul fut choqué de cette vision. La petite était en vie et vendue visiblement comme un produit pour adulte. La sorcière se bloqua. Une boule dans la gorge face au visage poupin plein d'un grand sourire. L'émotion qui vint la troubla, une forme de joie mélangée à l'horreur de la situation. Elle n'arriva pas à répondre, mais de son bras valide attrapa son guide. Ce dernier tout aussi surpris, échangea plusieurs regards avec son acolyte. La sorcière chercha désespérément une réponse dans la prunelle de son camarade. Klam engagea la conversation avec l'enfant pour calmer un peu le trouble émotionnel de la traqueuse.

- Mayline ! Tu vas bien ? Qu'est-ce que tu fais là ?

- Bin on me vend on m'a dit

- Mais tu vas bien ?

- Oui, les gens sont gentils avec moi. Je suis sage alors on me laisse dire bonjour à tout le monde. Y a même une fille du même royaume que moi. On a fait le voyage ensemble. Mais elle est pas là, le monsieur veut pas la vendre ici. Dis, dis, tu as toujours la robe ?

- Malheureusement non, on a perdu toutes nos affaires importantes.

- Oh non. C'était un cadeau.

- Je suis désolé, c'était un beau cadeau. Dis-moi, qu'est-ce qu'il s'est passé au village ?

- Le village a brulé. Maman m'a fait promettre de courir, courir et de me mettre à l'abri. Et puis, je suis sorti et y avait les marchands.

- Oh comme tu es belle, j'adore quand tu as tes yeux dorés. s'enjoua la petite.

Klam se retourna et se jeta sur Oul pour essayer de la calmer. Elle ne disait rien, mais chaque nouvelle parole de la petite fille la touchait. Elle avait presque oublié cette enfant, elle avait rangé ça dans un coin de sa mémoire. Maintenant la colère et la tristesse se mélangeaient. Ce qui lui faisait mal s'était le sourire de cette gamine, elle ne voyait le mal nulle part, alors que tout autour n'était que malheur. Oul ne supportait pas la destinée qu'on réservait à Mayline. Son guide tentait de lui parler, mais elle n'entendait que sa colère.

- Oul reprends toi, regardes-moi. Tu veux qu'on s'éloigne un peu ? Questionna le grand brun qui voyait la situation se détériorer à chaque nouvelle inspiration de la sorcière.

- Oh non, vous allez partir ? Je peux vous faire un câlin ?

Oul s'approcha de Mayline et la serra dans ses bras. Elle la prit sur elle et l'enleva de l'estrade sans relâcher l'enfant. Le marchand et ses hommes de main bondirent vers l'inopportune, un regard noir entouré d'or les figea sur place. Dans la tension de l'instant, Aklameon vit un groupe de gardes en approche.

- Eloignes-toi avec elle, je me débrouille !

- Je ne bouge pas. Siffla la sorcière les dents serrées. Elle fixait de son inquiétante œillade chaque scélérat sur l'estrade. Maintint son bras fermement plaqué sur la petite, en guise de défiance. Les gardes s'approchaient. Tout mouvement aurait été malvenu. Klam alpagua le marchand.

- Je vous en donne une pièce d'or. Lança le citéen. Glissa l'argent sur l'estrade.

Un rictus se dessina sur le fasciés de l'esclavagiste, pendant qu'une grosse goutte de sueur ruisselait depuis sa tempe. L'homme avait eu à faire à des discussions houleuses, il savait reconnaître le danger. L'offre était loin de ses attentes, mais même la garde ne pouvait le défendre d'un puissant mage.

- Aventir Maxius se félicite de votre acquisition chers acheteurs. Se déroba le négociant.

- Aventir Maxius, les amis du Chardonneret vous remercient. Casa Aklameon.

L'homme sur l'estrade blêmi et s'empressa de se retirer, ses hommes le suivirent.

Mayline profitait toujours de la proximité de son amie magicienne pour continuer de l'enlacer. L'enfant qui avait loupé l'intense tension et les échanges annonça naturellement.

- Vas falloir que tu me reposes !

- Non.

- Bin si, sinon faut m'acheter. Argumenta la petite.

- On a réglé ce souci, tu viens avec nous maintenant. Annonça Klam et tapota l'épaule de l'enfant.

- C'est vrai ?

Devant l'acquiescement du grand brun, Mayline sourit de plus bel et gesticula dans un éclat de joie candide. L'homme posa sa veste sur le dos de la petite avec pudeur et toisa sa camarade.

- On rentre. Distilla-t-il.

Oul s'adoucit et perçut derrière la compassion du citéen, un sentiment d'honneur, celui qui apparaît près des gens dont on est fier. Il eut un léger sourire de satisfaction. La traqueuse plongea intensément son regard dans les yeux de son acolyte. Elle comprenait son geste sans comprendre pourquoi ses émotions l'y avaient poussé. Elle n'en n'avait pas l'habitude et y vit une fragilité qu'elle n'aimait pas.

Le guide sentait bien que la jeune femme s'était un peu perdue dans sa fougue. Elle ne savait plus trop quoi faire. Elle eut une timide affirmation et attendit pour emboiter le pas du citéen.

Mayline s'en moquait, elle aimait qu'on la porte.

Les deux compères et leur nouvelle acquisition rentrèrent chez Hammet. Leur hôte les accueillit avec une pointe de surprise.

Les Terres Reculées - I - Le monolithe noir [Terminé]Where stories live. Discover now