Chapitre 27

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Sans date
La plénitude. D'après ce bon vieux dictionnaire cela signifie un sentiment d'accomplissement total et de joie entière. Pourtant, comment se fait-il que cette sensation ait pris possession de mon corps tout entier sans que cela ne me procure une joie entière ? Je baigne dans un monde de douceur. J'ai l'impression d'être sur des nuages. Pourtant, comment expliquer le fait qu'il me manque quelque chose ? J'essaye de réfléchir à cette nécessité mais plus j'y réfléchis et plus ma tête me fait mal. Ma tête. La douleur. Tout me revient en mémoire comme un flash. Le brunch, James, l'accident et ... rien. Je tente d'ouvrir les yeux mais la douleur est trop importante. Le bruit. Le brouhaha tout autour me semble assourdissant mais je mettrais ma main à couper pour dire que c'est dû à l'accident. J'essaye une nouvelle fois d'ouvrier les yeux et cette fois-ci je les entrouvre légèrement en y voyant flou. Ma vision met du temps à se réadapter. Ma tête. J'ai l'impression que l'on m'a jeté une boule le bowling sur le crâne . J'émets un léger gémissement mais trop faible pour que quiconque ne le remarque.
—Docteur dites moi, quand va t-elle se réveiller ? dit un homme.
Le son de sa voix me semble familier et il me faut environ dix secondes malgré la souffrance pour savoir qui est cet inconnu. C'est lui. C'est James. Je dois rêver, je suis à San Francisco et lui à Washington.
—Monsieur s'il vous plaît, laissez-lui le temps de se remettre. Elle a subit un important traumatisme crânien et a eu de nombreuses blessures. Elle été pratiquement en hypothermie en arrivant ici, alors, laissons à son corps le temps de se remettre.
—Elle s'est presque tuée à vouloir aider les autres !
J'ai envie de crier et de lui dire que je suis là et que je l'entends, mais je ne peux pas. Je n'arrive à rien sauf à refermer mes yeux une nouvelle fois afin de sombrer dans mon petit paradis.
Ce matin, ou cet après-midi, ou ce soir je n'en sais rien, je me réveille. Cette fois, ma tête me fait moins mal qu'hier, enfin, la dernière fois où j'ai été consciente. J'écoute ce qui se passe autour de moi mais n'entends rien à part ce petit bruit. Comme un léger souffle ou bourdonnement je ne saurais dire. J'ouvre difficilement mes yeux sans avoir de grosses douleurs en suivant, ce qui est une petite victoire. La première chose que je vois est la silhouette de James allongée près de mon genou gauche. Avant de le réveiller, je prends le temps d'observer mon bandage à ma cuisse gauche ainsi qu'à mon bras droit. Ça aurait pu être pire. Oh mon dieu ! Les enfants, Addelyn ! J'essaye de me lever pour partir à leur recherche mais ma minable tentative échoue rapidement lorsque je me rends compte que toutes ces blessures me font un mal de chien et que je ne peux pas bouger. On toque doucement à la porte. Ne sachant pas quoi dire j'attends sans un mot. La porte s'ouvre sur une infirmière qui me fait sans doute son sourire le plus éclatant. Sur son badge, je peux y lire Josie.
—Vous êtes réveillée, c'est super dit-elle en chuchotant.
Je me contente d'hocher la tête.
—Comment allez-vous ?
—J'ai moins mal à la tête mais mes blessures au niveau de mes bandages me font souffrir je parviens à dire.
—C'est normal.
Elle finit ses contrôle post-op' et avant qu'elle ne parte je lui demande :
—Quel jour sommes nous et depuis combien de temps est-il là ?
—Nous sommes dimanche quinze et votre petit-ami est là depuis vendredi.
Elle n'ajoute rien de plus et quitte la chambre. Dimanche. Dimanche ! Ça fait deux jours que je dors ! C'est impossible. Quant à James... James. Mon "petit-ami" comme dirait l'infirmière. Jamais de la vie. Comment a-t-il pu venir si vite et pourquoi est-il là ? Pendant que je fais mon petit monologue interne, je le sens remuer contre moi. Il doit avoir un mal de dos pas possible à rester couché comme ça. Je passe ma main dans ses cheveux et il ouvre ses beaux yeux. Il me fait un grand sourire. Je le lui retourne et ses yeux s'emplissent de larmes. Cela me donne un gros coup au coeur en le voyant dans cet état. Le voir comme ça me fait de la peine.
—James ne pleures pas.
Il ne parle pas et seul son regard me dit combien il a souffert ces derniers jours.
—Emylia ...
Je lui essuie ses larmes de ma main gauche.
—J'ai eu l'impression de vivre cet accident à tes côtés.
Soudain je me rappelle l'accident de sa mère. Il doit se sentir mal pour sa soeur.
Il s'approche un peu plus de moi et me regarde droit dans les yeux comme pour me demander la permission. Je ne dis rien et il dépose ses lèvres sur les miennes. Son baiser est aussi léger que de la soie et aussi chaud que du feu. Il me rend dingue. Je glisse ma langue entre ses lèvres et il lâche un profond soupire comme s'il le retenait depuis des jours. Ami avec avantages me dicte ma conscience.
—James, comment va Addelyn ?
—C'est à ça que tu penses lors de notre baiser d'amitié ? dit-il en souriant.
—Tu sais bien que c'est faux, je m'inquiète pour elle et pour cette famille.
Il fait une tête bizarre mais se reprend vite lorsque je le regarde avec un air interrogateur.
—Elle va bien ne t'inquiètes pas. On va aller la voir après que tu aies un peu récupéré. D'abord, il faut que tu manges.
—D'accord.
Il se lève de son siège et va chercher le plateau repas posé dans un coin de la chambre que je n'avais même pas remarqué. J'en conclus qu'il doit être midi. J'aperçois que des roses, des tulipes et des pivoines sont posées sur le petit meuble dessous la télé.
—Elles viennent de toi ?
Il se rapproche et avec son air gêné que j'aime tant et me dit :
—Les roses sont de moi, les tulipes de mon père et les pivoines de tes amis.
Je manque de m'étouffer mais parviens juste à toussoter.
—Ton père est là ? Et où sont Dalya, Jack, Wedd et Dev ?
—Oui, il est venu vous voir toutes les deux. Vous nous avez fait peur. Quant à tes amis, ils sont passés ce matin.
Il me tend ma première bouchée de purée et mon estomac se réveille en me criant combien il a souffert ces deux derniers jours.
—Emylia je n'arrive pas à croire que tu sois réveillée.
—Je vais bien.
—Non, justement, c'est pour ça que je veux être là jusqu'à ce que tu rentres.
Il reste ? Vraiment ?
—Tu comptes rester à San Francisco ? Tu as tes matches qui vont reprendre.
—Je ne veux plus être séparé de toi. Tu es plus importante que mes foutus matches.
C'est peut-être vraie mais je ne suis pas convaincue.
—Tu dois avoir sûrement mieux à faire à Washington.
Je ne peux pas le contraindre de rester ici. Je ne veux pas être un boulet.
—Emylia, tu viens d'avoir un accident !               
Je lève les yeux au ciel.
Il souri et je passe le bout de mes doigts sur sa barbe naissante.
—C'est nouveau ça ?
—Tu aimes ?
Je m'imagine déjà sa tête entre mes cuisses avec... Je passe ma langue sur mes lèvres et rougis rien qu'en imaginant la scène.
—Je crois avoir deviné dit-il en me faisant un clin d'œil.
En me réveillant de ma petite sieste en compagnie de James, je me sens comblée. Abats les définitions du dictionnaire, je suis comblée point barre. Peu avant de piquer un somme, il m'a aidé à me doucher. Ça m'a fait le plus grand bien et j'ai pu enfin me détendre. J'ai toujours mal à ma jambe et à mon bras mais les infirmières sont au top puisqu'elles me donnent de quoi faire passer la douleur. J'ai quand même des égratignures sur le visage puisque j'ai défoncé le pare brise mais je m'en fiche, elles vont guérir rapidement. Lorsque je m'assois sur le fauteuil roulant que James m'apporte, j'émets un gémissement de douleur en m'asseyant. Nous allons voir Addelyn. J'espère sincèrement qu'elle va bien. James ne m'en a pas dit plus sur elle ni sur la famille de l'autre voiture. Nous arpentons les couloirs et quelques instants plus tard nous nous retrouvons devant la chambre 155. James me pousse pour entrer et j'aperçois Addelyn me faisant un énorme sourire.
—Ma chérie tu es réveillée ! Comment vas-tu ?
—J'ai encore un peu mal à ma jambe et à mon bras mais ma tête va mieux. Et toi Addy, comment est-ce que tu vas ? J'étais très inquiète pour toi.
—Je vais bien. J'ai quelques égratignures et je me suis luxée l'épaule gauche mais ça aurait pu être pire si les pompiers n'étaient pas arrivés rapidement. Emylia, tu m'as sauvé la vie. Tu nous as sauvé la vie.
—C'est vrai dit leur père en entrant dans la chambre.
—Monsieur Parklay.
Il me regarde en haussant les sourcils.
—John.
—C'est mieux. Comment vas-tu ma grande ?
—Ça va.
Je suis un peu gênée sachant que je ne suis rien d'autre qu'une conquête de plus pour son fils. Je ne suis que de passage.
—Emylia je voudrais te remercier pour tout ce que tu as fais pour cette famille.
—Ce n'est rien, vraim...
—Non Emylia me coupe Addy. Tu nous a tous sauvé. Je t'en serais éternellement reconnaissante.
Elle se penche et essaye du mieux qu'elle peut de me faire un câlin malgré le fait que je sois dans un fauteuil. Lorsqu'elle m'étreint, je l'entends me murmurer un merci à l'oreille. J'en ai les larmes aux yeux.
—Je t'en prie.
—Tu veux que l'on retourne dans ta chambre pour te reposer ? me propose James.
—Je veux bien.
Nous embrassons une dernière fois la famille de James puis il me reconduit dans le couloir. Lorsqu'il me pousse, il fredonne Love's on the way de Sebastian Kole et je ne peux que l'apprécier davantage. Il a donc retenu quelques unes de mes musiques, le cachottier. Lorsque nous passons devant une chambre en longeant le couloir, je reconnais le petit garçon de l'accident.
—James attends.
Il ne s'arrête pas.
—James arrêtes toi !
Il se met face à moi l'air un peu paniqué. Je lui explique que dans cette chambre il y a le petit garçon que j'ai sauvé et que je souhaiterai le voir.
—Tu en est sûr ?
—Oui.
Il fait marche arrière et toque avant d'entrer. Lorsque nous pénétrons dans la pièce, un couple de l'âge de mes grands-parents est assis sur une petite chauffeuse.
—Puis-je vous aider ? me demande la dame.
—Je suis ...
Je n'arrive pas à trouver mes mots. Pendant que je bafouille, le petit garçon ne cesse de me fixer et je remarque qu'il a un plâtre à la jambe droite. Il s'est cassé la jambe et je ne l'avais même pas remarqué ce jour-là ? J'aurais dû l'aider !
—Mademoiselle ?
—Emylia on devrait y aller.
—Mamie c'est elle la dame de l'accident chuchote le petit garçon à sa grand-mère.
Je regarde la femme un peu perplexe. Elle et son mari se lèvent et tous deux se baissent pour me prendre dans leurs bras. Je ne fais jamais de câlin à de pareils inconnus mais cela signifie beaucoup pour moi à cet instant précis. Ce moment est tellement chargé d'émotions que j'ai une nouvelle fois les larmes aux yeux. Tu dois être forte Emylia.
—Je ne pourrais jamais vous remercier d'avoir au moins sauvé mes petits-enfants me dit son mari.
Au moins ses petits-enfants. Qui n'a pas survécu ? Oh mon dieu, le petit garçon et sa jeune sœur auraient perdu leur mère ou leur père ? C'est terrible. Qui plus est, ce jour-là, le garçon m'avait demandé si ses parents allaient mourir. J'aurais dû lui dire la vérité. Non. Je n'en sais rien. Mince.
—Qu'est-il arrivé au reste de votre famille ? Comment vont sa sœur et ses parents ?
La dame s'essuie le coin des yeux avec un mouchoir en tissu et se rassoie sur le canapé. L'homme me regarde droit dans les yeux et me dit :
—Ils sont ... Eh bien, ils sont aux soins intensifs.
—Mon dieu que s'est-il passé ?
—Notre fils a reçu un important choc à la tête. Notre belle-fille, eh bien... elle est dans un coma artificielle le temps que son corps guérisse de toutes ses blessures.
—Je suis sincèrement désolée.
—Vous n'y pouvez rien, ce n'est pas de votre faute.
—J'aurais dû les sortir de la voiture.
—Non. Vous avez fait ce qu'il fallait.
—Princesse, tu devrais vraiment aller te reposer me dit James.
Mes yeux me piquent et je commence à avoir un peu mal à la tête. Je crois qu'il a raison. Je ferai mieux d'aller me reposer.
—Raccompagnes-moi s'il te plaît.
Lorsqu'il me prends dans ses bras pour que je puisse m'endormir, c'est comme la rencontre fortuite du feu et de la glace. C'est fort, puissant et explosif. Je me sens chez moi avec ma tête au creux de son cou. Finalement, c'est comme si ça avait été toujours le cas. Comme si je n'étais jamais partie.
—J'ai eu la peur de ma vie en croyant te perdre. Tu sais, je t'ai entendu Emylia... j'ai entendu la souffrance dans ta voix et la panique qui y régnait. Je donnerai n'importe quoi pour pouvoir changer la donne et inverser les rôles.
—Non James, ce n'est rien.
—Arrêtes de faire comme si ce n'était pas grave. Tu as essayé de sauver ces gens dont ma sœur et je t'en serais éternellement reconnaissant. Tu as donné ton manteau à ces jeunes enfants et tu es arrivée ici pratiquement en hypothermie.
—Toi aussi tu l'aurais fais.
Il feint de ne pas m'entendre et continue :
—Je ne sais pas ce que je ferai sans toi à mes côtés pour l'éternité.
L'éternité ? Pour quelques semaines oui.
—Imagines si ça avait été moi ce jour-là.
En repensant à mon calvaire dans ce froid glaciale et à tout ce que j'ai dû endurer, je suis parcourue de frissons. Le pire c'est d'imaginer James affronter ça tout seul. Lui perdu dans une ville qu'il ne connaît pas, ne sachant pas trop comment faire pour secourir tout le monde et souffrant le martyr me glace le sang. Songer à ce que James frôle la mort me rend mal. Cela s'est déjà produit il y a quelques semaines et je donnerai tout pour que cela ne se reproduise plus jamais. Je m'effondre dans ses bras. Il me dit :
—Tu vois, c'est horrible.
Je le comprends maintenant. Je ne peux imaginer James vivre un tel supplice. Comment puis-je passer le reste de mes jours sans lui à mes côtés ? Du bout des doigts, il me prend le menton et je vois des larmes s'échapper de ses yeux.
—Regardes à quoi on ressemble là à pleurer.
Il me fait taire d'un baiser chaud et humide et je m'abandonne contre lui. Je sens le sommeil s'approcher doucement et me dis que je peux enfin souffler. Je suis en vie et James est près de moi. Même si nous devons encore nous expliquer sur de nombreux sujets, il est ici et c'est tout ce qui compte. J'entends son léger souffle contre moi devenir régulier et je me laisse à mon tour sombrer dans un profond sommeil.

When it all begin tome 1 (TERMINÉ)Where stories live. Discover now