Chapitre 40

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    Ce matin, je suis légèrement fatiguée. Hier, James et moi avons parcouru tout Paris afin qu'il me fasse visiter. J'étais épuisée mais ça en valait le coup. C'était si beau. La neige rajoutait même un certain cachet. Nous avons commencé nos visites par le Musée du Louvre. C'est impressionnant le monde qu'il pouvait y avoir dans la queue. Après avoir passé presque une demi-heure à attendre pour prendre nos tickets avec un James très impatient, nous avons enfin pu accéder au monument. L'extérieur était magnifique mais l'intérieur était époustouflant. Je crois que mon œuvre préférée est "La liberté guidant le peuple" d'Eugène Delacroix. C'est impressionnant comme le peintre a su faire passer un message aussi fort à travers sa toile. Nos visites se sont poursuivies par notre passage au Trocadéro, au Champs de Mars et à la Tour Eiffel. Au vu du monde, nous ne sommes pas montés mais j'espère pouvoir le faire un jour. Bien évidemment, j'ai eu l'occasion de faire les magasins au Boulevard Haussmann et aux Champs-Élysées. Je crois que James a eu sa dose de boutiques pour un moment. Il a vraiment été parfait toute la journée et je lui en suis reconnaissante pour ça.
    En ouvrant les yeux, James n'est pas à mes côtés. Je me roule en boule dans la couverture et fronce un peu les sourcils à la vue de la luminosité matinale. Je tends mon bras vers la petite table de chevet et attrape mon téléphone. Il est déjà neuf heures. Je crois que je me suis finalement bien habituée au décalage horaire. J'ai quelques messages de mes parents qui me supplient de les appeler et un message de mon frère me demandant comment est-ce que je me porte. Je ne répond qu'à mon frère. J'en veux encore à nos parents. Je ne me sens pas encore prête à discuter avec eux. Je me dégage de la couette et mets un jogging afin d'aller prendre mon petit-déjeuner.
Dans la cuisine, je n'y trouve seulement que Justin et Georges.
—Bonjour Emylia, comment vas-tu ? me demande Justin.
—Ça peut aller et toi ?
—Également.
Je m'assois à la table familiale et me surprends à me demander comment cela se fait qu'il n'y ait pas grand monde. Je sais que Justin et Hadley vont bientôt partir ainsi que la famille de James mais quand même. Où sont-ils tous passés ? Pourquoi la maison est-elle si silencieuse ? Même Georges, d'habitude bavard, ne dit pas un mot.
—Bonjour dit John.
Je lui dis bonjour à mon tour accompagné d'un sourire mais il ne me le rend pas. Que se passe t-il ? Attendez, nous sommes le vingt-sept décembre... C'est aujourd'hui. Cela fait dix ans qu'Anne est décédée. Je comprends mieux. James. Je n'ose imaginer ce qu'il doit ressentir.
—Vous savez où est James s'il vous plait ?
—Il doit être parti marcher me dit Justin du tac au tac.
James ? Aller marcher ? Il doit tellement se sentir mal et j'aimerai être là pour lui. Je termine de manger mon croissant et remonte rapidement dans la chambre. Je lui envoie un rapide message avant d'aller me doucher.
    Arpentant le Jardin du Luxembourg, je suis à la recherche de mon beau brun. Il m'a envoyé un message tandis que j'étais sous la douche. Effectivement, il était en train de marcher. Je le trouve au bout de dix minutes, seul, assis sur un banc. Je m'approche doucement pour bien qu'il me voit arriver et qu'il se fasse à l'idée qu'il n'est plus seul. Je m'assois près de lui. Je lui offre un doux baiser.
—Tu m'as manqué je lui dis.
Il ne me répond pas.
—Je sais ce qui ne va pas mais je veux te dire que même si tu ne veux pas en parler, eh bien, je suis là.
—C'est vrai ?
—Je tiens à toi James alors ne doutes pas de ça.
Je passe mes doigts sur le bout de sa barbe.
—Dis-moi tout.
Il prend une grande inspiration.
—Elle me manque.
—Tu devrais aller déposer des fleurs une fois que l'on rentrera aux Etats-Unis.
Il souffle et se lève faisant les cent pas devant moi.
—Tu ne comprends vraiment rien.
Je préfère ne rien dire et le laisser poursuivre.
—Le truc c'est qu'elle est ici.
Je ne saisis pas.
—Comment ça ?
—Elle est enterrée ici.
Mais ? C'est donc pour cela qu'il y a des discordes familiales. J'avais deviné. Georges et Elizabeth ont voulu garder leur fille auprès d'eux.
—Tu veux qu'on aille poser des fleurs ?
Il se frotte la nuque.
—Mais arrêtes avec ces fichues fleurs putain ! Écoutes, je n'ai pas besoin que tu me traites comme un enfant d'accord ? J'ai juste besoin de respirer alors laisses-moi aujourd'hui.
—Je veux juste t'aider.
—Je n'ai pas besoin de toi et je n'en aurai jamais besoin compris ?
Je peux concevoir qu'il se sente mal mais de là à me parler comme il le fait je ne peux l'accepter.
—J'y vais. A plus.
Je marche aussi vite que je peux mais je l'entends derrière moi. Il me prend par le bras.
—Emylia s'il te plait ne m'en veux pas. On va faire ça. Je ne veux pas te perdre.
—C'est pour toi pas pour moi.
Il acquiesce.
    Nous avons été dans de nombreux fleuristes avant que James ait enfin choisi les fleurs qu'il souhaitait déposer devant la tombe de sa mère. Il ne cesse de remuer sa jambe dans notre Uber. Il est tendu. Lorsque la voiture s'arrête, je pose ma main sur la sienne.
—Tu vas y arriver.
Il me fait un léger sourire crispé et nous descendons.
Nous arpentons les allées du cimetière jusqu'à trouver la tombe d'Anne. Elle est propre et quelques fleurs y sont déposées. On voit que sa famille passe régulièrement. Je ne sais pas quoi penser ni quoi faire. Je me tiens devant la tombe de la mère de l'homme avec qui je partage mes nuits. Dans un de mes rêves les plus lointains, j'aurai pu être sa belle-fille. Je suis tellement triste pour James. J'espère qu'il peut enfin admettre que ce n'était pas de sa faute si sa mère a eu cet accident.
—Tu veux que je te laisse quelques instants ?
—Non. Restes avec moi.
Il dépose le bouquet et garde un visage fermé.
—Tu étais déjà venu ?
—À l'enterrement.
Le pauvre. Il était si jeune. Il ne lui a pas vraiment dit au revoir finalement.
—James, prends quelques minutes, tu en as besoin. Ne me dis pas que je te traite comme un enfant car c'est faux.
Je m'éloigne un peu et réalise en arpentant les allées que la vie ne tient vraiment qu'à un fil. Quand j'ai aperçu "Anne Parkley, à notre mère, soeur et fille bien aimée", j'ai soudain pris conscience que mes petites histoires avec mes parents n'avaient aucune importance. Enfin, cela a de l'importance mais pas au point de ne plus leur parler. Je pense que James payerai cher pour parler encore une fois à sa mère alors je ne peux me permettre de faire l'enfant. C'est fou de se dire que derrière chaque tombe se cache une personne qui était autrefois aimée, choyée et qu'à présent, ceci n'est plus possible. J'ai énormément de peine pour James. Personne ne mérite cela. Après environ une dizaine de minutes, je décide d'aller le retrouver. Quelques larmes coulent sur ses joues et cela me brise le coeur. Je déteste le voir dans cet état. Dès qu'il va mal je me sens si impuissante que cela me déchire. Lorsqu'il m'aperçoit il me prend dans ses bras.
—Merci de m'avoir permis de lui dire au revoir Emylia. Elle t'aurais aimé j'en suis certain.
Je hausse les épaules.
—Tu sais, je crois que tu avais raison dit-il en essuyant une larme. Ce n'est pas de ma faute si elle est morte et putain je m'en veux seulement de ne pas avoir pu lui dire au revoir une dernière fois. Elle me manque terriblement.
Je le prends dans mes bras.
—James ? dit une femme.
Nous nous tournons au même moment et apercevons Elizabeth et Georges.
—Je suis contente que tu sois venue.
—Emylia on s'en va.
—Mais James...
—Putain Emy on s'en va !
Je sursaute légèrement tout comme Elizabeth. J'en ai assez qu'il fasse des excès de colère comme ça. Je peux comprendre qu'il leur en veuille mais il faut qu'il arrête de s'énerver comme ça sur moi.
Voyant que je ne bouge pas, il souffle et part tout seul. Encore une fois.
    Seule dans la chambre, je décide d'allumer mon ordinateur et de me mettre un peu au boulot. Certains de mes examens approchent et je n'ai pas envie d'échouer. Je suis perplexe quant à la validation de mon année car il y a une grande sélectivité. J'ai très peu de chance de réussir. Ce n'est pas le moment de baisser les bras. Au moment où je termine de préparer mes fiches, on toque à la porte. Elizabeth fait son entrée.
—Emylia, je suis terriblement désolée pour l'incident de tout à l'heure.
—Ce n'est pas à vous de vous excusez je dis en souriant.
Elle s'assois sur la chaise près de la coiffeuse.
—Je voulais te dire que ce soir nous allons tous manger dans un restaurant qu'Anne aimait beaucoup. Puisque cela fait dix ans et que demain tout le monde repart de son coté, nous nous disions que nous aurions pu nous retrouver au cours d'un dîner. Qu'en penses-tu ?
—Je me ferai une joie de venir.
—Très bien. J'ai envoyé un message à James pour que vous nous rejoignez là-bas à dix-neuf heures.
—Parfait.
Elle quitte la pièce et je réfléchis à ce que je pourrai porter ce soir. J'ouvre le placard et prends une petite robe rouge et des collants à pois noir. Avant de me préparer, je dois terminer mes révisions
    Mes escarpins aux pieds et mon manteau sur le dos, j'envoie un énième message à James. Il est sept heures moins le quart et il n'est toujours pas là. Qu'est-ce qu'il a bien pu faire pendant toutes ces heures ? J'essaye une dernière fois de l'appeler mais ayant l'impression de parler plus souvent à son répondeur qu'à lui-même, je décide de me débrouiller pour aller au restaurant par mes propres moyens. Je sors de la maison et commences à marcher en ouvrant la map de mon téléphone. Je suis censée marcher vingt-minutes. Je ne vais jamais y arriver avec ces chaussures. Quelle idée ai-je eu de croire que pour une fois tout allait bien se passer ? Je mets mes écouteurs, marche avec détermination et une bonne quinzaine de minutes plus tard, j'arrive devant le restaurant. Je regarde mon téléphone et y lis sept-heure dix. Je vois par la baie-vitrée que tout le monde est déjà là excepté mon beau brun. Je suis morte de honte lorsque je me présente devant le serveur et qu'il me conduit à notre table.
—Je suis vraiment désolée.
Tout le monde me regarde.
—Emylia tu sembles frigorifiée, où est James ? me demande John.
Je suis soudainement gênée.
—Il n'est pas venu je suis navrée.
—Mais comment es-tu arrivée jusqu'ici ? me lance Addelyn.
—À pied.
John souffle.
—Emylia, tu aurais dû nous appeler. Je suis désolé.
Il n'a pas à l'être. Il me fait signe et je pars m'assoir entre lui et Anaëlle. James fait son entrée. Il nous fait un large sourire et je comprends de suite qu'il a bu. Pas au point d'être ivre mais il n'est pas sobre pour autant.
—Bonsoir chérie dit-il en s'asseyant face à moi.
Je suis outrée, quel culot. Je ne réponds pas.
Un serveur arrive et prend nos commandes. Ce sera une pièce de boeuf pour ma part.
—Un verre de rosé ? me propose John.
—Volontiers, merci.
Boire une gorgée de vin me fait un bien fou. Je me détends un peu essayant tant bien que mal de ne pas croiser le regard de l'homme face à moi. Le serveur revient.
—Excusez-moi madame, je ne vous ai pas demandé pour la cuisson de votre viande dit-il en bredouillant légèrement.
—Saignant s'il vous plait je dis en souriant.
James me donne un coup sous la table.
L'homme prend note et s'éloigne tandis que James bois une gorgée de rosé.
—Tu n'en as pas assez ? je demande.
—Tu irais bien faire tomber ton tanga pour lui n'est-ce pas ?
J'hausse les sourcils.
—Tu es jaloux ?
—Jaloux ? Tu ne me plais même pas.
Super. La soirée s'annonce bien.
J'essaye au maximum de parler avec tout le monde pendant le repas afin d'éviter de croiser le regard de James. Tout le monde voit bien qu'il y a un problème et je ne sais pas quoi faire. À chaque fois que le serveur s'approche de notre table j'ai l'impression que James est prêt à bondir de sa chaise. Il n'est pas jaloux mais remué par tout ce qui se passe aujourd'hui. Lorsqu'il répond sèchement à son père qui lui propose un simple verre d'eau, je ne peux plus retenir ma langue.
—C'est quoi ton problème ? je chuchote.
—Arrêtes de me prendre pour un gosse ça m'énerve. Ton comportement me dégoute.
Quelques regards nous sont jetés.
—Attends, quoi ?
—Tu sais bien que lorsque je suis comme ça je peux dire n'importe quoi et te détruire alors ne me cherches pas avec ce serveur.
—C'est donc ça le problème ?
Il souffle. Je crois que son alcool est redescendu.
—Tu fais tout pour m'énerver. T'es là dans ma famille à jouer à la fille gentille alors qu'au final tu es tout le contraire. Tu fais ça alors que tu vas me briser le coeur tôt ou tard dit-il.
De quoi ?
—James je crois que vous devriez discuter de cela... dit John
—Je voudrais porter un toast dit-il en prenant son verre et en élevant légèrement la voix. Je vous déteste tous. Toi papa parce que tu n'as pas été capable de te battre pour maman lorsqu'elle est décédée afin de l'avoir auprès de nous. Vous, mes chers grands-parents pour nous avoir privés de pouvoir nous recueillir sur la tombe de notre mère. Et le meilleur pour la fin ou plutôt, devrais-je dire la meilleure, Emylia. Je te déteste plus que tous ceux autour de cette fichue table. Vous savez quoi ? Nous ne sommes même pas ensemble. C'est juste une fille comme ça pour m'occuper et j'ai juste voulu jouer le jeu face à vous. Emylia est juste un plan cul insignifiant. Barres-toi de chez moi, tu ne comptes pas plus que Jessica n'est-ce pas beauté ?
Tout le monde me regarde et je sens mes larmes prêtes à couler sur mes joues. Comment a-t-il pu ? Je me sens humiliée comme je ne l'ai jamais été. Je me lève sous le regard de tous les gens du restaurant ayant entendu son petit discours et dis tout bas :
—Je suis désolée je vais y aller.
Je parviens à le regarder qui arbore un regard que je n'avais jamais vu même dans nos pires moments. Il me répugne.
—C'est terminé.
Avant de partir, j'enlève la bague qu'il m'avait offerte à Noël et la lui tends.
—Finalement tu m'auras brisé un peu plus chaque jour.
Il la prend et la jette sur la table tel un objet insignifiant.
Je quitte le restaurant et dans une rue non loin de là, je m'assois sur un banc et m'effondre. De nombreuses larmes roulent sur mes joues et je ne peux m'arrêter de pleurer. Où est-ce que je vais aller ? Je n'en ai aucune idée. Mon téléphone vibre et un message de Michael apparait. Je compose son numéro et il décroche immédiatement.
—Allô ?
Je renifle un peu.
—Michael s'il te plait aides-moi...
—Emylia qu'est-ce qui se passe tu vas bien ? dit-il très inquiet.
—Viens me chercher s'il te plait j'ai besoin de toi je n'ai nulle part où aller je t'en prie je dis en pleurant à chaudes larmes.
—Dis-moi où tu es je pars de chez moi.
Je lui indique ma position et une dizaine de minutes plus tard, une berline s'arrête devant moi. Michael sort en trombe de la voiture et me prend dans ses bras.
—Que se passe t-il ? dit-il en arborant un regard que seul un grand frère peut faire envers sa petite soeur en train de pleurer.
—Il s'est passé quelque chose au restaurant et je ne sais pas où aller... je dis en essuyant une larme.
—Viens à mon appartement. Tu peux y dormir si tu veux. J'ai une chambre d'ami. Tu m'expliqueras tout en chemin.
—Merci je dis en le serrant un peu plus fort.
Son chauffeur m'ouvre la portière et nous nous glissons à l'intérieur de l'habitacle. De là, je commence mon récit.

When it all begin tome 1 (TERMINÉ)Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum