Chapitre 6

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La mi-temps est annoncée, Hadley part rejoindre Justin sur le banc de touche tandis que je reste tranquillement avec Jack.
⎯Comment trouves-tu le match ?
⎯On est en train de gagner, c'est génial ! s'exclame mon ami.
Je continue de parler des moments clés de la première période avec lui sans que je ne mentionne le fait que James ait marqué trois essais durant la première mi-temps. Notre conversation dévie sur San Francisco, lieu de résidence de sa petite-amie. Apparement ils ont une équipe de rugby de taille là-bas.
⎯Ce n'est pas trop dur d'être loin d'elle ?
⎯Si, parfois, mais on s'aime. Dalya vit là-bas parce qu'elle étudie dans une école de cuisine très prestigieuse. Elle est impressionnante !
⎯C'est génial ce qu'elle fait. J'adore cuisiner ! Tu crois qu'elle pourrait m'apprendre quelques petits trucs ?
⎯Justement, je dois me rendre là-bas deux semaines, en décembre. Son cousin et elle y ont une villa, tu n'as qu'à m'accompagner. J'en parlerai à Dalya.
Prise au dépourvu, je ne sais pas comment réagir. Cela m'apprendra à ne jamais me taire quand il le faut.
⎯Je ne veux pas me taper l'incruste...
⎯Tu rigoles ? Ça me ferait plaisir que tu viennes ! Je te tiens au courant dans la semaine.
⎯On partirait quand ?
⎯Ce serait pendant deux semaines à partir de vendredi prochain. On rentrerait avant Noël. Qu'en dis-tu ?
⎯Ce serait génial !
Je ne m'étais même pas aperçue que le match avait recommencé jusqu'à ce qu'Hadley revienne, trois hot-dogs à la main.
⎯Je me suis dit que vous en voudriez un.
⎯Tu es trop gentille, merci Had !
Mon portable vibre une fois pendant le match. Mon père essaye de me joindre sans doute à propos de mon séjour chez eux. Je lui envoie un message et lui dis que je le rappelle d'ici une vingtaine de minutes.
À la fin du match, je m'éloigne des gradins pour le rappeler près d'une barrière loin de tout bruit.
⎯Papa ! Désolée, j'étais à un match. Tout va bien ?
⎯Ça va. Je t'ai pris ton billet d'avion.
⎯J'aurais pu me le payer.
⎯C'est trop tard. Et je ne t'aurais pas laissé faire. Ton vol est demain.
⎯Demain ?! C'est trop cool, merci !
J'ai tellement hâte de retrouver mes parents. Ils me manquent tellement. Mon père est trop bon, j'aurai pu me payer mon billet. Comme à son habitude il veut toujours bien faire.
⎯De rien, ma chérie. On se voit demain, alors. Passes une bonne fin de journée.
Nous raccrochons et je retourne vers là où mes amis sont assis. Ils ont disparu. Super. Je tente d'appeler ma meilleure amie mais me retrouve sans cesse sur sa messagerie. Je jure connaitre son numéro par coeur à force de tomber dessus. Je pense parler plus à sa boite vocale qu'à elle même.
⎯Besoin d'aide ?
Je sursaute et me retourne pour apercevoir que mon rugbyman favori est près de moi. Il me colle presque, ça m'empêche de respirer.
⎯Non, c'est bon.
⎯Si tu cherches Hadley et Jack, ils sont partis.
C'est quoi ce délire ? Pourquoi Had m'aurait-elle laissé seule ici ?
⎯Je peux te ramener si tu veux lance t-il.
⎯Jamais de la vie.
⎯Les amis, ça s'entraide.
Je ris devant la stupidité de sa phrase.
⎯Pourquoi tu rigoles ?
⎯Pour rien. D'accord, je veux bien que tu me ramènes.
⎯Avant, je dois juste récupérer les trois ballons qui traînent sur le terrain ainsi que mes
affaires aux vestiaires.
⎯Je vais t'attendre ici.
⎯Tu peux venir sur le terrain, ce n'est pas interdit si tu es avec moi.
J'accepte. Je passe sous la barrière en métal et le rejoins sur le terrain. Nous marchons côte à côte en silence. Je suis bien trop obnubilée par ce qui m'entoure pour dire quoi que ce soit. Rien que d'imaginer des centaines de personnes hurler mon nom pour mener mon équipe à la victoire est déstabilisant.
⎯Impressionnant, n'est-ce pas ?
⎯Très.
⎯C'est ce que je ressens à chaque fois.
⎯Pourquoi as-tu commencé le rugby ?
⎯Ici, c'est un peu notre sport et, quand j'étais petit, j'allais souvent voir des matchs avec ma mère avant qu'elle ne...
James ne termine pas sa phrase et soupire.
⎯Je suis désolée pour ta mère dis-je pour tenter de combler sa gêne.
⎯T'es au courant ?
⎯Oui. Mais si tu n'as pas envie d'en parler, je comprends.
⎯Ça va peut-être te paraître stupide mais j'aime parler avec toi.
Surprise, je me tourne vers lui en fronçant les sourcils.
⎯Pour le peu qu'on parle.
⎯Ne te mens pas à toi-même, Emylia. Tu aimes bien ma compagnie, toi aussi.
⎯Il me semble qu'il y a une différence entre discuter et aimer une compagnie, non ?
⎯T'es dure.
Je hausse les épaules, sans véritablement m'excuser. En fait, je ne sais même pas si j'aime parler avec lui et si j'aime sa compagnie. Je ne suis pas dure je ne sais juste pas quoi penser de tout cela. Bon, c'est vrai qu'il y a des façons de dire les choses.
⎯J'allais souvent voir des matchs, et à mes sept ans, mes parents ont décidé de m'inscrire. Depuis ce jour, je n'ai jamais raté un seul match.
Je comprends alors que ce mec qui peut paraître bizarre est tout simplement normal. Il peut même s'avérer gentil lorsqu'il le souhaite.
⎯Tu veux essayer ?
⎯De quoi ? Le rugby ?
⎯Oui.
⎯Je suis nulle... Je n'y ai joué que quelques fois.
⎯On n'est pas à une compétition, Emylia. On est que tous les deux, et on s'amuse.
⎯Très bien... Mais tu dois me dire comment tu veux qu'on procède.
James sourit, visiblement heureux, et commence à m'expliquer quelques techniques.
⎯Vu que nous ne sommes que tous les deux, je vais te lancer le ballon et tu vas tenter de marquer l'essai. D'accord ?
⎯Et toi, dans tout ça ?
⎯Je vais essayer de te plaquer, dit-il en souriant.
⎯Alors autant ne pas courir.
⎯Ça pourrait être marrant.
C'est à mon tour de sourire. J'enlève ma veste et me retrouve en débardeur tandis que James s'éloigne pour préparer son tir. Lorsque le ballon arrive vers moi, je saute presque pour l'attraper et me met à courir le plus vite possible jusqu'à l'extrémité du terrain. C'est plutôt simple, jusqu'à ce que James m'attrape et me plaque doucement au sol, ou presque, se retrouvant sur moi en souriant.
⎯Bien tenté, princesse.
Je rigole de la situation. C'était un peu stupide de penser que je pourrai y arriver. Il joue comme un professionnel. Je le regarde attentivement et redeviens sérieuse lorsque je remarque que nous n'avons toujours pas bougé. Il le constate aussi mais ne fait rien pour s'éloigner de moi. Au contraire, il se rapproche sans cesser de me regarder, ses lèvres à quelques centimètres des miennes.
⎯Qu'est-ce que tu me fais, Emylia ?
⎯Je...
L'espace entre nos bouches est de plus en plus restreinte mais ma raison me crie de stopper tout ça. Ce n'est pas raisonnable.
⎯Je ne peux pas.
Je me relève, prends ma veste et commence à courir jusqu'au parking. James me rattrape aussitôt et s'arrête face à moi.
⎯Je suis désolé.
⎯Ne le sois pas, c'est de ma faute.
⎯Non, pas du tout !
⎯Tu peux me ramener, s'il te plait ?
Il acquiesce et me tend ses clés le temps d'aller récupérer ses affaires. Je me retrouve seule sur ce parking me demandant quelle voiture est la sienne. Je bipe ses clés espérant entendre le bruit de sa voiture. Au moment où j'entends l'une d'entre elles, je m'avance. Je tombe nez à nez avec une Chevrolet Camaro de 1969. Grâce à mon père et à sa passion pour les vieilles voitures, je les connais par cœur.
Ne sachant pas trop quoi faire en attendant, je monte côté passager. Sa voiture sent le soleil et elle est très bien rangée. Je mets le contact et branche mon portable au fil jack pour écouter de la musique. Ce sera Fire on Fire de Sam Smith. Lorsque la porte s'ouvre, je sursaute, apeurée à l'idée qu'il ait pu m'entendre chanter.
⎯Alors, on chante princesse ?
Je préfère ne rien dire et il démarre après s'être attaché.
⎯Changes, j'aimerais voir ce que tu as dans ta playlist.
J'hésite entre accepter et refuser. Partager une playlist, c'est plutôt intime. Ça décrit bien une personne, et je ne suis pas certaine de vouloir que James puisse le faire.
⎯T'attends quoi ?
⎯Attends, je cherche un truc bien dépressif.
⎯Chialeuse.
Je lui fais un doigt d'honneur et lance Like That de Bea Miller. Lorsqu'elle entame les paroles, je me rends compte de l'ironie de la chose et l'ambiance devient gênante. Finalement, ça colle bien à la situation.
⎯J'aime bien celle-là, déclare James.
⎯Tu rigoles ?
⎯Ne me fais pas retirer ce que j'ai dit. Tu peux me passer ton numéro ?
Pourquoi le veut-il ? La simple hypothèse que ce soit pour quelque chose de plus éveille en moi une sensation étrange.
⎯Un s'il te plaît serait de trop ?
⎯T'es chiante.
Je le regarde attentivement pendant qu'il conduit, et son bref coup d'œil à mon égard me fait accepter sa demande. Je prends son téléphone pour y rentrer mon numéro.
⎯Ton code ?
⎯On n'en est pas encore là.
James prend son portable et le déverrouille avec son empreinte. Une fois fait, je vais dans ses contacts et rentre mes coordonnées, un ballon de rugby à côté de mon prénom. J'espère que ça le fera sourire autant qu'à moi.
Pendant tout le reste du trajet, je laisse défiler le reste de ma playlist jusqu'à ce qu'il se gare devant mon appartement.
⎯Merci, James.
Il me répond d'un simple hochement de tête.
⎯Tu veux nous rejoindre en boîte, ce soir ?
⎯Sérieux ? s'exclame-t-il en riant. T'aimes un peu trop passer du temps avec moi, à ce que je vois.
⎯Tu sais quoi ? Je retire ce que j'ai dit. Je voulais simplement être sympa.
Je sors de la voiture en claquant la portière et monte rapidement jusqu'à mon appart. Qu'est-ce qui m'a pris de vouloir être gentille avec lui ?
Dans le salon, je retrouve Hadley qui n'a pas l'air préoccupée de m'avoir laissé en plan.
⎯Merci de m'avoir laissé au stade, au fait.
⎯Je suis vraiment désolée, Emy ! Je t'ai cherché mais je ne t'ai pas trouvé...
⎯T'aurais pu m'appeler, ou décrocher quand je t'appelais.
⎯Désolée...
Justin fait irruption dans le salon et hausse un sourcil en me voyant.
⎯Comment t'es rentrée ? T'aurais dû m'appeler.
⎯Ton cousin m'a ramené.
⎯Ah bon ? Je pensais qu'il était au bar avec les autres. C'est ce qu'il m'a dit.
⎯Il t'a menti.
A t-il honte de trainer avec moi ?
Je pars dans ma chambre sans rien ajouter et me jette sur mon lit pour me reposer. Ce soir, je risque de me coucher bien tard.

When it all begin tome 1 (TERMINÉ)Where stories live. Discover now