Up and down

Chapitre 16 - Camille

Camille

Toute la journée, je ne cesse de me demander ce qui ne tourne pas rond chez lui. Je reste couchée dans mon lit, emmitouflée sous ma couette. Après ce qui s'est passé dans sa loge, je ne suis plus capable de rien. La faible lumière du jour, qui passe au travers des rideaux fermés, commence doucement à décliner. De ma vie entière, je ne me suis jamais sentie aussi humiliée. Marc, malgré tout ce qu'il m'a fait subir, n'arrive pas à la cheville de Jared dans ce domaine.

Je suis consciente que le fait de comparer deux personnes différentes en tous points semble tout sauf constructif. Ces deux-là n'ont rien en commun. Absolument rien.

Sauf qu'ils sont entrés dans ton cœur, me susurre cette saleté de petite voix intérieure que je fais taire immédiatement.

Marc est équilibré, Jared ne l'est pas.

Je pourrais patienter, attendre que le second m'accorde encore un petit morceau de son monde, mais je ne sais pas si je m'en sentirais capable. Question de survie primaire. Et primale.

De l'extérieur, je me rends bien compte que je dois paraître bête et futile. Mais, je sais ce que j'ai vu. Ce que j'ai ressenti. La personne qu'il a été à mon contact. Il y a le Jared que tout le monde croit connaître, torturé et grossier ; et celui, totalement différent, que j'ai tenu dans mes bras. Doux, gentil, tendre et apaisé. Celui qui cherche à mieux me connaître. Mais, pourquoi se donner tant de peine pour être aussi cruel l'instant d'après ?

Pour la centième fois de la journée, je ferme les yeux, bien décidée à tout oublier. Mais, je n'y arrive pas. Lorsque mon regard fermé rencontre l'obscurité de mes pensées, c'est pire que tout. Son visage, empli d'une haine incontrôlable, envahit chaque parcelle de mon cerveau.

Impossible de trouver un peu de paix dans ces conditions. J'essaie alors de repenser à Marc, à ce que j'ai perdu mais, en réalité, ça ne fait qu'empirer la situation. Je suis allée bien trop loin avec Jared pour que je puisse revoir mon ex-fiancé sans tout lui avouer. Et, là, il trouvera le temps de me dire qu'il ne veut jamais plus entendre parler de moi. Quel genre de fille suis-je pour, à peine avoir été délaissée, se jeter dans les bras du premier venu ? Et pas n'importe lequel, en plus.

Jared Tom !

La situation ne pourrait être pire. Je déteste la vision que j'ai de ma propre existence. Si j'avais voulu faire exprès de ruiner le peu d'espoir qu'il me restait avec Marc, je ne me serais pas mieux débrouillée. Tout ça pour quoi ? Pour un homme qui, à bientôt trente ans, ne sait probablement toujours pas faire la distinction entre le bien et le mal ?

Plus que sept semaines et quatre jours.

Non. Je rectifie. ENCORE sept semaines et quatre jours. Comment est-ce que je vais bien pouvoir tenir le coup ?

On ne va pas réussir notre collaboration dans ces conditions. Même si je n'en ai aucune envie, il va falloir que lui et moi ayons une discussion. Peut-être pas dans l'immédiat mais d'ici le concert de demain soir, il faudra bien rompre le silence.

Bien que je sois probablement la plus équilibrée des deux, je ne veux surtout pas être celle qui fera le premier pas. Je m'en sens totalement incapable. Rien que l'idée de savoir, qu'à cette heure-là, je devrais être en train de dîner avec lui et les autres membres de l'équipe me rend nauséeuse. Me dire que, d'ici demain, je serai à nouveau face à lui, me donne envie de tout laisser tomber. Est-ce que mon futur poste de rédactrice en chef vaut véritablement tous ces moments difficiles ?

Recluse entre ces quatre murs, je parviens à contenir ma colère. Mais, d'ici demain matin, qu'en sera-t-il ? C'est bien là tout le problème. Un million de pensées m'a déjà traversé l'esprit à ce sujet. J'en arrive toujours à la même conclusion. Il m'a paru tellement torturé qu'il ne lâchera rien. Il est indéniable que quelque chose de grave le perturbe, mais m'inclure dans la confidence ne fait pas partie de son plan. J'ai cru comprendre qu'il parlait avec son père. Je range soigneusement dans un coin de mon cerveau les quelques bribes de conversation de mes parents. La tension présente dans leurs propos ne m'avait pas échappé. Les menaces de mon paternel, non plus. Si, à l'époque, j'avais mis ça sur le compte du caractère ravageur de ma mère, maintenant je sais que quelque chose de grave s'est produit. Et que mes parents en savent beaucoup sur le sujet.

Je ne maîtrise plus rien. Mon équilibre fout le camp à une vitesse qui me déstabilise tant et tellement que je ne peux lutter contre tout ça. Je ne sais plus quoi faire, comment réagir, ni quelle solution adopter. J'ai menti à l'intégralité de mon entourage pour me retrouver à pleurer, comme une collégienne, au bout d'une journée à peine.

J'ai besoin de Justine. Plus que jamais. Il faut que je l'appelle.

Maintenant.

Par chance, elle répond à la deuxième sonnerie. Mue par un sentiment féroce d'être écoutée et entendue, je lui raconte tout. Absolument tout.