Chapitre 20 - Jared

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Jared


En entendant ces milliers de voix hurler mon nom, je ne ressens plus rien.

Finis l'adrénaline, l'échappatoire, l'oubli.

Je ne peux plus fuir. Cette fille vient de me mettre au pied du mur. J'ai la rage au ventre. Je ne sais pas ce qui m'arrive, pourquoi je ressens ça et, surtout, comment je vais réussir à me sortir de ce pétrin. Il n'y a qu'elle que je veuille vraiment. Le reste n'a plus d'importance. Elle me tient.

La foule ne me subjugue plus. Elle ne m'enivre plus. Ce soir, il ne s'agit que d'un simple boulot que je cherche à exécuter au plus vite. Mes chansons passent les unes après les autres. Je ne suis pas un salaud, je joue quand même le jeu. Je reste mystérieux quand on attend de moi que je le sois, je baisse le ton lorsqu'il le faut et je hurle en me déhanchant aux moments opportuns.

S'il était là, Alex me dirait que c'est le show de l'année. Il se baserait sur les dix-mille personnes présentes dans la salle qui s'époumonent comme jamais.

Seulement, je m'en fiche.

Je m'en tape.

Je m'en contrefous.

Tout ce que j'attends, c'est de la voir, elle. Juste elle. Devant moi, à me fixer avec étonnement. Comme la dernière fois.

Mais, je ne perçois rien. J'ai beau braver la lumière aveuglante et tenter de percer la foule pour l'apercevoir, rien ne vient. Ni elle, ni sa voix, ni sa silhouette.

Pourtant, je sais qu'elle est là. Tout près. Vu que le peu de matière que je lui ai fourni pour son prochain article, elle se trouve forcément dans les parages à tenter de glaner quelques informations. Mes croyances de serial-baiseur sont en train de voler en éclats. Putain. Je n'arrive à me concentrer que sur une seule chose. Elle. Je la veux. Je rêve de l'embrasser et de me plonger en elle. De la posséder jusqu'à en crever. Voilà ma réalité. Elle et rien d'autre.

Lors de l'entracte, j'ai l'affreuse sensation de m'être transformé en loque humaine. Un genre de truc répugnant qui n'inspire aucune sorte de pitié. Je ne suis plus rien. Je ne sais même pas si je serai capable de remonter sur scène. J'entends à peine Bruno me courir après pour me demander de les rejoindre dans la loge principale. Pour en avoir parlé avec eux ce matin, je sais qu'ils veulent s'assurer que je ne changerai plus mes plans pour la chanson finale. Ils détestent avoir à improviser. Mais, pour le moment, je m'en tape. Qu'ils pensent ce qu'ils veulent. C'est le cadet de mes soucis.

J'arpente le couloir d'un pas rapide. Lucie est là, adossée contre le mur à pianoter sur son téléphone portable. Pourvu qu'elle n'envoie pas de message à notre père. Je ne supporterai pas d'avoir à lui parler ce soir. Tandis que j'arrive à sa hauteur, je jette un coup d'œil tout autour de moi. Rien. Nada. Le néant absolu.

- Tu as vu la journaliste ?

Au moment où je pose mon regard sur elle, je sens mon estomac me retourner. Lucie paraît fuyante. Elle sait. Je tente alors de garder mon calme et lui repose une nouvelle fois la question.

- Où est-elle ?

Ma frangine me foudroie. Putain, pas ça.

- Je ne pense pas que ça soit une bonne idée.

Je suis sur le point d'aller lui dire de se faire foutre lorsqu'un éclair de lucidité me travers. Il ne s'agit de loin pas la meilleure solution à adopter. Même si je n'en ai pas la preuve, je suis certain qu'elles se sont parlées. Entre filles. La discussion de dingues bourrée d'hormones anti-mâle. Le truc contre lequel je ne possède aucune arme. Je suis baisé. Enfin presque.

Up and downWhere stories live. Discover now