Chapitre 17 - Camille

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Camille


- Lève-toi !

Ma meilleure amie vient d'entrer dans ma chambre, un sac de voyage à la main. Il ne lui a pas fallu plus de quatre heures, après mon coup de fil, pour atterrir à Londres et me rejoindre à l'hôtel. Je retiens un sanglot. Même si c'est moi qui lui ai demandé de venir, je ne veux pas qu'elle me voit dans un état pareil.

Je sens son bras me tirer vers elle.

- Tu te bouges ou je vais chercher ce con !

Sa voix, d'ordinaire enjouée, semble sans appel. Je ne me souviens pas de l'avoir vue autant en colère. Je n'ai plus le choix. J'émerge de ma torpeur. Du moins, j'essaie.

- Merde ! Je le savais ! Qu'est-ce qu'il t'a fait, ce pourri ?

Justine attrape mon téléphone posé sur la table de nuit et parcourt probablement la liste de mes derniers appels.

- Il va m'entendre. Quand je pense, qu'il y a moins d'une semaine, je ne jurais que par lui ! Là, je suis définitivement vaccinée !

- Non, je la coupe en lui prenant l'appareil des mains.

Elle tire plus fort pour le garder vers elle.

- Son comportement après le concert l'avait déjà fait baisser dans mon estime mais, là, il touche le fond !

Je ne dis rien. D'ailleurs, je ne sais pas par où commencer. Je lui ai raconté l'essentiel au téléphone, pourtant me retrouver en face d'elle me rappelle que j'ai oublié le détail important. Quoi qu'il ait fait, quoi qu'il ait dit, je n'arrive pas à me le sortir de la tête.

- Merde. Rien qu'à voir la façon dont il t'a matée dans sa loge, j'aurais pu te dire comment ça allait se passer si tu le revoyais ! Et le lendemain, tu signes pour le suivre ! Putain, Camille, tu as subi un lavage du cerveau ou quoi ?

Je lui réexplique brièvement mon entretien avec Brigitte André et sa promesse en échange de ces huit reportages.

- Comme je te l'ai dit au téléphone, c'est du chantage !

Pleine d'assurance, elle me tend le téléphone.

- Appelle ta mère, elle trouvera une solution.

Je refuse instantanément.

- Impossible. Tu le sais aussi bien que moi.

Sachant que j'ai raison, elle soupire et se laisse tomber sur le lit à mes côtés.

- Il sait au moins qui tu es ?

Mon estomac se tord. Elle remarque immédiatement que quelque chose cloche.

- Tu ne lui as rien dit ?

Dans un silence qui en dit long, je secoue ma tête de gauche à droite.

- Jared et toi, c'en est à ce point-là ?

Rien qu'à l'évocation de son prénom, je me sens frissonner de l'intérieur. Je ne réponds rien. Le silence paraît parfois être le meilleur des aveux. Ou le pire.

- Tu as couché avec lui ?

Toujours ce calme embarrassant qui perdure entre nous deux. D'un côté, la fille groupie qui aurait donné n'importe quoi pour se retrouver à ma place; de l'autre, moi, en totale perte de contrôle. Je la sens me dévisager comme si je venais d'une autre planète. Elle ne me reconnaît sans doute pas. Ça tombe plutôt bien. Moi, non plus.

- Je ne sais pas quoi te dire, finit-elle par me lancer, résignée.

Et moi, donc. Je serre les poings, tentant de contenir tout le désespoir qui m'habite.

- Il y a quatre jours, je t'aurais confié que c'était le mec le plus beau, le plus sensationnel, le plus merveilleux des deux hémisphères réunis. Celui pour qui j'aurais accepté de me faire tatouer sur toutes les parties de mon corps. Et quand je dis toutes, c'est toutes avec un grand T...

Elle stoppe net. Je connais ce ton, ce regard. Elle se tempère car elle ne veut pas me faire de la peine.

- Mais, je l'ai rencontré. Et, depuis, je ne sais pas...

Nouvelle pause. J'essaie d'évaluer la situation. Elle est mon amie, probablement la meilleure, et cherche à me mettre en garde. Le pire, c'est qu'à sa place, j'agirais exactement de la même façon.

- Écoute...

Elle me regarde calmement. Toute colère a disparu de ses yeux.

- Ça me fait un putain de mal de chien de le dire à voix haute, mais peut-être que ta mère avait finalement raison.

Depuis que je suis sortie de la loge de Jared, j'y ai pensé un million de fois. Peut-être que c'est lui le méchant de l'histoire et non l'inverse. J'ai tourné et retourné le problème dans tous les sens pour en arriver toujours et encore à la même conclusion. Tout cela m'a l'air compliqué qu'il n'y paraît. Sinon, il n'y aurait pas eu un tel battage médiatique autour de cette histoire.

J'ose à peine réfléchir sur l'image que je dois renvoyer. Perdue et névrosée. Par respect pour Marc, elle ne l'a pas encore cité, cependant ça ne saurait tarder. Il faut que je me prépare à cette éventualité et que je trouve, à ce moment-là, une explication plausible à mon comportement. Sauf que, pour la première fois de mon existence, il n'y en a pas.

Je me suis levée sans m'en rendre compte. J'arpente la chambre d'un pas régulier. Dans moins de vingt-quatre heures, je me retrouverai, prostrée, devant cette fichue scène à devoir l'écouter chanter pendant plus de deux heures. Puis, pondre cet article. Incapable de mettre un peu d'ordre dans mes émotions, je propose à Justine la seule chose que je me sente réellement capable de faire à cet instant précis. Peu importe qu'il soit une heure du matin, il me faut un remontant.

- J'ai besoin d'un bon verre.

Mes mots, plutôt simples en apparence, ne le sont pas pour Justine. Elle, qui me connaît mieux que personne, sait que je ne bois qu'à de rares occasions. Bonnes ou mauvaises. Et celle-ci fait indéniablement partie de la deuxième catégorie.

Cinq minutes plus tard, nous entrons dans le bar de l'hôtel. A la vue de l'heure tardive, l'endroit paraît calme. Comment ai-je pu tomber si bas ? Si je pense avoir touché le fond, je me trouve en-dessous de la vérité. Lorsque je suis Justine pour m'installer au fond de la salle, mes yeux sont irrémédiablement attirés par un des angles de la longue pièce.

Il est là.

Assis de dos, il ne peut me voir approcher. Mais moi, oui.

Et il ne semble pas seul. Mes pensées tourbillonnent à une vitesse folle. J'ai du mal à rester calme quand je surpends cette inconnue passer une main dans ses cheveux. Mon estomac se tord avec violence au moment où je me rends compte qu'il ne la repousse pas. Bien au contraire, il laisse tomber son visage dans le creux de sa paume. Mon cœur se soulève. Mes jambes s'immobilisent et j'observe la scène. Hésitante, je me demande si je ne devrais pas faire demi-tour et remonter dans ma chambre. Je ne veux pas qu'il me voie ici. Ce serait trop douloureux, trop délicat, trop perturbant. Qui est cette femme ? Je sens mes nerfs prêts à exploser.

J'essaie de déglutir, mais ma gorge est affreusement sèche. J'aimerais fuir, nénamoins je n'y arrive pas. Je me fous du regard de Justine. Plus rien d'autre ne compte hormis Jared et cette fille. Je ne sais pas s'il sent ma présence ou si c'est mon regard appuyé qui fait réagir la jeune femme, pourtant il finit par se retourner. Nos regards, aussi brûlants l'un que l'autre, se croisent avec amertume. Je n'y lis plus de colère, plus de haine, plus de méchanceté. Juste une immense douleur qui me fait perdre le peu de raison qu'il me restait encore.

Up and downWhere stories live. Discover now