9: mal dans sa peau

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Après avoir passée l'une des rares insomnies de ma vie, je suis extrêmement fatiguée

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Après avoir passée l'une des rares insomnies de ma vie, je suis extrêmement fatiguée. J'ai dû dormir deux heures avant que mon réveil sonne à huit heures. Il m'a fallu au moins une demi-heure avant de bien vouloir sortir de mon lit, somnolant et me battant pour ne pas replonger.

Lorsque, dotée d'une motivation inhabituelle je me lève de mon lit, je prends mon téléphone. Il est neuf heures. Merde. Qu'est-ce que je suis stupide. Je suis vraiment une incapable à ne pas réussir à être à l'heure.

C'est la honte, passer devant les gens et m'excuser de mon retard, voir leur regard surpris, puis entendre la phrase "c'est qui cette fille ?", chose m'étant déjà arrivée.

J'allume la lampe de mon portable, ouvre les volets et constate que je suis bien seule dans la chambre. La porte reliant la chambre et la salle de bain est fermée, comme si on avait voulu m'y enfermer.

Observant dehors, je vois le petit groupe d'adolescents mal dans leur peau jouer à balle au prisonnier, sauf qu'à chaque fois qu'un joueur veut lancer, il s'arrête et parle. Je n'ai pas la faculté d'entendre à plus de cinquante mètres à travers une vitre alors je ne cherche pas à comprendre.

Je me rends rapidement compte que personne n'a remarqué mon absence. C'est bien ce que j'ai toujours pensé : les gens s'en moquent de moi. Les filles auraient pu me réveiller, un animateur aurait pu venir, quelqu'un aurait pu dire « on n'est pas vingt ! » : mais non.

Des bruits de crachats me font sursauter. Finalement, on dirait que je ne suis pas seule ici. Je sors de la pièce et me retrouve dans le long couloir reliant les chambres. Chacune d'entre elles a des toilettes dont l'entrée est par l'allée.

Les nôtres sont fermés. C'est bien la première chose que je remarque comme toutes les autres portes sont entrebâillées. Sans crier garde, j'entends un crachat ultime avec, je pense, du vomi dégoulinant le long de la bouche de l'inconnu.

Des larmes se font ressentir. On dirait que la personne s'empêche d'émettre des sons, pour ne pas me réveiller ou alerter quelqu'un. Ça me fait de la peine. Je m'assois contre le mur opposé aux toilettes, attendant que la personne sorte. Au lieu de penser à elle, je repense à la veille avec un sentiment de honte.

Mais tout le monde s'en fout de moi. Alors pourquoi je reste pour aider cette personne ?

La serrure se débloque, un visage familier apparaît devant moi.

- Angie ?

Angie n'a jamais rien dit sur elle. Elle n'a jamais parlé de la raison de sa venue. Maintenant je le sais, mais ça ne m'étonne pas.

Son visage maigre et sa taille fine ne mentent pas.

Elle ne dit rien, les larmes aux yeux et une brosse à dent à la main. Angie s'assoie brutalement en face de moi. Du vomi sur la brosse, voilà la première chose que je remarque. Et je ne sais pas si je suis dégoûtée ou compatissante.

- Ça va ?

Question stupide.

- Ouais, répond Angie sans même oser croiser mon regard.

- Tu t'es fait vomir ?

- Nan, c'est trop con de faire ça... Je suis malade là.

Elle ment, les preuves sont bien trop évidentes. Croyant tout savoir sur tout, je lui fais part de ma théorie sauf que j'ai l'impression d'être la conne de service qui explique quelque chose que tout le monde sait déjà.

- Je ne pense pas que ce soit le cas à cause des larmes et surtout de la brosse à dent... et des bruits.

A l'entente de ma phrase, elle essuie rapidement ses larmes comme j'aurais fait dans ce cas-là. Ce qu'elle doit ressentir, c'est de la honte, de la honte de se trouver si ridicule. Je ne connais que trop bien cette situation.

- Bien joué Sherlock.

Je me lève et lui tends la main amicalement. Sur le coup, elle ne comprend pas et je me sens bête puis elle attrape la mienne dans le but de l'emmène voir un animateur, pensant à d'abord nettoyer la brosse. On longe le couloir interminable, descend les escaliers pour rejoindre le terrain d'herbe. C'est un lycée horticole, alors on avait l'exclusivité d'avoir un immense « jardin ».

Les gamins font une pause et nous regardent main dans la main.

Je me sens soudainement fière d'aider quelqu'un, me disant que ma vie n'est pas si inutile que cela. Le sourire aux lèvres, je me dirige dignement vers Eléonore. Je lui explique que ma colocataire est malade. Elle mène Angie à l'infirmerie, mais me dit une phrase avant de partir, discrètement dans l'oreille.

- Je crois que tu as oublié de t'habiller.

J'observe immédiatement ma tenue que j'avais totalement zappé. Je suis en pyjama. Un haut blanc avec l'écriture « let me sleep » que je déteste mais qui est très confortable, le seul bémol est qu'on voit un peu à travers, assez pour qu'une vingtaine d'adolescents boutonneux voient mes tétons. Je mets immédiatement mon bras dessus pour les cacher mais il est trop tard : ils rient déjà. Je porte également un bas bien court comme la chaleur est insoutenable. Il a de jolis yeux fermés en motif et s'accorde aux niveaux des couleurs du haut.

On voit mes jambes poilues à cause de l'animatrice Tiphaine qui a confisqué les rasoirs. De plus, j'ai pas mal de blessures sur les jambes, dû aux nombreuses fois où je me suis cognée ou que je suis tombée. Je me sens terriblement honteuse.

On dirait un cadavre.

Cette tenue est jolie, mais elle ne peut qu'être ridicule quand elle est portée par quelqu'un comme moi.

Je regarde les autres, ils éclatent tous de rire. Je suis persuadée que c'est à cause de ma tenue. Ça doit les amuser de voir quelqu'un d'aussi bizarre que moi. Mes yeux m'indiquent qu'ils vont faire sortir des larmes même si j'essaye de tout mon cœur de me retenir. Plus j'essaye de m'accrocher, plus l'eau encombre ma vue. Je distingue Rheanna qui semble compatissante, Nolan et Abel qui rient, Zélie qui fait un sourire léger qu'elle tente de cacher lorsque nos regards se croisent, et des inconnus qui évitent mon regard, s'amusent du malheur des autres et me trouvent ridicule.

Je pars au plus vite, préférant m'enfermer pendant quatorze jours dans ma chambre plutôt que de supporter d'autres gens. Une fois le dos tourné, j'éclate en sanglots. J'ai envie de déchirer ma peau affreusement déplaisante. Mes veines, dû à ma peau claire se distinguent... j'ai l'impression d'être un monstre.

Une fois dans mon arrivée, le seul désir que j'ai est de me trancher ces traces bleues, je veux détruire quelque chose, et ce quelque chose sera forcément moi puisque je suis la seule source du problème.

Je retire mon haut en tentant de le déchirer, élargissant le haut mais abandonne. Je le balance à l'autre bout de la pièce. Les seins à l'air et l'air ridicule les fenêtres ouvertes, je préfère le remettre. Il est bien bousillé, ce t-shirt qui m'a valu ces remarques. Il est autant bousillé que moi. J'enfonce mes ongles dans ma peau, n'ayant pas d'autres moyens de me faire saigner.

J'ai mal, pas autant que lorsque je me coupe, mais une douleur satisfaisante s'installe dans mon poignet. Je n'arrive pas à faire couler du sang. Je suis incapable de tout, je suis même incapable de faire ça. 

Mise en ligne : 13/09/19

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NDA : Qu'avez vous pensé de ce chapitre ?

Qu'auriez-vous fait à la place de Danaé ?

Et des autres, auriez-vous rigolé ?

DÉTOXWhere stories live. Discover now