3: le wagon de l'ennui

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Je suis assise dans un wagon, seule avec mes écouteurs, bien qu'une inconnue soit à côté de moi

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Je suis assise dans un wagon, seule avec mes écouteurs, bien qu'une inconnue soit à côté de moi. Les animateurs avaient choisi nos places afin qu'on sociabilise sauf qu'ils n'ont pas compris que le fait d'être assis à côté d'une fille ayant « un problème comme moi » ne changera rien. Problèmes ou non, je refuse de m'exprimer avec les autres puisqu'à chaque fois j'en ressors détruite. Elle doit être dans le même cas que moi puisqu'elle n'a même pas cherché à me saluer.

Je suis tout de même bien heureuse de ne pas être proche de Zélie dans ce train. Dans ce cas-là, j'aurais certainement piqué une crise et insisté pour changer de place. J'ai repéré cette peste, en train de discuter avec le peu de personnes qui souhaitaient parler dans ce wagon de l'ennui. J'aimerai tellement que mes regards glacials transpercent son coeur, mais je sais que cela n'arrivera jamais. Je n'arrête pas de m'interroger sur la venue de cette personne pour savoir ce qui ne va pas chez elle hormis qu'elle est une plaie.

J'ai beau l'observer, elle est pareille, la même Zélie du lycée. La seule différence que je distingue est qu'elle ne s'en prend à personne. Normal, elle ne connaît personne et n'a personne qui peut l'épauler pour agresser mentalement quelqu'un. L'agresseur sans ses complices est une mauviette.

Je ne peux pas penser à autre chose qu'à la cruauté dont elle a fait preuve avec moi et avec les autres adolescents du lycée. Hormis si le fait d'être méchant est devenu une norme. Cela me met hors de moi. Nerveusement, je râcle mon ongle contre l'un de mes doigts. Je sais que personne n'est parfait, je peux être mauvaise, mais ces paroles ne sortiront pas de ma bouche à moins d'être extrêmement énervée. Elle est ce cliché de la personne populaire qu'on peut retrouver dans les films et je la déteste.

Une fois j'étais simplement posée sur un banc dans la cour à lire un livre, j'allais plutôt bien jusqu'à ce qu'elle vienne me parler avec ses superbes amies. Bien sûr qu'elle n'était pas seule, sinon ça n'aurait pas été drôle. Elles se sont mises autour de moi à me raconter des fausses fins de mon livre, à le prendre afin de s'amuser à le lancer. Zélie et ses amis ont dit que lire c'était vraiment pour les coincés, elles ont balancé mon livre dans l'eau et m'ont laissée. Je ne les connaissais pas. À vrai dire elles étaient juste dans ma classe.

Lorsque je ramassais mon livre, trempée et illisible, mes yeux n'étaient pas comme mon bouquin. Ils étaient remplies d'une colère envers ces filles, d'une colère envers les autres qui ne m'avaient pas aidée, d'une colère qui ne quitta jamais mon coeur. Et ce jour-là, personne n'a essayé de calmer ma colère.

J'ai été obsédée par elle. Cette jeune fille plutôt ronde aux cheveux très foncés ne semblait pas méchante d'apparence mais s'avérait être un monstre. J'ai fini par voir qu'elle ne l'avait pas fait qu'avec moi, pour rigoler, mais avec la plupart des gens isolés. C'était elle que les gens suivaient afin de ne pas se faire harceler. Elle n'a aucune raison d'être ici. Je ne veux plus donner de l'importance à cette personne, je tourne la tête.

Dehors, le soleil brille et nous sommes en pleine campagne. Des champs et des champs à en perdre la vue. La musique dans mes oreilles, du rock'n'roll ne colle pas avec cette vue. J'aimerais tant ne rien ressentir mais je suis si confuse.

J'augmente le son, tourne à nouveau la tête et observe les autres. J'essaye de deviner la raison de leur venue : forcés par leurs parents ou de leur plein gré ? Mais je me demande surtout ce qui ne va pas chez eux comme chez moi.

Je regarde la fille à côté de moi, dont je n'ai jamais croisé le regard. L'adolescente a une chevelure blonde et très longue, elle passe sans cesse sa main dedans afin de les bloquer derrière ses oreilles sauf qu'ils retombent à chaque fois. Je porte souvent deux barrettes près de mes oreilles afin de ne pas être dans le même cas que ma voisine. Et je comprends sa souffrance avec mes longs cheveux bruns, s'emmêlant rapidement et souvent à cause de mes ondulations.

Je retire mes écouteurs et j'ai l'impression de passer dans un autre monde : calme et morbide.  Je la fixe et elle fait carrément pitié, ce qui nous fait un point commun. Prise d'un élan de gentillesse, je les détache et je les donne à cette inconnue. Nos regards se croisent alors pour la première fois.

- Merci, c'est gentil, a-t-elle répondu d'une voix faible et cassée.

Elle est sûrement extrêmement timide. Cette fille met mes barrettes noires dans ses cheveux en souriant légèrement. Je fais de même par politesse avec l'envie de me casser les oreilles avec ma musique. Ce moment gênant où l'on ne sait pas quoi dire, ce n'est pas pour moi : je préfère regarder ces champs ennuyants.

- Y'a pas de quoi.

Je suis hors de ma zone de confort et cela ne me plait pas du tout. Pensant y retourner, je replonge dans l'observation du monde à travers la fenêtre du train puisqu'espionner ses futurs « meilleurs amis » n'est pas très bon pour m'intégrer. Je rebranche mon meilleur ami sur mon téléphone quand cette fille continue la discussion.

- Sinon, tu t'appelles comment ? demande ma voisine.

Et merde.

Elle veut certainement sociabiliser, faire de nouvelles rencontres, vivre en quelque sorte, sauf que ce n'est pas pour moi. L'ignorer aurait été plus simple et une meilleure idée, mais je lui réponds. J'ai terriblement envie de partir.

- Danaé, et toi ?

- Rheanna... enfin je ne connais personne ici donc j'me suis dit que je pourrais parler avec toi.

Ne voyant pas de réaction sur mon visage, elle s'empresse de changer ses propos.

- Non ! Je ne te parle pas car je n'ai pas d'autre choix mais parce que tu sembles gentille. Ça peut ne rien représenter pour toi, mais peu de personnes sont prêtes à sacrifier leur confort pour quelqu'un qu'elles ne connaissent pas.

Elle qui semblait trop timide pour s'exprimer me montre ses pensées. A vrai dire, je ne suis pas habituée à discuter ces derniers temps, préférant m'éloigner des autres. Toutes ces remarques dans la face, ces fausses amitiés, ces tromperies, je pense en avoir fait le tour et je ne supporte plus ça. Pourtant elle paraît bienveillante comme tous les autres. J'espère que cette conversation durera le moins de temps possible et qu'elle se rendra compte que je ne suis qu'une merde et qu'il ne faut pas me parler.

- C'est juste une barrette, j'affirme en bloquant mes cheveux derrière mes oreilles. Je ne vais pas mourir.

Malgré tout, elle me tend l'une qu'elle portait. Au départ, je ne comprends pas puis je vois qu'il s'agit de partager la souffrance. Tout à coup, je trouve cette fille vraiment gentille et je lui adresse, cette fois-ci, un sourire sincère. Le premier depuis un bout de temps qui me paraissait interminable. Je l'installe à nouveau sur ma tête. Toutes les deux, nous sommes obligés de coincer d'une manière nos mèches. 

On n'a pas plus parlé durant le trajet : elle regardait sa série et moi le monde qui m'entourait. Ce court moment m'a fait sourire. Bien que j'imagine le pire à venir pour cette colonie, j'aurai au moins une fille agréable pas loin de moi. En espérant que son vrai visage ne soit pas si destructeur sur moi que ceux de mes anciens amis. Tout aurait été plus simple avec un élastique, pourtant je ne lui aurais jamais parlé. 

Mise en ligne : 14/08/19

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NDA : Qu'avez vous pensé de ce chapitre ?

Est-ce que vous aussi vous avez les cheveux tellement longs qu'ils ne sont pas pratiques du tout ?

Que pensez-vous de Rheanna ?

DÉTOXOnde histórias criam vida. Descubra agora