DÉTOX

22: verre brisé

L'heure du repas terminée, c'est à mon tour de manger. Je me suis bien sûre fait engueuler par les animateurs, autant qu'Abel. Mais je n'en ai rien à foutre. Je les regarde de haut sans prononcer aucun mot.

Zélie a assisté à toute la scène, calmement, sans réagir. Et maintenant, face à face, à se nourrir des restes des adolescents, on discute, sans jamais émettre le nom du garçon aux cheveux verts. Qu'est-ce qu'il m'a énervée.

- Danaé ?

- Oui ?

- J'ai pris plus de T-shirt, si ça t'intéresse.

Il est vrai que mon haut, déchiré en deux et tenu par des pinces ne paye pas de mine et risque de tomber à tout instant. Qu'est-ce que j'en ai à foutre de ma tenue. C'est vrai quoi, ma tenue ne définit pas qui je suis.

- Ouais, ouais.

Avant, dès que j'étais énervée, je balançais des choses ou je me mettais à écrire. Écrire des centaines voire des milliers de mots me faisant oublier la raison de mon mal-être. Puis j'ai éteins mon ordinateur et j'ai commencé à tout garder au fond de mon cœur. C'est pas étonnant que tout explose à un moment.

- Tu vas bien ?

- Bah ouais.

Bah non, Zélie, non, non et non. Hormis si pour toi le fait de péter un câble devant une vingtaine de personnes est signe de bien-être. Il faut que je me détende, que je pense à autre chose, ce qui risque d'être compliqué.

En soit, dans ma misérable vie, il m'est arrivé des choses bien pire que le comportement d'Abel, immature que cette situation peut être. J'en garderai certainement des séquelles alors que j'oublierai ce garçon dans quelques temps. Sauf que là, c'est compliqué de passer à autre chose. Prendre du recul sur la situation devient compliqué, en fait je suis une bombe en pleine explosion.

- C'est sûr que je suis mal placée pour dire ça... mais si tu as besoin de parler, je suis là.

- Pourquoi j'aurais besoin de parler ? Personne n'était là pour m'écouter quand j'en avais besoin. Là, c'est rien, ce sont des enfantillages. Il m'énerve, il me frustre. La seule chose qui pourrait me détendre c'est de prendre ce verre et de le balancer à l'autre bout de la cantine.

Zélie me regarde et sourit.

- Bah écoute, si c'est ce qui te rend heureuse. J'ai déjà dû en casser un ici.

- Sérieusement ?

Zélie est aussi frustrée que moi de se retrouver dans cette colonie. Finalement, on a des points communs. Elle rit doucement pour me faire comprendre que c'est vrai. Zélie regarde rapidement autour d'elle, comme dans film, prête à me révéler un secret improbable.

- Il faut juste savoir cacher les preuves.

Elle me regarde et me fait un clin d'œil avant se mettre à manger. Je la regarde et elle ne prononce aucun mot. J'ai envie de m'amuser un peu. Je me lève alors, observant autour de moi s'il y a des gens. Il y a des immenses fenêtres, on ne passera jamais inaperçu. Mais, étonnement, la troupe d'adolescents joue à un jeu bien loin dans le terrain du lycée, je les aperçois juste courir dans tous les sens.