Partition 12

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Je suis dans le bureau de la conseillère d'orientation afin de déterminer quel serait le choix le plus judicieux pour mon avenir. Devant moi cinq lettres contenant toutes le fameux sésame « Nous avons le plaisir de vous informer... »

Cela n'a rien de miraculeux. J'ai obtenu un excellent score au SAT l'année dernière et j'ai toujours eu de bonnes notes. Plus on m'empêchait de travailler, plus je mettais les bouchées doubles. Parfois avoir l'esprit de contradiction a du bon.

– Tu n'as pas l'air d'être contente. C'est si difficile de faire un choix ?

Ce qui est difficile, c'est de ne pas avoir le choix.

– J'irai à l'USG.

– Hum, fait-elle en lorgnant les lettres de l'université de New-York, l'USC, Darmouth et Corvallis. L'université publique de Géorgie est un bon établissement, mais tu as obtenu une aide financière partout où tu as postulé et tu es éligible à la bourse fédérale Pell Grant. C'est une réelle opportunité. Tu n'as pas envie de sortir de l'état et de découvrir de nouveaux horizons ?

Pourquoi remue-t-elle le couteau dans la plaie ? Bien sûr que j'ai envie de m'exiler à l'autre bout du pays ! Mais ce n'est pas possible. Je ne peux pas abandonner Niels et ma mère, ou plus exactement je ne peux pas laisser ma mère seule face à Niels. Elle ne survivrait pas. Et puis qui s'occuperait des courses, des factures, du ménage ? Je ne leur laisse même pas un mois avant que cela tourne à la catastrophe. Ils pourraient se retrouver à la rue.

Je n'irai même pas à l'université d'Atlanta. Des études supérieures représentent une charge de travail bien plus considérable que celle que j'ai dû fournir jusqu'à présent. Je ne pourrai pas assumer des allers-retours entre la fac et ma maison. Ce n'est pas une question de temps, c'est une question d'énergie mentale. Je me prendrai un petit boulot minable et la vie continuera comme avant. Ou plus exactement elle stagnera. Ma famille est semblable à des sables mouvants : je peux me débattre, lutter un peu, mais je ne peux pas m'en libérer totalement.

– Tu pourrais peut-être aller visiter un ou deux campus, me suggère-t-elle. Cela t'aidera à faire ton choix.

Et voir ce à quoi je renonce, non merci !

– Je ne peux pas m'absenter pour le moment. C'est compliqué.

– Cela ne te prendra qu'une journée.

Il peut se passer beaucoup de choses en une journée. Vous n'avez même pas idée.

– Si c'est le coût du billet d'avion qui te pose problème, tu peux opter pour une visite virtuelle. La plupart des campus en proposent.

Je renifle d'agacement.

– Est-ce que je peux y aller ?

Elle esquisse une petite moue décontenancée, puis rassemble les lettres et me les tend avec un sourire encourageant :

– Encore toutes mes félicitations, Autumn ! J'espère que tu feras le meilleur choix.

***

– Alors tu choisirais qui ?

Je sonde les gens autour de moi. Il y en a pour tous les goûts. Je suis avec Julian au Fresh to order, un fast-food version « healthy » qui vient d'ouvrir près du lieu où il travaille. C'est l'heure de sa pause. On s'est vus quasiment tous les jours de la semaine. Sans s'embrasser, sans se toucher plus qu'amicalement. Honnêtement j'ignore où cela nous mène et je n'ai pas envie d'y penser. Pas plus que je n'ai envie de penser à l'endroit où il sera l'année prochaine. J'aime passer du temps avec lui. Je profite de chaque minute avant qu'il ne réalise qu'il est temps pour lui de se remettre avec Carly.

Forget the Night - Autumn & JulianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant