Round 2

4.2K 263 102
                                    

Quelques heures plus tard...
Degré d'oxygénation : 10 sur 10

Il m'ouvre la portière comme un gentleman. Je n'ai jamais été du genre à admirer les voitures, mais celle-ci m'arrache quand même un petit cri d'émerveillement. Je prends place sur le siège en cuir et balance la tête en arrière. Une décapotable, c'est trop la classe.

– Où tu veux aller ? me demande-t-il.

– N'importe où.

La voiture accélère et mes cheveux s'envolent comme des pinceaux cherchant à caresser la nuit. Les étoiles sont portées disparues et la lune n'est qu'un mince croissant pâle, mais c'est quand même magique. La nuit est toujours magique n'importe où ailleurs que chez moi.

Je pose mon coude sur la portière et je regarde défiler les lumières colorées d'Atlanta. Gratte-ciels scintillants, restaurants, boîtes de nuit, cinémas, panneaux à néons. La nuit, rien ne s'éteint. Tout est plus vivant. Je me sens plus vivante que jamais assise dans cette décapotable avec mes cheveux qui tourbillonnent et me fouettent le visage. Je jette un œil à mon conducteur. À ses mains puissantes, l'une enserrant le levier de vitesse, l'autre posée sur le volant ; à ses cheveux blonds comme la lune ; à sa bouche qui connaît la mienne. Il tourne le visage et me lance un petit regard taquin. Il a des yeux d'une couleur incroyable. Sérieusement il pourrait poser pour un catalogue tellement il est beau.

– On va chez moi ?

Mon cerveau fait un dérapage infime. Comme un accroc dans la nuit. Une griffe surgie de nulle part. L'espace de trois secondes, il analyse la situation comme pourrait le faire un observateur extérieur. Il additionne les éléments de l'équation : je ne reconnais plus le décor autour de moi, je me trouve dans la voiture d'un étudiant rencontré le soir-même dans un bar, il a vingt-trois ans et il veut m'emmener chez lui. Conclusion : Sors immédiatement de cette voiture !

Puis je pense que la dernière chose dont j'ai envie, c'est rentrer chez moi. Chez lui, c'est forcément mieux que chez moi.

Ce n'est pas comme si je n'avais jamais passé la nuit avec un garçon. J'ai dormi chez Julian des tas de fois et, bien souvent, ses parents n'étaient pas là. D'ailleurs je serais chez lui en ce moment s'il n'avait pas rencontré cette stupide fille. Depuis qu'il a une petite amie, c'est comme si j'avais perdu ma place. Oh, Julian, pourquoi fallait-il que tu tombes amoureux ? En ce moment, on devrait être ensemble à nous goinfrer devant la télé.

– On ne va rien faire, si c'est ça qui t'inquiète, me rassure-t-il en me jetant un regard en biais. On va juste écouter de la musique et manger un morceau. Tu peux rester dormir, mais je ne te toucherai pas si tu n'en as pas envie.

Je regarde Sébastian et ses incroyables yeux verts qui semblent sincères. Sébastian. Julian. Peut-être sont-ils interchangeables ? Peut-être que je peux aller chez Sébastian comme j'irais chez Julian.

Je pose une main sur son bras :

– Oui. Chez toi, c'est bien.

La griffe se retire, mes cheveux au vent redeviennent des ailes et la nuit respire à nouveau.

Quand j'ai levé les yeux devant l'enseigne du Little Trouble quelques heures plus tôt, je savais ce que je fuyais, pas ce que je cherchais. J'étais déjà venue dans cet endroit et je savais que le videur ne vérifiait les cartes d'identité qu'à partir de vingt-deux heures. Je n'avais pas l'heure sur moi, alors j'ai dézippé mon sweat-shirt et j'ai pris un air confiant en espérant que c'était mon jour de chance. Le videur a jeté un coup d'œil à mon décolleté et m'a laissée passer. Avec mon visage qui paraît avoir vécu cent vies, personne ne me soupçonne jamais de n'avoir que dix-sept ans.

Forget the Night - Autumn & JulianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant