Forget the Night - Autumn & Julian

Round 16

Degré d'oxygénation : 6 sur 10

Je me sens seule.

Vraiment seule.

Je contemple ma sauvegarde de contacts sur mon ordi pour voir ceux que je vais encoder dans mon nouveau téléphone. J'ai créé cette liste l'année dernière, parce que Niels a la fâcheuse manie de revendre tout objet de valeur traînant dans la maison. Après il revient avec un sac débordant de jeux vidéo en prétendant qu'il a trouvé un nouveau job. Lorsqu'il a revendu notre machine à laver, j'ai pensé qu'il serait plus prudent de sauvegarder mes contacts au cas où il aurait des vues sur mon téléphone.

Tous ces noms... C'est comme si je contemplais un monument aux morts. Toutes mes amitiés disparues y figurent.

Je ne sais pas pourquoi j'ai gardé le numéro de toutes ces filles qui aujourd'hui me détestent. Peut-être pour me rappeler que moi aussi je suis capable de faire souffrir quelqu'un. Moi aussi je détiens ce pouvoir cruel et dévastateur. Même si je ne l'utilise jamais sur la gent masculine. Je ne sais que briser le cœur des filles. Des proies faciles.

Je contemple le nom de Saskya avec le regret de ne pas pouvoir l'appeler. Nous avons eu de bons moments. Je crois que c'est la fille que j'ai le plus appréciée. Mais un jour elle a pleuré à cause d'une barre chocolatée absente du distributeur avant de m'avouer qu'en vérité elle pleurait parce qu'elle était triste pour moi. J'ai compris à demi-mot que quelqu'un lui avait raconté des choses qu'elle n'aurait jamais dû savoir, qu'elle était au courant pour ma famille. Je ne voulais pas de sa pitié. Alors je lui ai fait croire que j'avais couché avec Ben. Radical mais efficace. J'ai préféré lui faire du mal avant qu'elle ne m'en fasse.

Je ne récupère que deux numéros, puis je supprime le document et je me connecte à Facebook. Shen est en ligne. Sans trop réfléchir, je clique sur la messagerie et j'écris :

Salut. Ça va ?

Je me fiche de savoir comment il va, mais nous savons tous les deux ce que cela signifie. C'est un code qui sous-entend « Je m'ennuie » tout en contenant la question implicite « Puis-je être ta distraction ? »

Je sais qu'il répondra et, quelque part, cela m'effraie. J'en suis déjà au stade de « Pourquoi ai-je envoyé ce message ? » lorsque la réponse s'affiche.

Hello, miss. Je vais bien mais j'irais encore mieux si on faisait quelque chose tous les deux...

Je regarde les trois petits points de suspension qui paraissent dire plus de chose que tout le reste. J'ai une vague idée de ce qu'il entend par « quelque chose », alors je m'empresse de taper :

Un ciné, ça te va ?

Au bout de trois minutes, il m'envoie un « OK » sans le moindre émoticône. Vu le temps qu'il a mis à taper ces deux lettres, je suis convaincue qu'il n'envisageait pas du tout un ciné. Après avoir convenu de l'heure du rendez-vous, j'éteins mon ordi en me sentant triste. Retourner vers Shen, c'est comme se ronger les ongles. Un réflexe familier qui n'est pas forcément sain, mais qui malgré tout reste une occupation. Une façon de tuer la solitude.

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Voilà un nouveau personnage... Vous en découvrirez plus sur Shen dans le prochain flash-back.