Attendre ( Eve )

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9 mai 1945, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Le temps est long, je ne pensais vraiment pas que la vitesse du temps et de la vie pouvait dépendre du manque d'une personne.
Hans n'est toujours pas revenu, depuis le mois de juillet 1944 il n'est pas revenu. Alors je ne sais plus quoi penser, je ne sais pas quoi faire, dois-je l'attendre pour Léonie ? Dois-je l'oublier pour arrêter de vivre dans le passé ? Est-il seulement vivant ?

J'essaie tant bien que mal d'élever ma petite chérie comme si tout était normal, j'essaie de paraître forte, de faire croire que toute cette histoire ne m'atteint pas mais je n'en peux plus. Je veux que mon amour rentre à la maison, il le faut. Il doit rentrer, Hans doit revoir son grand frère, il doit me revoir, et revoir sa fille qui va avoir 1 mois déjà. Je ne pourrai pas mentir éternellement à Léonie, quand elle prononcera ses premiers mots, quand elle dira Papa pour la première fois, quand elle commencera à se poser des questions sur ce sujet, qu'est-ce que je devrai répondre ? Je ne sais même pas où est Hans, avec qui, ce qu'il fait et s'il est vivant ou non.

《 Eve ?
- Oui Max ?
- Viens voir Léonie, elle sait voler ta fille. 》

J'ai ri depuis l'étage.
Maxence est un homme bon, avec une âme beaucoup trop grande pour cette société cruelle. Il a été couronné de la médaille de l'Honneur par le Général De Gaulle en personne, à Paris devant les plus hauts de cette société.
Sa gentillesse a tellement été souillée par les nazis, en Suisse où il travaillait avec Adolf, à Mauthausen... Pourtant Maxence reste toujours bon et grand, il ne s'est jamais laissé abattre par son passé et ses traumatismes. Il se bat, et il se bat encore pour avancer. Mon ami me soulagé beaucoup, il s'occupe très souvent de Léonie, l'emmène dans la nature, à la plage, sous les flocons, il la prend partout avec lui. C'est mignon.
D'ailleurs, j'ai appris par les maladresses d'Adolf que mon meilleur ami avait perdu son épouse en Suisse à cause des nazis. Elle s'appelait Freya Shamberlein, et selon le frère de mon conjoint, ils s'aimaient énormément. Pauvre Max... Je n'ai pas posé de questions,.il viendra m'en parler quand lui se sentira prêt.

Je suis descendue en hâte, souriant face à ma petite tournoyant entre les bras de Max. Les deux sourient également, trop absorbés par leur jeu pour constater que je suis là, j'ai saisi l'appareil photo d'Adolf pour capturer ce moment si magique.

《 Et ben dis donc ! Je pense que l'avion Léonie doit aller au lit, désolée de vous couper.
- Et voilà Eve la plombeuse d'ambiance ! Non allez je rigole, me répond Max en me tendant Léonie. 》

J'ai réceptionné ma fille toute heureuse qu'on la choye comme une princesse pour la monter au lit.
Je l'ai installée dans un petit landeau de fortune, grinçant, légèrement rouillé mais il fera l'affaire jusqu'à ce que ma fille grandisse suffisamment. Puis honnêtement, personne n'a les moyens en ce moment de s'acheter ce genre de chose.
J'ai attendu quelques minutes, chantonnant une berceuse que ma grand-mère Margot me chantait jusqu'à ce que Léonie s'endorme profondément.

Je suis redescendue en hâte, ne voulant pas trop rester à l'étage, il me rappelle beaucoup trop mon histoire avec Hans, mon grand-père et tout le positif de ces dernières années.
J'attrape mon sac à main vieux comme Hérode, en velours marron foncé, je me suis rendue à la boulangerie à l'autre bout du village.

《 Sale catin à Boche !
- Retourne avec Leyers !
- Va crever !!!
- Ils ont raccourci tes cheveux mais dis donc ! 》

J'ai serré les lèvres face à ces remarques acerbes, les gens n'ont pas oublié ce que j'ai fait avec Hans, ils ne cherchent même pas à comprendre alors je les ignore la boule à la gorge. Je ne leur laisserai pas la satisfaction de me briser à nouveau.
Je suis arrivée devant la boulangerie, espérant que Mme Moutou accepte de me donner une baguette de pain céréalier avec le journal quotidien.

Programmés pour tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant