Souvenirs familiaux ( Marinus )

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1er mars 1943, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Servir la nation. Cette phrase résonne en moi depuis que j'ai intégré la SS, je faisais partie des premiers à avoir l'honneur de servir le Fürher, en 1925. Je me souviendrai de cette journée toute mon existence.
J'avais 24 ans, j'étais jeune et pourtant je savais au fond de moi que ma vocation était de servir le Grand Reich Allemand face à n'importe quel ennemi.
J'ai été formé par ce pauvre Reinhard Heydrich, mort en 1942. C'est grâce à lui que je suis devenu qui je suis aujourd'hui. Je suis général plénipotentiaire de la SS, je ne peux pas me souhaiter mieux.

Je suis actuellement dans ma chambre d'hôte. Je range un petit peu mes affaires, je n'ai jamais été quelqu'un de très ordonné dans le domaine privé.
J'ai sorti un vieux carton que je n'avais pas ouvert depuis longtemps. Les photos de ma famille.
Je n'ai jamais parlé de ma famille à qui que ce soit, car il n'y pas tellement de chose à en dire.

J'ai trouvé une photo de mes parents rayonnant, tenant mes deux sœurs et moi. C'est touchant, d'autant plus touchant que ma mère Drusilla m'a mis à la porte à mes 15 ans car elle me considérait comme un incapable, au milieu d'un empire allemand détruit par la guerre. Mon père Josef était tireur d'élite dans les tranchées à Verdun, je ne sais même pas s'il est mort ou vivant vu que je suis parti avant la fin de la guerre. J'étais très proche de lui jusqu'à ce qu'il se fasse mobilisé en 1914, il m'a toujours appris à respecter mon pays et mon aîné, c'est lui qui m'a appris les valeurs essentielles pour être un bon allemand. Mes deux grandes sœurs Frieda et Karla, qui avaient à l'époque 25 et 20 ans n'avaient rien fait. Je me rappellerai toujours le regard qu'elles m'avaient lancé, ces trois femmes que je m'étais promis de chérir et de protéger... Elles étaient tellement indifférentes, elles n'en avaient rien à faire que je m'en aille seul sans aucune affaire.

Après ma fuite, je suis resté seul pendant des jours à errer comme un chien de rue, dormant au ras du sol, mangeant le reste des poubelles que je trouvais. Je n'oublierai jamais le froid qui me tenait fort en son sein, je me sentais fébrile en permanence jusqu'à un déclic. L'empire allemand de l'époque. J'ai pensé à ma patrie. Je ne voulais pas que le pays ait une certaine réputation de lâche, surtout pas après la guerre, alors je me suis battu pour participer à l'effort de reconstruction de l'Allemagne. J'ai fait ça pendant des années, je me suis battu corps et âme en aidant les soldats et les autres. Je me suis battu et j'ai été sauvé. Quelqu'un m'avait tendu la main. C'était la main du Fürher lui-même, il était accroupi en face de moi avec un sourire, accompagné par Reinhard Heydrich qui m'a formé dans la SS.

Alors franchement revoir tout ceci, j'en ris doucement. J'ai pensé pendant quelques minutes à ce que ma famille aurait pu être, si j'avais été à la hauteur des attentes de ma mère et mes sœurs. Qu'est-ce que nous aurions pu devenir tous les 5, si mon père serait encore en vie car je sais au fond de moi qu'il est mort. Je me suis demandé pendant quelques secondes que sont-elles devenues ces femmes méprisables, si la guerre les a tuées, si elles ont trahi le Grand Reich Allemand comme elle m'ont trahi à moi... Cela ne m'importe plus, elles sont toutes les trois mortes à mes yeux.
J'ai hésité à déchirer la photo, mais je me suis souvenu que c'est la seule photo de famille où nous étions réellement heureux, où mon géniteur était encore présent autour de la table ; alors je l'ai reposé au fond du carton avec une boule au ventre.

J'ai saisi une autre photo au hasard, la fameuse photo qui me rattache à mon ancienne vie. Une ancienne vie où j'étais un époux et un père.
Sur cette photographie, je posais avec assurance vêtu de mon uniforme SS, accompagné par mon épouse et mon fils qui avait 10 ans à l'époque.
J'ai souri, les yeux soudainement embués de larmes, la main sur ma bouche tremblante de chagrin, j'ai serré cette photo, la seule photo de famille que j'ai contre mon cœur. Là au moins, ils seront toujours présents.

Programmés pour tuerWhere stories live. Discover now