Dernier combat ( Hans )

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26 avril 1945, Front de l'Est, Varna, Bulgarie, URSS.

Je ne me suis jamais senti autant en osmose avec moi-même. J'ai réussi, j'ai accompli tout ce que j'ai voulu accomplir depuis qu'on m'a envoyé sur le Front de l'Ouest. J'ai réussi à devenir un chef respecté et respectable, rempli d'honneur et d'autorité. Je ne suis plus le petit gamin de 16 ans attendant les ordres pour des choses stupides. Je recevais des ordres, maintenant c'est moi qui donne les ordres.

Je suis aux anges, pas d'être sur le Front de l'Est bien évidemment aucun maso ne se voudrait y être, mais je suis aux anges d'avoir réussi à m'y rendre sans encombre avec mes hommes. On va sauver ces pauvres allemands, Nikolaus et son père, on va tous les ramener c'est certain, j'en suis persuadé. Ils ont touché à Marinus, ils lui ont enfoncé un poignard dans l'œil de sang froid, alors les Ruskofs sauront que malgré la haine que l'Europe voue au peuple allemand, celui-ci restera toujours soudé contre vent et marée.
Mon pauvre Marinus, je reconnais que je ne pensais pas le trouver comme ça en arrivant, il avait l'air tellement abattu, à bout de tout, les épaules voûtées. Je revois encore son regard bleu s'illuminer en voyant son armée derrière moi, il a été agrandi avec cette lueur d'espoir. Je ne pouvais pas le laisser seul, je ne pouvais pas le laisser périr sur le Front de l'Est ayant lu sa lettre. C'est Marinus, sans Marinus Strauss-Kahn il n'y a pas de Hans Leyers.

Nous avons passé des heures entières, des longues heures interminables à se préparer à l'inévitable. Tout le monde est à son poste, aux mitraillettes, aux tanks, aux basukas... Moi je suis dans les tranchées avec les plus hauts placés de l'armée, avec Marinus et Nikolaus. Nous attendons, l'estomac torturé par l'appréhension, les muscles tiraillés et les doigts dégoulinant de sueurs.
Le temps ne m'a jamais paru aussi long et douloureux, chaque seconde nous rapproche avec fatalité de l'inévitable.

J'ai regardé les environs, c'est le calme plat. On entendrait presque les insectes voler, Le peu qu'il reste de la faune dirais-je. Mes soldats et ceux de Nikolaus sont tous concentrés, les yeux fixes et rivés face à eux, là où arriveront les Soviétiques, là où la mort viendra nous chercher masquée sous des visages d'hommes.
Nos membres ont commencé à se frigorifier, nos dent à claquer.
J'ai fini par croire que les armées de Staline n'ont pas voulu venir. J'ai regardé Marinus.

《 Non Leyers, ils vont venir bientôt. Je le sens.
- Comment le sentez-vous ?
- Depuis que je suis un vieux borgne je perçois les choses différemment. Je suis en osmose avec les cinq sens, et l'air n'est pas Le même, il est plus lourd et épais. Les russes sont là pas loin, à guetter la moindre baisse de garde.
- Mais on la baissera pas la garde Marinus.
- Tu crois que les bombardiers vont calculer si on baisse la garde ou pas ? Absolument pas. Donc voilà, on a été formés à se battre jusqu'au bout c'est ce qu'on fera.
- Promets moi quelque chose Leyers.
- Non s'il vous plaît pas ces phrases là... ai-je soupiré sachant que le pire reste à venir
- Si. Si la situation venait à dégénérer au milieu du combat, ne reste pas, fuis.
- Je ne fuirai jamais mes responsabilités Marinus, ai-je répondu d'un ton ferme et décidé. 》

Bien que surpris, mon mentor n'a plus rien dit, voyant très bien que je ne renoncerai pas. Il faut qu'il s'y fasse, je ne suis plus un petit gamin maintenant, j'ai une armée sous mes ordres, je suis devenu quelqu'un grâce à mes propres moyens.

Tout à coup, des formes brouillées et noirâtres se sont dessinés dans le coin de mes yeux. J'ai vite compris, beaucoup trop vite. Mes poumons ont brûlé en voyant les armées russes face à nous à quelques kilomètres, ressemblant à une marée noire prête à nous engloutir.
Tout est allé bien trop vite pour que je puisse moi-même me rendre compte, je me suis jeté sur Marinus, tous les deux allongés dans la neige fondue quand un obus a atterri à quelques mètres de nous. Les vibrations sismiques m'ont empêché de me relever tout de suite, mais lorsque j'ai vu un soldat courant et hurlant, le corps brûlé et ravagé par la flamme de l'obus russe j'ai compris. C'est le dernier combat. Je ne peux pas le nier.

Programmés pour tuerTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang