Face à face ( Maxence )

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19 janvier 1943, Béziers, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Je revois encore le visage de ma mère. Elle était figée sur place face au camion roulant loin d'elle... Ce que j'aurais voulu sauter et courir vers ma mère ! Cette image de celle qui m'a donné la vie me hante l'esprit...

Cela fait 4 jours que je suis parti.
4 jours que je n'ai pas mangé. 4 jours que je ne cède pas face aux paroles menaçantes des allemands. Ils auront beau me sortir les plus sinistres discours de torture, je ne dirai rien. Je mourai en héros mais jamais je ne livrerai une quelconque information aux Boches. Tant pis.
Je crois que je suis attaché sur une chaise, les mains menottées sur le bureau dans une pièce sombre avec une seule source de lumière. Mais à quoi sert la lumière dans ce genre d'endroit ? J'essaie de m'échapper, je me battrai jusqu'au bout. Je gigote tant bien que mal sur la chaise, les poignets saignant au goutte à goutte. Je peine à ne pas paniquer quand tout à coup, 6 hommes avec les même uniformes sont entrés dans la pièce en se parlant allemand. Je sens mon sang en ébullition dans mes veines.

《 Bonjour Maxence. 》

J'ai levé les yeux. Cette phrase, ce ton de voix calme et froid, je le reconnaîtrai parmi mille !!! Des cheveux blonds dorés plaqués en arrière, de grands yeux bleus de vipère brillant dans le noir, une horrible cicatrice sur les lèvres. Des traits marqués par les violences. C'est Marinus Strauss-Kahn. Là. Face à moi. Me surplombant de toute sa hauteur avec le même sourire que lorsqu'il est venu chez moi.

《 Tu ne dis pas bonjour ? 》

Je ne répond pas.

《 Ta maman ne t'a pas appris la politesse ? 》

J'essaie de rester impassible face aux autres SS me regardant en riant de mon cas face à leur général plénipotentiaire.
J'ai serré les dents face au contact dur et froid d'une lame traversant ma joue. J'ai senti le sang chaud coulant au ralenti et gouttant petit à petit sur mes lèvres et sur mon pull.

《 Tu sais pourquoi tu es ici Maxence ? me demande Strauss-Kahn en tournant autour de moi tel un vautour prêt à attaquer.
- Je... Je n'ai rien à me reprocher.
- Ah oui ?
- Oui.
- Ce n'est pas ce qu'on m'a dit, répond-il en m'assenant une violente claque derrière le crâne. Vous autres là, foutez le camps je veux m'entretenir seul à seul avec mon colocataire ! 》

Les Boches, ces chiens nazis ne se sont pas faits prier. En deux trois mouvements, Marinus a pris une chaise, en maintenant son regard dans mes yeux à deux doigts d'exploser de la douleur vivace sur ma joue.
Ce fumier est face de moi, attendant avec une patience incroyable que j'ouvre ma bouche.
Il tend une photo vers moi. Cette photo.

《 Je ne vois pas du tout qui cela peut-être, ai-je menti

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《 Je ne vois pas du tout qui cela peut-être, ai-je menti.
- Menteur !!! A-t-il hurlé en plantant un couteau au milieu de ma main. 》

J'ai hurlé de douleur en agonisant, observant le sang gicler à grandes vagues, pétrifié par le couteau accroché au bois à travers ma main.
Je sursaute quand l'allemand s'est levé et m'a jeté un seau d'eau gelée à la figure.

《 Il s'appelle comment le mec ?!
- Je sais pas !!!
- On va te crever Maxence Dubois t'entends ? s'est-il approché de moi, m'attrapant par le menton.
- Crevez moi alors !
- Hans Leyers ça te dit rien peut-être ?!
- Peut-être bien.
- Je sais que c'est toi.
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler désolé.
- Ne m'oblige pas à te crever et dis le moi ce que tu as fait à Leyers ! 》

J'aurais pu me sentir faire pousser des ailes, j'aurais pu tout casser et accomplir l'impossible à ce moment là. Avec une poussée d'adrénaline, j'ai raclé ma gorge et craché à la gueule du nazi. Je l'ai regardé s'essuyer le visage sans broncher, trop satisfait de résister pour trahir mes frères de cœur.
Je l'ai vu, son regard, il a changé d'une certaine manière que je redoutais au fond de moi je le reconnais. C'est alors que Marinus s'est levé pour attraper un instrument très étrange.
Sans rien dire, il a maintenu ma main.
J'ai hurlé en regardant son œuvre. J'ai vu du sang voler en grands jets, éclaboussant mon visage. Mes ongles sautent à mesure que Marinus s'amuse. J'ai crié, crispé de tout mon être, sentant les larmes dégouliner sur mon visage, la sueur perlant sur le front. J'ai mal. S'il y a un Dieu qu'il me vienne en aide je vous en supplie !

《 Tu ne veux toujours rien dire Dubois ?! insiste-t-il en faisant son "travail" deux fois plus fort. 》

J'ai résisté, me retenant de pleurer en voyant le bout de chacun de mes doigts partir en lambeaux.
Ceci a duré je ne sais combien de temps, il a pris un plaisir fou à m'humilier, me souiller, à m'enlever tous les ongles, à faire couler du sang français.

《 On ne s'arrêtera pas Maxence !! Dis nous qui a poignardé Hans Leyers le 25 décembre 1942 !
- MOI !!! ai-je cédé en hurlant de folie.
- Dis le.
- J'ai poignardé Hans Leyers !!!
- Bien !! 》

J'ai serré les dents pour ne pas crier de toute ma voix. Pourquoi je n'ai pas réussi à résister ? Je suis un putain d'incapable !!!
Ayant la vue légèrement trouble, j'ai réussi à voir Marinus revenir vers moi, avec un stylo et une feuille.
Satisfait d'avoir réussi lui aussi, il tapote là où je dois écrire.

《 Écris ce que tu as fait. 》

Je l'ai regardé, mon corps entier tremblant juste pour saisir le stylo. Je n'ai plus peur de ce qu'il peut m'arriver. Je sais qu'elle est ma destinée. Je mourai pour l'honneur de la France, je suis né avec ça dans le sang alors autant être honnête jusqu'au bout. Mes parents seront fiers de moi, que j'ai accompli tout ceci pour que mes confrères restent français.
Les mains tremblantes, j'ai approché le stylo de la feuille et ai commencé à écrire tout doucement. J'ai écrit la phrase qui signera mon acte de mort, je serai bientôt mort pour avoir poignardé Hans. La feuille est trempée, trempée de mon sang et de ma sueur gouttant de mes cheveux lorsque j'écrivais avec peine.

《 Signe. 》

Voilà le mot.

J'ai poignardé Hans Leyers à Noël 1942.
- Maxence Dubois.

Je l'ai fait. Je n'en peux plus, j'ai l'impression de me vider de plus en plus, de me vider comme si j'étais un ballon. Un ballon que les nazis vont prendre soin de rafistoler pour revenir s'amuser avec quand cela leur chantera.
Sauf que la prochaine fois je serai prêt. Je ne me laisserai pas prendre et torturer comme un chien aussi facilement.
J'ai regardé Marinus se lever avec la feuille en main, et partir sans rien dire, juste en s'essuyant les mains avec le même geste après avoir effectué une besogne quotidienne.

Un autre SS est venu dans la pièce, sans parler il m'a détaché en disant avec un magnifique accent français.

《 On va vous reconduire au village. Vous serez exécuté sur la grande scène à la salle de Réunion. Venez. 》

Sur ces mots, je me suis levé pour mieux m'écrouler à genoux face au nazi, à bout de force. Le Boche m'a relevé par le col de la chemise et m'a fait avancer au milieu des couloirs.
J'ai frissonné face à ce grand couloir, gris, long, large, recouvert de gardes nazis. Droits, le regard fixe et imperturbable, la tête en l'air.
J'avance, j'ai l'impression d'avancer tout droit vers la mort. J'avance en essayant de ne pas m'effondre pour ne plus me relever. J'ai peur de la suite des événements. Il faut que j'arrive à me sortir de là.
Un des hommes m'a poussé dans une espèce de pièce minuscule, entièrement plongée dans l'obscurité.
J'ai atterri à quatre pattes au sol, les mains pataugeant dans de la paille mélangée à je ne sais trop quoi. Le froid est transperçant, pénétrant et paralysant l'âme. Effrayé, le cœur palpitant à toute allure, j'ai cherché à m'accrocher à quelque chose, m'appuyer contre un mur.
J'ai observé autour de moi, il n'y a qu'un petit faisceau lumineux qui traverse la pièce. J'arrive à reconnaître un lit de fortune, recouvert de paille. Je suis foutu. La tête appuyée contre le mur aux pierres rugueuses, j'ai versé une larme, à bout de force en me demandant... Est-ce que résister vaut vraiment le coup ?

Programmés pour tuerOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz