Confessions ( Hans )

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2 juillet 1944, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

《Sale Boche ! Schleu ! Frietz !!! Va crever !!! Vous êtes inhumains ! Sale monstre !!!! 》

Je me suis réveillé en sursaut au beau milieu de la nuit, alarmé par ces insultes, la respiration haletante, le souffle court, la sueur dégoulinant sur mon front. Je n'ai pas commencé à tout casser, Eve dort tranquillement à côté de moi. J'aperçois son dos nu recouvert délicatement de sa chevelure. Je me suis penché vers elle pour lui déposer un baiser sur sa joue, en espérant ne pas la réveiller. Je ne veux pas qu'elle ouvre les yeux jusqu'à ce que je m'en aille, je ne veux pas la voir pleurer quand j'aurai fermé la porte. Je veux partir avec cette image d'Eve, une femme forte mais aussi tellement douce et innocente.
J'ai enfilé une chemise avec un vieux pantalon de treillis, et j'ai enfilé une veste légère, une veste civile. Je suis resté quelques minutes observant l'amour de ma vie dormir, hésitant avant de partir pour ne plus jamais revenir.
J'ai pris une feuille commençant à jaunir et un stylo, assis sur le lit je me suis mis à écrire.

Ma chère Eve.

Lorsque tu te réveilleras, je ne serai plus là. Nous ne nous reverrons plus avant la fin de cette maudite guerre. Je serai parti avec Marinus là où nos vies sont parties en lambeaux. On va tout régler, je reviendrai te chercher dans ton petit village. Je te reviendrai ne t'inquiètes pas, je sens au fond de moi que Dieu est avec nous. Nous allons avoir droit à cette petite vie que nous rêvons, loin de tout, seuls, peut-être mariés avec des enfants va savoir. Je ne voulais pas partir, je ne voulais tout simplement pas revenir au village pour partir le lendemain matin c'est totalement absurde et injuste. C'est ainsi. Je pense que si les choses se déroulent avec cette tournure aussi dramatique, c'est parce que derrière tout nuage, il y a des rayons de soleil.

Tu m'as appris à croire en notre destin, tu m'as appris à aimer. Tu es d'ailleurs la première femme pour laquelle j'ai éprouvé de l'amour. C'est pour cette raison que je me bats depuis ces longs mois, tu seras toujours ma force et ma faiblesse. La femme, la seule et unique qui m'aura poussé dans mes retranchements, changeant ma vision du monde, qui m'a rendu meilleur et plus humain. J'ai souvent pensé que je ne te méritais pas, je n'étais qu'un Colonel nazi qui ne jurait que par la gloire de son pays sans se soucier des autres, tu étais la plus belle femme que j'avais vu. Une magnifique femme française qui m'a résisté, qui ne s'est pas soumise face à mon autorité, tu es restée froide et j'étais attiré. Ah ça oui je l'étais ! Tu me rendais fou, et je le suis toujours, toujours aussi fou de toi Eve et ça ne changera pas. Peut-être que tu ne le sais pas, mais c'est juste grâce à toi que je suis resté au village. Je n'avais jamais été aussi serein, en paix avec moi-même et les autres que lorsque je t'ai rencontré. Mademoiselle Dechambord, tu as toujours été mon paratonnerre, mon phare au milieu d'une mer obscure, un ange venu dans l'enfer de ma personne. Je pourrai bien trouver des comparaisons pour nous décrire tous les deux, mais aucune jolie phrase ne pourra te montrer à quel point je t'aime.

Oui, je n'ai jamais su dire je t'aime, d'ailleurs je ne l'ai jamais dit à personne dans la vie. La seule fois où j'ai failli le dire, je me suis retrouvé embourbé dans la pagaille à Frías. Ces trois petits mots, je n'en savais pas leur sens, je ne les tolérais pas, ils ne représentaient que la mort et la souffrance il y a encore quelques jours. Sauf que je veux partir en t'imaginant sourire face à ce je t'aime, alors je te le dis peu importe les circonstances. J'aurais sincèrement aimé te le dire dans les yeux, dans tes belles prunelles bleues. Mais je n'ai pas pu, si tu te serais réveillée je n'aurais pas pu partir, je n'aurais jamais voulu te quitter je l'admets, et par cet égoïsme humain dû à un amour inconditionnel, je nous aurais tous mis en danger de mort. Il vaut largement mieux que je me sois enfui comme un héros romanesque et romantique avec cette stupide lettre crois moi.

Programmés pour tuerWhere stories live. Discover now