Vulnérable ( Hans )

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26 octobre 1943, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

J'ai pris sans l'ombre d'un doute la décision la plus importante de ma vie. J'ai tourné ma veste, je ne fais plus vraiment partie de toute cette organisation. J'ai rejoint le corps de la Résistance du village, je fournis un certain nombre d'informations à Eve, puis elle m'explique ce qu'elle fait. Je suis maintenant son acolyte, un partenaire sur lequel elle peut s'appuyer sans douter. Je serai toujours là pour elle il n'y a aucun doute. De voir son grand-père se faire emporter par Jäger m'a déchiré mentalement, je ne savais pas que l'homme était capable d'autant de violence face à un infirme. Cela m'a littéralement mis hors de moi, dans une colère telle que j'ai eu mon déclic. Je ne veux plus participer de plein gré à cette tuerie interminable, je veux participer pour arrêter tout ça. Qu'on soit français, Juifs, gitans, espagnols, soviétiques, hongrois, allemands, danois, communistes, quelle est la différence finalement ? Nous souffrons tous de cette stupide guerre.

Je pensais avoir rejoint l'élite du Grand Reich Allemand, les soldats qui sauveraient le pays et agrandiraient le territoire, sans violence en étant civilisés comme nous le sommes. Au final, j'ai découvert la vérité petit à petit, j'ai découvert sur quoi reposer l'empire nazi. Il ne repose pas sur la grandeur et la puissance comme Hitler nous l'a fait croire, il repose juste sur la violence et l'agressivité. Le gouvernement national socialiste du Reich n'est sauvé que par la soumission forcée des autres, sans ça il n'est rien. Alors je trouve cela décevant oui.
Je suis déçu d'avoir été fier d'une nouvelle nation, d'un nouveau chef qui avait l'air très intéressant, de nouvelles mentalités... pour qu'au final le Fürher transforme le si beau pays qu'est l'Allemagne pire que ce qu'elle l'était après le traité de Versailles en 1919.

Il y a quelques jours, j'ai reçu une lettre de mon petit frère venant de Bavière. J'ai commencé à me rendre compte que la vicissitude du nazisme visait même les allemands, pures souches comme ma famille. Demander à un ado de 14 ans d'espionner, traquer et livrer son grand frère... Mais on vit dans quel monde sérieusement ?
En lisant ses mots, je me suis rappelé quel genre d'homme est mon frère Adolf. Je l'ai mal jugé, cet homme est un véritable héros au mauvais lieu et au mauvais moment. Je l'ai très mal jugé, heureusement qu'il y a des gens comme lui.
Pour Herman, je l'ai rassuré, lui disant que j'ai envoyé un duo de soldats pour aller remettre les pendules à l'heure à ses mentors du Berchtesgaden. Ils arriveront normalement d'ici une semaine maximum.
J'espère sincèrement que mon petit frère ne cédera pas sous le coup de la pression... Je sais à quel point les hauts dignitaires peuvent être persuasifs, surtout quand on est jeunes. Herman n'a que 14 ans, c'est un gamin qui ne sait pas du tout dans quoi il est fouré, il est totalement impuissants face à leur perfidie... Je lui fais confiance, je sais au fond de moi que mon frère saura résister comme nous résistons Adolf et moi. Il y arrivera, j'en suis persuadé.

***
9h50.
J'ai observé Eve se pomponner pour sortir au marché du samedi. C'est dingue comme elle a réussi à se relever de cette douloureuse épreuve, je suis très fier d'elle. Maintenant elle rayonne, cette jolie Fräulein Dechambord a repris du poil de la bête. Eve est de nouveau la femme dont je me suis épris en arrivant. Belle, assurée et souriante. Ce beau sourire éclatant qui cache une multitude de cicatrices douloureuses.

Elle s'est habillée de plusieurs vêtements d'hiver féminins, de couleurs pales et ancien, datant sûrement du 19ème siècle. Cela lui va à ravir.

《 Eve !
- Oh la tu m'as fait peur !!
- Excuse moi. Tu es magnifique c'est tout.
- Oh, et bien merci beaucoup Hans. Tu es élégant toi aussi, me répond-elle avec un sourire. 》

Je lui ai proposé de l'accompagner mais elle a décliné, prétendant avoir des choses féminines à faire. Je sais que c'est un prétexte pour pas que je vienne avec elle, Eve se montre distante avec moi, distante mais en même temps je la sens beaucoup plus proche. C'est étrange à quel point être amoureux de quelqu'un peut te faire tourner la tête.

Programmés pour tuerWhere stories live. Discover now